Commentaire composé sur la Farce de Maître Pathelin PDF

Title Commentaire composé sur la Farce de Maître Pathelin
Author Camille Lauze
Course Histoire de la littérature
Institution Le Mans Université
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Commentaire composé de fin de semestre sur le dénouement de la pièce, v. 1541 à 1600...


Description

Camille Lauze-TD2

La Farce de Maître Pathelin Commentaire composé – Le dénouement de la pièce, v. 1541 à 1600 Définitivement, Pathelin peut bien se targuer d'être le maître de la ruse et de la parole ! En véritable badin, par sa faculté à manipuler toutes les ressources du langage, à user et à renverser la rhétorique à son avantage, ce personnage des plus fourbes est parvenu à se sortir de bien sales draps, c'est le cas de le dire. En effet, à la scène III de l'action II, celui-ci a réussi à décourager le persévérant drapier venu lui réclamer de payer les étoffes dont il lui à fait crédit en jargonnant dans d'obscurs patois, passant alors pour fou et se rendant ainsi intouchable. Et voici maintenant qu'il vient tout juste de faire acquitter le berger Thibaut l'Agnelet à son procès, accusé par le drapier Guillaume de voler la laine de ses bêtes et de les tuer, en lui recommandant tout simplement de se faire passer pour le plus grand des benêts en ne répondant que par l'onomatopée « Bée », quoi que quiconque lui dise. Mais voilà que, à la scène suivante et finale de la farce, qui nous intéresse ici, lorsque l'avocat vient lui réclamer des honoraires pour l'avoir si brillamment défendu, le berger s'obstine à continuer à répondre du bêlant monosyllabe qu'on lui a enseigné. Maître Pathelin est alors contraint de quitter la scène, discrédité et bredouille, par celui que l'on prenait pour l'esprit le plus simple. Tel est pris qui croyait prendre...Aussi, dans cette farce tournant autour du langage et de sa maîtrise dans le but de berner autrui, Thibaut l'Agnelet n'aura eu somme toute qu'à user d'un simple et inintelligible borborygme animal pour en sortir tout victorieux...Force est de constater que nous assistons donc avec ce dénouement à un retournement total dans l'ensemble de La Farce de Maître Pathelin, mais quel est-il exactement ? En quoi celui-ci est-il manifeste ? De quelle manière celui-ci s'effectue t-il ? Effectivement, si cette scène semble au premier abord s'inscrire dans la continuité de la pièce grâce aux échos qui sont établis avec le reste de l'œuvre, c'est pour ensuite mieux mettre en valeur ce renversement majeur dans l'essence même de cette œuvre, renversement qui s'avère finalement plus ou moins prévisible si l'on s'attache à l'étude de la tradition de la farce et à quelques indices finement semés ça et là par l'auteur dans le reste de la pièce. * ** Le dénouement de La Farce de Maître Pathelin est une scène singulière où l'arroseur se trouve arrosé à son tour, bouclant ainsi la boucle de la ruse par le biais du langage... Mais il convient déjà de montrer que, même si ce dénouement dénote dans la pièce, comme nous le verrons plus loin, celui-ci est riche d'éléments thématiques comme formels aptes à démontrer qu'il est une fin logique, puisque l'auteur est suffisamment habile pour y créer des échos et des liens avec d'autres moments de son œuvre. D'abord, cette scène s'inscrit dans la continuité de la pièce car elle aborde des thèmes déjà traités précédemment telle que l'arrogance, la fierté de Pathelin. En effet, déjà, dès le début de la pièce, l'avocat s'autoproclame maître des plaideurs : « Il n'y a nul qui se congnoise/ Si hault en avocatïon » (v. 54-55). Il paraît donc évident que, après avoir triomphé au procès d'Agnelet, il s'attende à ce que son talent soit reconnu. C'est pourquoi dans cette scène V de l'action III, avant même de réclamer son argent, celui-ci sollicite compliments et congratulations comme le manifeste la succession de questions au début de l'extrait : « Ta besongne est elle bien faicte ? » (v.1543) ; « Luy ay je baillée belle estorse ?