La jeunesse, pespectives PDF

Title La jeunesse, pespectives
Course Sociologie - Introduction à la sociologie
Institution Institut d'Études Politiques de Paris
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Cedric Passard....


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Introduction à la sociologie

Leçon 10 : La jeunesse Introduction : La jeunesse existe-t-elle vraiment ? « La jeunesse n’est pas qu’un mot » écrit Bernard Lahire. Il reprend l’expression de Bourdieu qui disait « la jeunesse n’est qu’un mot » : pour lui, c’est une catégorie très floue, très incertaine. L’âge est une variable continue. Où commence exactement la jeunesse et où finit-elle ? C’est le paradoxe du tas de blé. Pour Bourdieu, parler de la jeunesse est un artefact sociologique : il y a trop de disparités pour envisager une homogénéité du groupe. Quand on parle de jeunes, au fond de quoi parle-t-on ? Qu’est ce qui est lié à la jeunesse (à l’âge) ou qu’est ce qui est lié à l’appartenance à une même génération ? Les phénomènes d’âge pur sont rares. Il y a quand même l’abstention, beaucoup plus forte chez les jeunes. Il faut distinguer cela d’un effet de génération : on peut repérer à un moment donné chez des jeunes des comportements spécifiques qui ne sont pas liés à l’âge mais à l’appartenance à une génération donnée. Ces phénomènes ne sont pas abandonnés quand la génération vieillit. Pour autant, malgré ces limites, même si la jeunesse ne correspond pas à un groupe social, à une catégorie facilement établie, elle a un sens pas tant en tant que groupe mais en tant que moment de l’existence, un moment spécifique qui un moment d’expérimentation et d’indétermination. Les individus ont acquis une certaine autonomie par rapport à l’enfance sans pour autant avoir totalement accédé aux statuts et rôles qui sont ceux de l’âge adulte. Même s’il y a une diversité des jeunes, on peut établir une homogénéité. Louis Chauvel envisage la jeunesse comme une phase de socialisation particulière : « la socialisation transitionnelle ». Parler de jeunesse renvoie plus à l’idée d’un passage qu’une catégorie avec des bornes fixes. Quelles sont les conditions du passage à l’âge adulte ? Ce passage s’effectue-t-il toujours de la même manière ? Comment se modifie-t-il dans le temps et dans l’espace ? Quels sont les seuils ? Comment sont-ils caractérisés ? Comment s’articulent-ils entre eux ?

I.

L’invention de la jeunesse A. La construction historique de la jeunesse

Etre jeune ne signifie pas toujours la même chose mais être jeune n’a pas toujours signifié quelque chose. Dans les sociétés primitives, on ne distingue pas de phase intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte. On passe de manière brutale de l’un à l’autre par des rites de passage, généralement des rites d’initiation : faire du novice un nouvel homme. Ca concerne plutôt les hommes car le passage à l’âge adulte des femmes est marqué par la menstruation. Pour les hommes, on tue l’enfant de manière fictive. Le novice est censé mourir symboliquement pour renaitre sous la forme d’un homme. En Australie, il y a des tribus où on brulait l’enfant puis on le recouvrait de peaux d’animaux. En Afrique, il y a souvent un monstre fictif qui engloutit l’enfant. Dans d’autres cas, c’est un rite de circoncision. On peut faire ressortir quatre grandes étapes de construction de la jeunesse : -

L’Ancien Régime : il n’y a pas vraiment de statut de jeunesse. Philippe Ariès montre que le phénomène de jeunesse était réservé à l’élite, à l’aristocratie. Les fils sont en attente de succession, de la mort du père. C’est un temps de débauche, on s’adonne à ses pulsions. 1

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A partir des 16 ème et 17 ème siècles, il y a un processus de civilisation des mœurs (Elias). On se soucie de réguler les passions, notamment les passions violentes des jeunes aristocrates. Il y a des manuels pour cela. Le moment de jeunesse ne doit pas être un moment de débordement mais un temps d’éducation, de préparation à la vie adulte. La jeunesse n’est plus un rapport de filiation mais un rapport éducatif. En plus, c’est par le mérite qu’on va obtenir son statut futur. L’idéal de jeunesse renvoie à l’idéal d’accomplissement personnel. Au 19ème siècle, la jeunesse tend à devenir un phénomène massif même si elle ne concerne pas toutes les couches de la population. La jeunesse inquiète car elle renvoie à l’image de la révolte. La révolte est vue au sein même des lycées, qui sont des lieux d’agitation. Il y a une crainte de la révolte de la jeunesse populaire qui se développe dans les faubourgs. Pour encadrer les jeunesses bourgeoises et populaires se développent des tentatives, laïques ou religieuses, révolutionnaires ou conservatrices, mais avec la même volonté de canaliser la possible révolte de la jeunesse. A partir du 20ème siècle, avec les progrès de la psychanalyse, de nouvelles manières de penser la jeunesse se développent. On a une intention scientifique d’analyser la jeunesse. La jeunesse est perçue comme une seconde naissance ( Stanley Hall). Il y a une tyrannie du sexe : les individus sont marqués par un trop plein de pulsions. Pour Freud, la sexualité existe dès l’enfance. C’est un moment déterminant dans la structuration de la personnalité. La jeunesse est pensée comme une phase spécifique. Après la Seconde Guerre mondiale, la jeunesse apparait comme un mouvement massif.

