Dissert La hiérarchie des pouvoirs réglementaires PDF

Title Dissert La hiérarchie des pouvoirs réglementaires
Author Emma Cz
Course Droit administratif
Institution Université de Strasbourg
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Summary

Cours de droit administratif à l'IEP de Strasbourg, dissertation réalisée au premier semestre....


Description

Jean Rivero disait que « le pouvoir réglementaire reconnu au Ministre est presque une nécessité biologique ». Ainsi, c’est bien ici le Ministre, qui titulaire dérivé du pouvoir parlementaire seulement, prend toutefois sa place dans une véritable hiérarchie réglementaire. Mais les Ministres, loin d’être les seuls à posséder une forme de pouvoir réglementaire, s’inscrivent dans une hiérarchie large et confuse, diffuse de plus au gré les spécificités locales. Le pouvoir réglementaire est le pouvoir dont disposent les autorités exécutives et administratives de prendre unilatéralement des actes exécutoires comportant des dispositions générales et impersonnelles selon le site Vie-Publique de la République Française. Ainsi, les pouvoirs réglementaires, régis par les articles 34, 37, 38 et 21 de la Constitution de 1958 appartiennent en droit commun au Premier Ministre, chef du gouvernement français (Article 21), et en exception au Président de la République après la délibération du décret conseillé en Conseil des Ministres, mais bien d’autres autorités en sont également dotées. Des autorités nationales, d’abord, comme les ministres avec leurs circulaires, comme a été rendu officiel par l’arrêt d’Assemblée Jamart du Conseil d’État le 7 février 1936, mais aussi des autorités locales, comme les préfets, ou l’autorité des collectivités territoriales instituées par la révision Constitutionnelle de 2003. C’est bien que l’ordre juridique peut être confus : qui énonce les règlements, qui peut les annuler, et surtout, qui les contrôle ? Dans un ordre juridique fourmillant d’institutions distinctes aux relations complexes à plusieurs niveaux, il peut sembler légitime de penser que l’efficacité du pouvoir réglementaire, conçu pour être plus exécutif, plus précis, puisse être réduite par la multiplicité des titulaires dudit pouvoir. Mais il est vrai que le rôle du règlement, par exemple du règlement d’application d’une loi dans le domaine de la loi à l’article 34 de la Constitution de la Cinquième République, est bien d’être une norme plus précise, plus adaptée aussi à une localité définie ou à des particularités. Le règlement, s’il est désormais largement indépendant du législatif, a toutefois historiquement recherché l’efficacité. Ainsi, nous verrons que, s’il est vrai qu’une véritable hiérarchie des titulaires du pouvoir réglementaire existe bien pour permettre une certaine complémentarité, et par là même une efficience des règlements, il existe toutefois une multiplicité qui peut porter à confusion entre les titulaires locaux et nationaux du pouvoir réglementaire. Il est vrai que les titulaires du pouvoir réglementaire obéissent à une hiérarchie bien définie, construite par la Constitution même, ainsi que par d’autres lois organiques, mais il faut aussi se rappeler du fait que les autres autorités titulaires du pouvoir réglementaire sont de plus en plus diverses, et peuvent déranger la hiérarchie du pouvoir réglementaire déjà établie.

I] Une hiérarchie des compétences des titulaires du pouvoir réglementaire Tout d’abord, le pouvoir réglementaire s’est au fur et à mesure de l’histoire de son développement, et surtout au XXè siècle, doté d’une hiérarchie des titulaires en disposant qui peut être qualifiée de relativement claire. De plus, il est judicieux de voir que le développement en parallèle des instances de contrôle de cette hiérarchie permet sa stabilité et son équilibre, et évite les conflits entre les différentes instances de contrôle.

