Corrigé du cas pratique DROIT DU TRAVAIL (Peskine) séance 3 PDF

Title Corrigé du cas pratique DROIT DU TRAVAIL (Peskine) séance 3
Author Green Hippo
Course Droit du travail
Institution Université Paris Nanterre
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Corrigé du cas pratique DROIT DU TRAVAIL (Peskine) séance 3...


Description

Corrigé du cas pratique – Pouvoir de l’employeur et contrat Le cas de Monsieur Bongrain Monsieur Bongrain, conseiller technique, a subi un changement de son lieu de travail. Une des clauses de son contrat prévoyait une mobilité possible entre la région parisienne et le nord-ouest de la France. Cependant, sa femme ayant été victime d’un accident, il doit s’occuper seul de ses trois enfants. Se pose la question de savoir si ce changement de son lieu de travail constitue une modification de contrat de travail ou un changement de ses conditions de travail, selon la distinction dressée par l’arrêt Le Berre (Soc. 10 juill. 1996).

En présence d’une clause de mobilité, cette question revient d’abord à s’intéresser à la validité de celle-ci.

I. Validité de la clause de mobilité La clause de validité était-elle valide ?

A. En droit Les clauses de mobilité doivent répondre à deux conditions : elles doivent fixer avec précision leur étendue géographique (Cass. soc. 12 juillet 2006, Bull. civ. n° 241), et elles ne peuvent pas conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée (Cass. soc. 7 juin 2006).

Cependant, la Cour de cassation apprécie de manière assez large ces critères. Elle a ainsi reconnu qu’une clause de mobilité géographique « limité » au « territoire français » était valide, remplissant les conditions de précision et « d’éradication du pouvoir d’extension unilatérale de l’employeur » (Soc., 9 juill. 2014).

B. En fait En l’espèce, la validité de la clause de mobilité ne fait pas beaucoup de doute. Celle-ci visait la région parisienne et le Nord-ouest de la France. Cette zone géographique, délimitée, ne peut être unilatéralement étendue par l’employeur, qui ne décide pas de la carte administrative française. Par ailleurs, puisque la clause de mobilité prenant pour frontière le « territoire français » est valide, a fortiori, une clause se limitant à une zone française plus restreinte devrait être considérée comme précise. Il en résulte que le changement du lieu de travail, opéré en conformité avec cette clause, relève seulement d’un changement des conditions de travail du salarié. Pour autant, cela ne préjuge pas de la validité de la mise en œuvre de cette clause.

II. Mise en œuvre de la clause Le salarié a refusé la mise en œuvre de cette clause et a corolairement été licencié pour faute grave. Le refus de ce changement des conditions de travail était-il fautif ?

A. En droit En principe, le refus du salarié d’un changement de ses conditions de travail est fautif, et peut permettre le licenciement du salarié pour cause réelle et sérieuse (V. Cass. soc. 10 juillet 1996, Le Berre ; aussi, Soc. 23 février 2005). Il appartient toutefois aux juges de rechercher si la décision de l’employeur de muter un salarié ne porte pas atteinte au droit du salarié de mener une vie personnelle et familiale normale (Cass. soc. 23 mars 2011). Il faut ainsi rechercher, en appliquant l’article L. 1121-1 du Code du travail, si la décision de muter le salarié est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. Si cette décision porte atteinte au droit du salarié de manière injustifiée et disproportionnée, alors elle est illégitime. Dans ce cas, le refus du salarié n’est pas fautif.

