Fiche - Guilleragues, Lettres portugaises PDF

Title Fiche - Guilleragues, Lettres portugaises
Author Thomas Dumats
Course Littérature
Institution Université de Reims Champagne-Ardenne
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Explication 2 Guilleragues Lettres portugaises

Introduction a) La question de l’authenticité Paraissent en 1669 sous le titre Les lettres portugaises traduites en français 5 lettres d’une religieuse portugaise Marianne à un officier français. Lui écrit son amour sa tristesse, ses plaintes d’être abandonnée, son désespoir. Puis sa décision de ne plus l’aimer. Reçoit accueil très favorable. On a cru que les lettres étaient réelles. - Il n’y a qu’un seul auteur qui à la fin du XVIIIe siècle a douté de leur authenticité : Rousseau, qui a dit que ça ne pouvait être une femme qui écrivait cela. - Théorie selon laquelle une certaine Mariana Aleaoforado au couvent de Béja aurait eu une liaison avec l’officier Chamilly. - On ne sait que depuis 10 ans que c’est Guilleragues qui les avait publiées sans nom d’auteur et qui s’est bien gardé de démentir croyance à l’authenticité. Ressemblances stylistiques et échos avec des formules et devises de Guilleragues dans ses propres lettres. - Il a peut-être tout de même utilisé une aventure réelle qu’il a modifiée ensuite à sa guise.

b) Situation 3e lettre. Après plus de 6 mois de silence de l’amant. Il s’est embarqué et son silence a continué. Sa mauvaise foi fait de moins en moins de doute. Marianne en vient à penser qu’il ne l’a jamais vraiment aimée. Cherche à donner à ses sentiments une confirmation éclatante en mourant pour son amour.

c) Composition -

-

1ère partie : Marianne demande à son amant de recevoir un ordre de mort, justifié par une autoaccusation. Logique très étonnante du cheminement de la pensée. Honte de ne pas assez souffrir. Inquiète du peu de réalité de ses sentiments. 2e partie. En un seul mot, le dernier : « adieu ». Commence très tôt pourtant. Plusieurs tons : alternance de plaintes (douleur, appel à la pitié voire jalousie) et de moments de soumission à un amant qui révèle tout le prix d’une existence passionnée.

I. Le vertige de l’irréalité

a) Le vide C’est déjà la 3e lettre qu’elle écrit. Elle s’enferme de la solitude. Elle finit par ne même plus être sûre de son désespoir. Non plus seulement malheur, mais véritable vertige. Aucune référence extérieure ne peut l’aider à mesurer sa douleur. Retour du verbe « il me semble ». « Adieu, il me semble que je vous parle trop souvent de l’état insupportable où je suis ». Impression que le désespoir même est irréel. Juste avant « je ne suis guère contente di de mes douleurs ». « Mon désespoir n’est donc que dans mes lettres ! ». Comme le désespoir ne s’exprime plus que par des mots, il semble n’être plus que des mots.

b) La recherche d’une confirmation Rendre au moins sa vérité au désespoir. Et la preuve serait « une mort par amour ». Un mort extraordinaire. Percerait ce cocon de rêves ou de solitude ou Marianne vit. Elle pourrait peutêtre enfin arracher son amant à son indifférence « et vous seriez peut-être sensiblement touchés d’une mort extraordinaire ». Mais saurait le défaut d’être posthume. Marianne ne pourrait pas en profiter. Demande donc déjà cette reconnaissance, qui viendrait par l’ordre de mort. Une reconnaissance pour mourir. La mort la ferait paradoxalement rentrer dans la réalité parce que finalement elle renouerait un dialogue. Elle se tuerait en réponse à un ordre de l’amant. La mort serait encore un appel à s’accomplir. A la fois une réponse et une demande.