A) Une hiérarchie construite par la juridiction Tout d’abord, les titulaires du pouvoir réglementaire ont beaucoup changé au fil des années, et surtout au fil des Républiques. S’il appartenait au Président de la République pendant la Troisième République de posséder le pouvoir réglementaire de droit commun, c’est aujourd’hui, et ce depuis 1958, le cas du Premier Ministre. Ainsi, si la hiérarchie a quelque peu changé au fil du temps, elle s’est avant tout construite, tout au long du XXè siècle surtout. C’est une hiérarchie centralisée qui est d’abord apparue, avec le pouvoir réglementaire qui a été accordé aux Ministres sous certaines conditions par l’arrêt d’assemblée Jamart par le Conseil d’État le 7 février 1936, mais la construction juridique des titulaires du pouvoir réglementaire a surtout pris de l’ampleur avec l’avènement de la Cinquième République et la définition des domaines de la loi ( article 34 de la Constitution), laissant ainsi au règlement une autonomie et une ampleur qu’il n’avait jamais connue auparavant. Plus de pouvoir appelant plus de titulaires de ce pouvoir pour le mettre en œuvre de manière efficace, la jurisprudence, construite au fur et à mesure des années par le Conseil d’État, a notamment permis de définir une hiérarchie encore très centralisée, qui prend pour tête les décrets délibérés en Conseil des Ministres et signés par le Président de la République (comme on peut le voir dans l’arrêt CE, Ass, 10 octobre 1992, Meyet, dont la jurisprudence exprime que les décrets du Président de la République délibérés en Conseil des Ministres sont valide que le Conseil se soit ou non auto-saisi de la prise de ce règlement), puis les décrets du Premier Ministre. Suivront ensuite dans l’ordre de la hiérarchie administrative classique les autorités titulaires du pouvoir réglementaire dans un domaine donnée, comme les Ministres et leurs circulaires, les préfets et leurs arrêtés, et enfin les Maires, à la fois autorités de la déconcentration et de la décentralisation.

Aujourd’hui, c’est donc bien une hiérarchie fournie et adaptable qui régit le pouvoir administratif et ses titulaires, non seulement les titulaires du pouvoir réglementaire national, de droit commun ou d’exception, mais aussi les domaines plus spécifiques du pouvoir réglementaire, comme les préfets, qui ont un fort ancrage local, et un pouvoir certain sur les départements ou régions (comme on a pu le voir avec l’ordonnance du gouvernement du 17 juin 2021 laissant aux préfets de départements le soin de décider du port du masque dans leurs départements), ou bien les autorités spécialisées comme le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.

B) Une hiérarchie contrôlable De plus, cette hiérarchie, flexible dans sa multiplicité, bénéficie d’un rigoureux contrôle de la part de plusieurs organes, ce qui assure une certaine stabilité et confère une certaine permanence à la hiérarchie mentionnée ci-dessus. Ainsi, la République possède deux organes qui permettent de sauvegarder l’équilibre hiérarchique des titulaires du pouvoir réglementaire : le Conseil d’État et le Tribunal des Conflits. Le Conseil d’État, tout d’abord, régit les rapports entre les titulaires de l’autorité réglementaire euxmêmes, et résout les potentiels conflits de hiérarchie qui peuvent apparaître, par exemple avec l’arrêt du Conseil d’État « Commune de Néris-les-Bains », du 18 avril 1902. En effet, cette décision qui exprime que ce sont bien les maires qui, au niveau local, on le contrôle des forces de police, et qu’ils ont une certaine autonomie par rapport aux préfets, qui eux n’ont qu’un droit de surveillance. L’arrêt reconnaît que les maires peuvent attaquer les décisions des préfets lorsque ceux-ci agissent conformément à leur pouvoir de tutelle à l'encontre d'un acte pris par eux. Ainsi, cela permet un contrôle de l’autorité des préfets, évitant ainsi que l’équilibre du pouvoir maire/préfet ne puisse pencher en faveur du préfet à cause d’arrêts abusifs justifiés par le pouvoir de tutelle. Mais si le Conseil d’État permet de vérifier les excès de pouvoir des différents titulaires du pouvoir administratif les uns par rapport aux autres, il faut aussi un organe qui puisse décider du domaine dans lequel se trouve une affaire, pour éviter qu’il soit possible de « passer entre les gouttes », pour ainsi dire, en étant dans une sorte de zone grise entre le public ou le privé où existerait un certain vide juridique par exemple. C’est ainsi que le rôle du Tribunal des Conflits peut être mis en évidence par la décision du Tribunal des Conflits du 15 janvier 1968, Époux Barbier contre Air France. En effet, la décision du Tribunal des Conflits met en lumière le rôle que peuvent avoir les entreprises privées (mais