/ T'ay je point conseillé a point ? » (v.1545-46). Ces interrogations sont d'ailleurs précédées d'une injonction « Dy, Aignelet » (v.1541) qui s'apparente à une prise à témoin de Thibaut, présent au procès et spectateur de la ruse de Pathelin. Ainsi, ce dernier est si satisfait du bon tour qu'il vient de jouer qu'il presse le berger de reconnaître son habileté. Ce qui vient en premier lieu en son esprit est le désir de recevoir des louanges et non pas de s'enquérir de ce qu'on lui doit, manifestant dès lors à quel point il est imbus de lui-même, ce qui était déjà visible dans le reste de la pièce lorsque par exemple il se vante d'avoir berné le drapier en lui faisant d'hypocrites courbettes : au tour du flatteur de vouloir être flatté, mais il se trouve que Pathelin ne va être payé ni d'éloges ni d'argent... Autre thématique évoquée précédemment dans la pièce qui refait une apparition dans ce dénouement de manière plutôt subtile : celle de la satire religieuse. Dans La Farce de Maître Pathelin, toute mention de la religion finit par glisser vers une dimension moqueuse : c'est le cas à la scène III de l'action III lorsque Pathelin prononce dans la même phrase « les plées Dieu ! […] men cul » (v.89192), donnant ainsi des accents parodiques à son discours, voire même blasphématoires lorsqu'il évoque le Diable par exemple aux vers 852-53 « […] que le deable y puist estre/ En chelle vieille 1

Camille Lauze-TD2 prestrerie ! ». Dans la scène qui nous intéresse ici, cette évocation ironique de la religion se fait plus discrète mais y est aussi belle et bien présente si l'on étudie profondément le texte. Effectivement, cela est déjà manifeste dans le nom du berger : Thibaut l'Agnelet. Si « Tibaut » est le nom traditionnellement donné aux gardiens de moutons dans les farces, « agnelet », quant à lui, d'après Le Trésor de La Langue Française signifie « petit agneau ». En nommant ainsi ce personnage, on l'assimile directement à la bête qu'il surveille dans les prés, lui attribuant ainsi les caractéristiques de cet animal. Et ce dernier, dans le christianisme, matérialise la soumission du chrétien à Dieu ainsi que les vertus d'innocence, de douceur et de bonté. Mais la suite de la scène nous montre que ce n'est pas vraiment le cas de Tibaut : son triomphe sur Pathelin par un malin et opportun stratagème remettant immédiatement en question les présupposés de candeur que lui prêtaient son nom : ne faut-il pas également voir en cela une démarche ironique de plus envers la religion dans cette farce puisque l'on brise ici l'un de ses symboles traditionnels? Ensuite, ce dénouement, bien que singulier comme nous le verrons plus loin, s'avère en cohérence avec le reste de la pièce puisqu'il présente des caractéristiques formels communes à l'ensemble de l’œuvre, soit par exemple l'abondance de ponctuation. Effectivement, on observe dans cette scène V de l'action III de nombreux points d'exclamations et d'interrogations qui participent au dynamisme de la farce, tel que ce genre l'est conçu traditionnellement. Ceux-ci permettent également de traduire et d'appuyer sur ce qu'on pourrait appeler le caractère émotif du texte, puisque Pathelin y subit toute une palette de sentiments avant de déclarer forfait face au berger: la perplexité : « Quel « bée » » (v.1555 et 1558) ; l'empressement : « Paye tost ! » (v.1563) ; « Sa, argent ! » (v.1567) ; l'indignation : « Esse mocquerie ?/ Esse quantque tu en feras ? » (v.1564) ; la colère : « Tu te rigolles !» (v.1569) ; la déception : « Je me devoie tant louer/ De toy! » et le mépris : « Maugré bieu ! Ay je tant vescu/ Que ung bergier, ung mouton vestu,/ Ung villain paillart me rigole ? » (v.1578-79-80). On note aussi dans ce dernier exemple que l'énumération de différentes périphrases pour désigner Thibaut sont a crescendo insultantes, ce qui participe également à donner l'effet d'un ton méprisant à la réplique et à montrer la mauvaise surprise et l'ébahissement de Pathelin de se faire à son tour tromper. D'ailleurs, on remarque que vient dans le texte à la suite de cette énumération un autre point commun formel avec le reste de La Farce de Maître Pathelin, c'est-à-dire la reprise de l'expression « mengier de l'oe » (v.1577) qui est déjà apparue maintes et maintes fois dans la pièce, s'y inscrivant comme un véritable leitmotiv (cf.v.300, 460, 