c) Les renversements Mais comment faire pour recevoir cet ordre de mourir ? Il faut s’être déclaré coupable. C’est elle qui a été abandonnée mais c’est elle qui se déclare infidèle. Renversement étonnant. - Elle ne se juge pas assez désespérée. - La preuve de sa trahison c’est qu’elle vit : « ne serais-je pas morte il y a longtemps ? » - Ccl « je vous ai trompé » « c’est à vous de vous plaindre de moi » « je vous ai trahis, je vous en demande pardon » On passe donc constamment de la plainte à l’humiliation flatteur signifie souvent ‘trompeur’ - Plaintes : « quoique je me puisse me flatter assez pour être contente de vous » « Adieu je voudrais bien ne vous avoir jamais vu », « ne seriez-vous pas bien cruel de vous servir de mon désespoir pour vous rendre plus aimable » - « c’est à vous à vous plaindre de moi » « j’aime bien mieux être malheureuse en vous aimant que de vous avoir jamais vu » « quelque indulgence pour une pauvre insensée » >> Montre une conscience solitaire qui ne peut se régler sur les réactions de l’autre. - Conception pessimiste de l’amour à l’époque classique. L’amour bafoue la raison. Entraînement irrésistible dans lequel la raison ne peut rien. C’est un enchantement au sens fort. Un quasi ensorcellement. Contradictions de l’amour. - L’absurdité de cette demande dit la vérité de la passion. - // 1660 Andromaque « Ah fallait-il en croire une amante insensée et ne voyais-tu pas dans mes emportements que mon cœur démentait tous mes emportements »

II. Le mirage de l’autre a) L’ambiguïté du silence Aucune connaissance sûre de l’amant. Ce qui la libérera c’est la réponse indifférente de cet amant. Elle n’a pas encore de point d’appui pour rompre. L’amant déifié. Source de tout sens. - 5e lettre « j’ai vécu longtemps dans un abandonnement et dans une idôlatrie qui me font horreur - Abondance d’impératifs et de demandes. Fonction principale du message - Il y a quelque chose de la fonction phatique : grand cri pour s’assurer qu’il écoute. - Fréquence des impératifs souligne la fonction conative. Elle veut agir sur l’autre. Même au-delà de sa mort « je voudrais bien ne pas vous laisser à une autre ». Jakobson 6 fonctions du message - 3 fonctions fondées sur les trois personnes grammaticales : o 1ère personne, message est l’expression de celui qui parle. Fonction émotive. « Je suis triste ». Poésie. o 2e personne, renvoie au destinataire. Fonction conative. « Promettez-moi ». Théâtre. o 3e personne, ce dont on parle. Fonction référentielle. « Aujourd'hui il fait gris » - 3 autres fonctions o Parole qui n’a pas de contenu mais qui assure qu’on a bien établi un contact avec le destinataire. Fonction de contact, fonction phatique. « Allo » o Interroge sur le code utilisé pour communiquer. Fonction métalinguistique. « Est-ce que vous parlez anglais » o Message qui renvoie à sa propre forme, qui attire d’abord notre attention sur sa forme. Fonction poétique. Peut aussi se trouver en dehors de la poésie, style lyrique, enthousiasme etc. Constamment utilisé par la publicité ou les titres de journaux. Le jeu de mot. Slogan électoral d’Eisenhower « I like Ike ».

b) L’autre-source Reste l’objet d’un sentiment de gratitude. Il lui a révélé le prix de la vie, le sel de la passion, même à travers le désespoir. - « j’aime bien mieux être malheureuse en vous aimant que ne vous avoir jamais vu ». - « Je vous remercie du fond de mon cœur du désespoir que vous me causez » Oxymores.

c) L’autre-reflet

Mais il apparaît déjà au lecteur que ce n’est pas vraiment l’amant qui est source de vie. Source est moins dans l’amant que dans la passion. L’amant n’a été que l’occasion de cette passion. Il en est le reflet. - Dans le débat sur sa mort, seul son sentiment de satisfaction est la raison de la demande. - Le sentiment est même seul en cause. Le rôle de plaignant de son amant est purement fantasmatique. « Hélas ! Pourquoi ne vous en plaignez vous pas » - Dans sa jalousie posthume, Marianne indique que c’est bien sa passion qui le rendra plus aimable « vous avez donné la plus grande passion du monde » (// Princesse de Clèves et superlatifs baroques.) - Même dans les remerciements « je vous remercie du désespoir ». Symétriquement c’est la tranquillité que déteste Marianne. Le débat est entre deux états d’âme.  La fonction de la lettre sera finalement d’avantage la fonction émotive. Cette lettre est d’avantage centrée sur la 2e personne. La passion ne peut continuer que si Marianne continue à voir en l’autre son soleil, sans comprendre qu’au fond c’est sa passion qui éclaire l’autre. Lorsque Marianne deviendra capable de dire « votre personne m’était moins chère que ma passion », la rupture sera déjà scellée »