nationales) dans la hiérarchie des titulaires du pouvoir réglementaire, et, en prenant le parti que les décisions du Conseil d’Administration d’Air France sont bien administratives, et non pas privées, et en chargeant donc le Conseil d’État de l’affaire, le Tribunal montre sa compétence à faire et sauvegarder la hiérarchie et l’ordre des pouvoirs réglementaires. On peut donc trouver deux organes qui permettent de contrôler et de remettre de l’ordre dans la hiérarchie juridique des titulaires du pouvoir réglementaire, assurant ainsi la stabilité de ladite hiérarchie, et sa pérennité.

Mais s’il est vrai que la hiérarchie des pouvoirs titulaires du pouvoir réglementaire est relativement claire (en tout cas au niveau national) et stable grâce à la possibilité de contrôle par des organes juridictionnels tels que le Conseil d’État ou le Tribunal des Conflits, il faut aussi admettre que certaines autorités administratives qui possèdent le pouvoir réglementaire dans un domaine précis peuvent avoir une place ambiguë dans la hiérarchie, sachant que leur position en tant qu’organe local ou en tant qu’autorité dans un domaine précis et bien défini les place un peu en dehors de la hiérarchie verticale établie au niveau national, notamment.

II] Une dimension d’autonomie et de contestation possible des autres autorités Ainsi, les titulaires du pouvoir réglementaires aux compétences limitées à un domaine (idéel ou géographique) réel possèdent dans certains cas une forme d’autonomie, de liberté d’adaptation des règlements nationaux, qui peu parfois mener à une forme de confusion, voire de conflit, entre les différentes autorités. La révision constitutionnelle de 2003, en accordant plus d’autonomie aux collectivités territoriales, est aussi potentiellement un facteur de multiplication des conflits et des confusions dans la hiérarchie des titulaires du pouvoir réglementaire en France.

A) Le problème du pouvoir réglementaire des autorités administratives secondaires

Il est notable que l’on connaît aujourd’hui, selon le Conseil constitutionnel, un « phénomène d'éparpillement des sources de la réglementation ». Il est vrai que ce phénomène ne peut être qualifié de nouveau (J.-M. Auby, « Le pouvoir réglementaire des ordres professionnels », JCP 1973, n° 2545., mise en évidence des « premières manifestations de ce processus d'éclatement de la compétence réglementaire qui profite ici à des personnes privées » et dans lequel l'auteur voyait un symptôme de « crise du pouvoir réglementaire » selon le Conseil Constitutionnel). Pourtant, c’est bien une tendance relativement moderne qui a conduit à sa montée en puissance au cours du début du XXIè siècle. Cette tendance à la spécialisation des organes administratifs a résulté en la création et l’entrée dans la hiérarchie administrative des Autorités Administratives Indépendantes (la loi du 20 janvier 2017 fixe les 25 AAI), et ainsi à l’éparpillement des sources du règlement. Les autorités administratives titulaires d’un pouvoir administratif limité sont nombreuses, à commencer par les Hautes Autorités Administratives, dont le pouvoir administratif a été reconnu et limité par une décision du Conseil Constitutionnel, la décision n° 86-217 DC, (pour les autorités administratives indépendantes : l'attribution d'un pouvoir réglementaire « ... ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu... » ). Il est de plus vrai qu’en plus des autorités administratives proprement dites, le Conseil d’État et le Tribunal des conflits ont reconnu comme administratives les décisions des Conseils d’Administrations de certaines entreprises privées possédées par l’État, comme Air France, ou qui ont une autorité sur un domaine d’intérêt public, comme par exemple les fédérations sportives. En effet, le Trbiunal des conflits a jugé dans son arrêt Époux Barbier contre Air France du 15 janvier 1968 que le Conseil d’Administration d’Air France, qui était en charge de passer les règlements internes à l’entreprise, notamment dans le cas de cet arrêt sur les motifs de licenciement (ici le mariage) est un organisme administratif, et donc que l’affaire serait présentée au Conseil d’État suivant l’ordre juridictionnel administratif. Ainsi, cette décision a multiplié les détenteurs du pouvoir administratif dans un domaine limité dans la mesure où des entreprises privées qui gèrent des possessions étatiques peuvent maintenant édicter des normes réglementaires à portée limitée dans un secteur donné. Cela complexifie encore la hiérarchie puisque la tendance large à la gérance par des entreprises privées des services publics signifie également la multiplication des titulaires de ce pouvoir normatif « secondaire ». On peut en donner un autre exemple avec l’avis d’Assemblée du Conseil d’État du 20 novembre 2003 JCP adm.. La loi qui en découle autorise les fédérations sportives à édicter des normes réglementaires dans le strict but de police.