501...) dont Pathelin joue sans arrêt sur le sens : propre ou figuré. Dans notre scène, cette expression est utilisée au figuré et signifie donc « se faire tromper », « se faire mener en bateau » : Pathelin s'indigne par cet expression de se faire tromper. De plus, on retrouve encore une fois l'oie quelques vers plus loin : « Les oisons mainnent les oes paistre ! » (v.1586), celuici personnifiant l'impression de monde à l'envers que ressent Pathelin puisque c'est ici le simplet qui mène le maître de la ruse. Et que, cette fois-ci, même s'il utilise une fois de plus cette expression, affirmant dès lors la cohérence de ce dénouement avec l'ensemble de l’œuvre, l'avocat ne l'utilise plus en tant que trompeur mais en tant que trompé...A noter que l'oie représente symboliquement une personne très sotte puisque l'on dit « être bête comme une oie » le sot est donc ici Pathelin, lui qui a pourtant toujours joué au plus fin avec autrui ... Enfin, l'action III de la scène V de La Farce de Maître Pathelin est des plus concordantes avec le reste de la pièce puisqu'elle présente un parallélisme flagrant avec le moment où Pathelin jargonne, soit la scène III de l'action II. Lorsque l'on observe les deux scènes, on se rend compte, avec étonnement, que le berger et l'avocat partagent de frappants points communs, comme si le simplet était en fait une sorte d'alter ego du fourbe badin. Effectivement, les deux scènes dépeignent la même situation : un prêteur venant réclamer son dû à l'emprunteur : le drapier à Pathelin et Pathelin à Thibaut. Les deux personnages s'y révèlent similaires du point de vue de la ruse. Pathelin en utilisant les patois, Thibaut en répétant son « Bée », tous deux, dans ces deux scènes, produisent un propos incohérent, inintelligible et donc coupé de toute fonction de communication. Dans les deux cas, le récepteur refuse d'être émetteur et produit un message indéchiffrable. Cela leur permet alors de se couper d'autrui, de se dérober du conflit et donc d'éviter de payer ce qu'ils doivent ! De ce fait, ce dénouement est un véritable écho de la scène III de l'action II. Autre point commun que partagent l'avocat et le berger est d'avoir tous deux promis dans des scènes antérieures à celles que nous avons évoquées au paragraphe précédent de ne pas payer en sous mais en or : à la scène II de l'action I pour Maître Pathelin (v.198-199-200 : « J'avoye mis apart quatre vings/ Escus, pour retraire une rente,/ Mais vous en aurès vingt ou trente, »), à la scène II de l'action III pour 2

Camille Lauze-TD2 Thibaut l'Agnelet (v.1125-26 : Je ne vous paieray point en solz,/ Mais en bel or à la couronne. »). A noter d'ailleurs un autre fait onomastique intéressant : si l'on s'en tient à la définition donnée par Le Trésor de la Langue Française, « agnelet » est « la moitié d'un agnel », ce dernier désignant une monnaie d'or frappée en France de St Louis à Charles VII et à l'effigie de l'agneau pascal : n'est-ce pas des plus ironiques que celui qui refuse d'offrir son dû à celui qui lui a rendu service porte en son nom même l'or qu'il a précédemment promis mais qu'il ne possède pas !? Quoi qu'il en soit, c'est un parallèle de plus à établir entre le gardien de mouton et le maître : tous deux avaient promis de payer en écus d'or et ne donnent en définitive que de l'inintelligibilité à leurs prêteurs : la parole incohérente est la seule monnaie qui circule et qu'obtienne ceux qui font crédit. En somme, l'écriture de la scène finale de La Farce de Maître Pathelin s'avère tout à fait rigoureuse puisqu'elle s'aligne avec le reste de la pièce de théâtre en y inscrivant des échos thématiques comme formels, et qu'il est possible d'y voir un parallèle avec la scène III de l'action II : ce dénouement semble finalement en être son miroir. * Mais on se rend alors compte que cette multiplicité de point communs sont présents pour mieux nous faire basculer de l'autre côté du miroir, mieux mettre en valeur ce qui est si particulier dans cette scène et qui permet d'achever avec panache cette farce en créant un renversement total dans La Farce de Maître Pathelin, une inversion de tout ce que l'auteur avait jusqu'ici mis en