III. « Fausseté » existentielle et « authenticité » littéraire Absence du destinataire. Et enceinte du cloître qui fait que son discours devient une récitation cyclique. Son discours, devenant un discours pour elle-même, devient un discours littéraire. Plus de rapport avec le réel. On ne croit pas vraiment à la réalité d’une œuvre littéraire. // Conceptions de Blanchot. Reproduire dans la fiction d’une histoire vécue, les possibilités d’une littérature. A partir de la vie, une littérature qui rejoint la vie.

a) Une situation fausse La fiction nous rapproche d’une situation fausse. Statut évanescent de l’autre. L’écriture de Marianne devient l’écriture d’une plainte sans mesure. C’est ce que montre la répétition des ‘adieux’. La lettre peut alors devenir un pur chant d’amour humilié. L’héroïne soupçonne que son désespoir se nourrit que de mots, mais du coup la tourne à nouveau vers son amant. Elle est seule à parler comme un auteur.

b) Le « naturel » littéraire Pas de composition ordonnée comme dans les lettres des romans baroques. - Revirements dans les adieux rompent l’équilibre qu’exigeait l’esthétique classique. // Délibération du Cid : Rodrigue accablé, prend le soutien de Chimène, envisage le suicide, se résout à venger son père // Même dans les monologues raciniens. Début acte V. Certes ne trouve pas d’issue « Ah ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ». Mais c’est encore construit. C’est juste que les parties se répètent. D’où l’effet de tourner en rond. - Les répétitions font traîner la lettre en longueur. Pas d’esthétique

Boileau « Parfois un beau désordre est un effet de l’âme » L’œuvre coïncide avec la réalité de son surgissement. Grande différence avec Princesse de Clèves ou aveux de Des Grieux. Pas de décalage temporel. - « Et je connais, dans le moment où je vous écrit ». C’est dans le présent que les sentiments se bousculent. - Intensité du moment présent se traduit par les exclamations. - Parataxe : juxtaposer les phrases indépendantes à la 1ère personne. Très peu de subordinations. La phrase ne s’étend jamais jusqu’à la période. Une telle construction syntaxique supposerait un recul que Marianne n’a pas.  Ces spontanéités étaient contraire à l’époque à la bienséance. Devient type de la lettre passionnée. Mme de Sévigné parle d’une portugaise comme d’une lettre tendre et passionnée, folie que rien ne peut justifier sauf l’amour. Deux types de vérité - Ce n’est donc pas la vérité de l’esthétique classique. Ces qualités font de l’œuvre classique un objet de contemplation. Peut se trouver à dans un roman à la 3 personne parce que le narrateur peut alors ordonner la psychologie de son héroïne. - Ici l’impression de vérité vient de la suppression entre l’œuvre et la réalité. Dissimuler tellement l’art que ces lettres deviennent un produit naturel.

Conclusion  C’est exactement la manière dont on définit le roman d’aujourd'hui. - Comparaison des genres : o Le théâtre et la poésie sont fondés sur des conventions (Gouhier « Vous croyez comme si »), exigent un contrat de bonne volonté pour le théâtre, et un langage particulier pour la poésie. o Dès que le roman se pique d’un certain réalisme, il veut mettre le moins de barrières possibles entre le lecteur et la vérité de l’expérience. - Comparer forme des faux-mémoires au XVIIIe siècle et Guilleragues qui adopte la forme des lettres (// Laclos). o Les romans de Prévost auront le même but. Seulement dans les romans de Prévost, la confession rétrospective introduit malgré tout, la distance du temps. Et Prévost a réintroduit le goût de l’extraordinaire. o Ici, Guilleragues répond ainsi à une curiosité grandissante des lecteurs pour les sentiments réels et non sublimes. Intensité de cette crise passionnelle n’a d’égal que sa banalité. Rejoint donc en quelque sorte le classicisme, on parle de la condition humaine. Ou plutôt parce que la passion nous rend tous extraordinaire. Passion sauvage. Marianne qui nous blesse par une humilation sans retenue. Un être qui n’a même plus le souci de plaire. // Phèdre. Mais il faut entrer dans le sublime des vers....


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