Il semble toutefois nécessaire de nuancer quelque peu le propos en rappelant que non seulement les domaines divers de ces nouveaux titulaires du pouvoir réglementaire sont limités, mais que leurs compétences en matière d’édiction de la norme réglementaire elle-même le sont aussi : par exemple, les fédérations sportives, comme mentionné si dessus, ne peuvent édicter des normes qu’a but de police, et doivent donc pouvoir justifier de leur nécessité à ce niveau devant la justice.

B) Une amplification du phénomène d’éparpillement réglementaire avec la révision constitutionnelle de 2003 à relativiser Une tendance longue qui rejoint celle de la multiplication des titulaires du pouvoir réglementaire par la multiplication des gérants privés d’entreprises publiques est celle de la décentralisation. Décentralisation entraînant bien entendu une montée en autonomie des collectivités territoriales, elles ont aussi gagné une plus grande marge de manœuvre pour adapter au niveau local les règlements nationaux. En effet, les collectivités territoriales « pouvaient espérer adosser leur ambition réglementaire au principe constitutionnel de libre administration interprété comme commandant une conception restrictive de la fonction exécutive du Gouvernement », selon le Bertrand Faure dans « CAHIERS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL N° 19 (DOSSIER : LOI ET RÈGLEMENTS) JANVIER 2006 ». Cela veut dire, en somme, que le Gouvernement perdrait une partie de son pouvoir de règlement, qui serait transféré aux collectivités territoriales pour leur libre administration, et que le gouvernement, comme le préfet sur le Maire (arrêt CE, 18 avril 1902, Commune de Néris-les-Bains, n°04749 nous donne l’exemple du pouvoir de surveillance du préfet sur le maire, qui cependant ne doit pas excéder ledit pouvoir et n’est donc pas entièrement plus haut dans la hiérarchie des règlements que le maire). L’article 72 qui régit la décentralisation, lui, reste ambigu, il ne parle que d’un « pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences », sans préciser ses limites ou sa position dans la hiérarchie des titulaires du pouvoir réglementaire. Ainsi, il semble possible par les textes de loi et constitutionnels d’imaginer une hiérarchie des normes réglementaires et des titulaires de ce pouvoir plus horizontale, dans le sens où les gains d’autorité des collectivités territoriales permettraient d’avoir des hiérarchies plus locales, qui ne se référeraient ensuite au pouvoir national qu’en tant que superviseurs, surveillants, un peu comme les préfets le sont depuis plus d’un siècle envers les maires de communes.

Il faut toutefois préciser que malgré les possibilités qui s’ouvraient avec la décentralisation de la révision constitutionnelle de 2003 , la législation du Conseil d’État a coupé court à l’autonomisation des titulaires secondaires du pouvoir réglementaire dans l’arrêt du Conseil d’État du 9 octobre 2002 « Fédération des personnels des service et régions CGT-FO et fédération nationale Interco-CFDT », qui étudiait le régime indemnitaire et du temps de travail dans la fonction publique territoriale, et dont la portée a été de réduire la compétence réglementaire de l’autorité secondaire qu’au cas où la loi est suffisamment précise pour être applicable par elle-même, sinon le gouvernement peut intervenir, et « intervenir complètement »1.

1

Bertrand Faure, CAHIERS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL N° 19 (DOSSIER : LOI ET RÈGLEMENTS) - JANVIER 2006...


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