avant. Oui, car si Thibaut et Pathelin ont une ruse en commun, il apparaît que l'élève finisse par dépasser le Maître... Rappelons d'abord que la singularité de cette farce repose sur son rapport au langage : elle en montre ses multiples pouvoirs que ce soit en flattant, en jouant sur son intensité, en le corsant pour le rendre inaccessible à autrui... Pathelin, en parfait badin, a effectivement triomphé des autres personnages en maniant avec brio les armes de la rhétorique. Mais dans ce dénouement, le pouvoir du langage jusque là démontré se trouve remis en question puisque le berger, lui, parvient à triompher de Pathelin, cette victoire se caractérisant par la sortie de scène du personnage principal, en réduisant le langage à son minimum, voire même en l'anéantissant, répétant inlassablement une onomatopée nous rappelant le cri du mouton: « Bée ». Le vertige des longues phrases alambiquées voire insensées dont Maître Pathelin s'est servi face au drapier s'oppose totalement à ce mot de trois lettres, qu'il est d'ailleurs même difficile de qualifier de « mot » puisqu'il s'agit d'un son animal, et les animaux ne produisent pas de langage articulé et intelligible. En imitant la bête, le berger triomphe de l'instrument d'attaque et de défense le plus efficace et dont tire fierté et prétention Pathelin (et d'ailleurs les hommes en général puisqu'ils pensent qu'il leur est propre) : le langage. En effet, ce dernier se définit comme une faculté puissante car il permet d'employer des signes pour communiquer sa pensée à autrui et, de ce fait, pour également le manipuler, le tromper. Pourtant, ici, Thibault l'Agnelet s'obstine à ne répondre que par ce que l'on peut qualifier un non-langage : en disant « bée », il ne communique aucune pensée à son interlocuteur, et pourtant celui-ci finit par comprendre qu'il n'en tirera rien, qu'il s'est fait tromper et que la seule réaction possible est l'abandon : le berger triomphe sans prononcer un véritable mot. On remarque d'ailleurs que , dans les scènes précédentes, le berger est plutôt loquace : à la scène II de l'action III, face au drapier qui le menace de faire son procès, il tente de se défendre en maniant le langage, en argumentant...mais cela ne portera pas ses fruits. Par contre, au moment où Thibault se tait, où il oppose son bêlement au langage articulé, il parvient à triompher de tous ceux qui le menacent : Guillaume, le juge et enfin Pathelin dans ce dénouement. Ainsi, l'auteur de La Farce de Maître Pathelin achève-t-il sa farce sur une défaite de la parole, elle qui semblait pourtant montrer jusque là que celui qui sait la manier s'en sortira toujours. Comme le dit Michel Rousse dans la préface de cette farce : « un petit mot dépourvu de signification, un cri d'animal vient à bout de ceux qui s'essaie au maniement tortueux de la langue », et c'est ce qui fait toute l'ironie du dénouement de cette pièce de théâtre ! On pourrait cependant nuancer notre propos et celui de Michel Rousse en montrant que, certes, si ce « bée » semble dépourvu de signification comme moyen de communication, il est cependant porteur d'un certain sens si l'on s'attache à l'étude approfondie de ce monosyllabe. Oui, dans ce texte, il s'agit en premier lieu d'une représentation du cri du mouton, mais cela rappelle également l'adjectif féminin que l'on trouve dans l'expression « être bouche bée » et qui signifie d'après Le Trésor de la Langue Française « demeurer bouche ouverte, dans une attitude d'étonnement et de surprise ». Cela rappelle bien sûr Maître Pathelin qui ne sait comment réagir face au « bée » de Thibaut, qui est ébahi et abasourdi de se retrouver trompé par un « nigaud » et qui se voit contraint de quitter la scène pour ne 3