B. En fait Il y a lieu pour le salarié de faire valoir sa situation familiale compliquée et notamment la charge de famille qu’il doit assumer. On peut en effet se demander si la décision de mutation et les implications qu’elle a sur le salarié sont bien justifiées par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. La mesure est-elle justifiée ? La décision de mutation n’a pas été particulièrement motivée par l’employeur. L’on pourrait simplement considérer, en-dehors de toute précision, que celle-ci a été motivée par l’intérêt de l’entreprise , dans une perspective de développement de ses activités économiques. Cet intérêt, aux contours flous, constitue bien une justification de la décision, mais

celle-ci est plutôt faible. Elle ne saurait justifier des mesures trop attentatoires aux droits fondamentaux des salariés, ce qui joue sur l’appréciation de sa proportion. Est-elle proportionnée ? Le salarié est conseiller technique. Il y a fort à parier, d’une part, qu’il n’est pas le seul conseiller technique d’une si grande entreprise et, d’autre part, qu’une partie au moins de son travail pourrait se faire à distance. L’on peut dès lors se demander s’il n’aurait pas pu être placé en télétravail, de manière totale ou partielle – certes, avec son accord – ou si l’un de ses collègues, plus « disponible » sur le plan personnel, n’aurait pas pu être muté à sa place. Compte-tenu de cette justification assez faible et hypothétique, et des possibilités qu’avait l’employeur d’atteindre le même but – accroître son entreprise –, le changement des conditions de travail apparaît être une atteinte au droit à la vie privée qui est, si ce n’est injustifiée, au moins disproportionnée. En conclusion, le refus du salarié n’étant pas fautif, le licenciement du salarié pour faute grave devrait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cependant, si jamais le juge n’était pas sensible à cet argumentaire, et retenait le caractère fautif du refus, il devrait encore déterminer si la faute du salarié est bien une faute grave.

III. Gravité de la faute (Subsidiairement)

Le salarié, qui a refusé le changement, a, sous réserve de nos développements précédents (Cf. II), commis une faute. En l’espèce, il a été licencié pour faute grave. Mais, cette faute était-elle d’une telle gravité ?

A. En droit

Le refus par le salarié d’un changement de ses conditions de travail n’est plus, à lui seul, constitutif d’une faute grave, même s’il reste une cause de licenciement (Cass. soc. 23 février 2005). La faute commise n’étant pas, par principe, une faute grave, il faut encore apprécier sa gravité. La gravité de cette désobéissance dépendra des circonstances : la faute grave est ainsi caractérisée lorsque le salarié, qui ne se borne pas à refuser d'exécuter son travail aux nouvelles conditions, quitte son poste de travail (Soc. 19 nov. 2014, n° 13-20.129), ou adopte un « comportement perturbateur » devant la clientèle (Soc. 10 déc. 2014, n° 13-13.644). En

toute

hypothèse,

l’agrégat

du

refus

et

de

ces

circonstances

supplémentaires doit constituer une faute qui rend impossible le maintien du contrat du salarié (Cass. com. 15 oct. 2002, n° 00-18.122).

B. En fait En l’occurrence, l’on sait que le salarié a opposé son « refus catégorique » à ce changement. Le peu d’informations disponibles sur ce point doit donc mener à formuler deux hypothèses : Soit, premièrement, le refus catégorique désigne un abandon, par le salarié,

de

son

« comportement

poste

de

travail

perturbateur »

initial,

devant

la

voire

l’adoption

clientèle

ou,

d’un plus

vraisemblablement, devant ses collègues. Dans ce cas, la faute grave est qualifiée, et le licenciement causé. Soit, secondement, ce refus n’est que la manifestation de volonté du salarié de ne pas voir ses conditions de travail modifiées. L’on pourrait

imaginer que, tout en refusant cette mutation, il ait continué d’exercer ses fonctions dans son lieu de travail initial. Dans ce dernier cas, la faute est qualifiée, mais elle n’est pas grave. Elle serait seulement sérieuse. Le licenciement serait fondé, mais pas pour faute grave. Conséquemment, le salarié pourrait demander au juge la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement pour faute sérieuse, et donc, le versement de ce dont il a été privé à cause de son licenciement pour faute grave : les indemnités de préavis et les indemnités légales – ou conventionnelles – de licenciement....


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