Camille Lauze-TD2 pas continuer à perdre la face. Aussi, dans Le Dictionnaire de l'Ancienne Langue Française de Godefroy, « bée » est un nom qui signifie « vaine attente, faux espoir ». Cette définition traduit parfaitement ce qui se passe ici : Pathelin dans une scène précédente s'attendait bien à obtenir « au moins […] une epinoche » (v.1212) de la part de Thibaut, et à ce dénouement, ses attentes d'extorquer un peu d'argent sont définitivement déçues, puisque le berger se dérobe à lui, conformément à cette définition du mot « bée »! Aussi, on remarque que cette onomatopée est constamment mise en symétrie avec la demande de paiement de l'avocat, ce qui montre bien que, même s'il n'est pas un véritable langage, il personnifie le refus de payer du berger, c'est en somme une manière de dire « non » : PATHELIN : « Paye moi. », LE BERGER : « Bée ! » (v.1550-51) ; « Paye moy et bien doulcement. », LE BERGER : « Bée » (v.1558-59), PATHELIN : « Et me paye, si m'en yrai », LE BERGER : « Bée » (v.1558-59)...etc. Ce renversement qu'est la défaite de la parole se manifeste également dans les répliques prononcées par Maître Pathelin dans cette scène : face à son interlocuteur qui refuse de lui répondre, on a l'impression d'assister à un monologue de l'avocat et l'on ressent que, peu à peu, lui qui aime les phrases bien tournées , perd son vocabulaire riche et son éloquence lorsque la colère de se voir berner alors qu'il ne s'y attendait absolument pas monte progressivement en lui. Cela est notamment visible dans l'évolution de sa demande de paiement : au début, sa réclamation se fait à partir de phrases impératives, certes brèves, mais complètes et grammaticalement correctes : « Paye moy » (v.1550), « Paye moy bien et doucement (v.1557) », « Paye tost ! » (v.1563). Mais il finit par réclamer son dû par une phrase averbale, il ne s'exprime de rage que par un seul mot qui ressemble à un cri primaire ou au caprice d'un enfant : « Sa, argent ! » (v.1566) Ainsi, en perdant son calme, il laisse s'envoler même sa faculté à bien s'exprimer, montrant dès lors la défaite de la parole face au non-langage. Celle-ci se manifeste également dans le fait que ce n'est plus dans le jeu verbal que réside le comique : ici, c'est le non-langage qui prend une puissance comique. On observe rien que dans cette scène seize occurrences du « bée » de Thibaut ! Le public est confronté à un efficace comique de répétition et aussi de situation : il ne peut que rire du berger s'obstinant à imiter et répéter le cri du mouton qui prend une allure quelque peu grotesque dans la bouche d'un humain, ce qui débouche sur une scène burlesque et absurde où Pathelin se retrouve dans une posture bien cocasse puisque presque autant inattendue pour lui que pour le spectateur... L'abasourdissement de l'avocat s'exprime d'ailleurs par la répétition d'une phrase qu'il dit à trois reprises ,tel un refrain : « N'en auray je aultre chose ? » (v.1568), « N'en auray je aultre monnoye ? » (v.1573), « N'en auray jr aultre parolle ? » (v.1581). Cette phrase revient sans cesse en ne faisant varier que le mot final : « chose », « monnoye », « parolle ». On remarque que ce que réclame en dernier lieu Pathelin n'est plus de l'argent, mais ne serait-ce qu'un mot différent que ce « bée » avec lequel Thibaut lui rebat les oreilles. Il est si désemparé face à cette absence de communication que ce qu'il semble souhaitee en définitive est davantage le retour du langage que son dû. La parole, le véritable langage articulé ne fait son retour sur scène seulement lorsque Pathelin l'a quittée, le berger lançant une dernière réplique moqueuse : « S'il me treuve je luy pardonne ! ». Thibaut est donc le personnage qui prononce la dernier vers de la pièce, c'est donc lui qui a le dernier mot, et ce dans tous les sens du terme : il sort tout victorieux de cette farce. Sa dernière réplique, comme dans Le Garçon et l'Aveugle, est une dernière ruse, un dernier sarcasme à l'adresse de celui qu'il a berné et qui achève la pièce sur un accent des plus comiques. Mais ce retour à la parole sera des plus brefs et c'est le silence qui lui succédera aussitôt : silence puisque le berger quittera immédiatement la scène de peur de se faire attraper par un sergent. L'auteur opère ici un véritable contre-pied des usages de la farce qui réunit traditionnellement tous les personnages sur scène pour le final : dans la cas présent, le public est laissé face à un espace de jeu vide, sans joueurs et sans parole. Ainsi, le silence complet qui caractérise la fin de cette pièce p...


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