B. La découverte de la « culture jeune » Le premier à avoir développé l’idée d’une culture jeune est Talcott Parsons dans un article en 1942. Il renvoie la jeunesse à la massification des High Schools. Pour lui, la jeunesse se définit par : -

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Une opposition culturelle aux adultes : leurs pratiques seraient marquées par une certaine frivolité, un comportement délibérément insouciant. C’est une « culture de l’irresponsabilité ». C’est une période de passage tolérée et un type de comportements toléré par le reste de la société car la jeunesse serait marquée par une forme de stress de passage à l’âge adulte. Une ségrégation des rôles sexuels et un apprentissage des rôles sexuels : la culture de l’irresponsabilité n’est pas vécue de la même façon par les garçons et les filles. Il y a la pratique du dating, du flirt. On a un moment d’expérimentation amoureuse.

On va prendre conscience d’une réalité sociologique de la jeunesse. C’est la première fois où il y a des stars, de produits culturels s’adressant à une masse d’individus (culture yéyé). A l’époque, la jeunesse renvoie encore à une courte transition (l’adolescence). Aujourd’hui, la jeunesse s’allonge et change de sens car elle se désynchronise : la sortie de la jeunesse n’est plus marquée par un rite de passage comme le mariage.

C. Une entrée dans la vie adulte qui s’allonge et se désynchronise Jusque dans les années 1950/1960, le modèle qui dominait était l’entrée rapide dans la vie adulte. Maintenant, on veut rester jeune le plus longtemps possible. La norme s’est renversée. De ce point de vue, on a pu penser que la jeunesse ne faisait que s’allonger, comme un prolongement de la phase d’irresponsabilité (rester chez ses parents…). Aujourd’hui, on ne part pas beaucoup 2

plus tard de chez ses parents qu’il y a 30 ans. Or avant, c’était pour se mettre en ménage mais ce n’est plus le cas. Ce qu’on retarde le plus est la naissance du premier enfant. Il y a des retours en arrière possibles. C’est plus progressif mais plus flou. On remarque qu’il n’y a pas pour autant de remise en cause du modèle familial. On a tendance à avoir un travail et un logement avant d’avoir une vie de couple. Il y a un rapprochement des comportements masculins et féminin. La fin des études ne sanctionne pas l’entrée dans la vie active. Il y a une phase de tâtonnement professionnel qui n’est pas forcément stable. Pour Olivier Galent, si les parcours se complexifient, s’individualisent, c’est parce qu’on est moins dans une norme de reproduction d’une norme parentale. En Europe, il y a plusieurs modèles de construction de la jeunesse. Cécile Von Develde a distingué différents modèles : -

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II.

Le modèle méditerranée : c’est le plus familialiste. On reste chez ses parents tant qu’on n’a pas de conjoint et pas d’emploi stable. C’est une logique de l’installation. Le modèle nordique : les bourses permettent un accès rapide à l’autonomie. On peut construire sa famille avant même d’entrer dans le marché du travail. C’est une logique de se trouver : de se construire comme individu. Le modèle belge ou allemand, le modèle continental : il y a une rapide autonomisation des jeunes pour faire leurs études mais on reste relativement proche de ses parents. Il faut se construire mais aussi réussir ses études : on n’a pas le droit à l’erreur. C’est la logique de se placer. Le modèle anglais : on part tôt de chez ses parents mais pour s’installer à un niveau professionnel. C’est une logique de s’assumer.

La jeunesse n’est plus ce qu’elle était A. Une génération sacrifiée ?

Globalement, l’idée qui dominait était celle de liberté, d’irresponsabilité. Aujourd’hui, c’est le grand pessimisme et la grande inquiétude qui dominent. 46% des jeunes pensent que leur condition sera moins bonne que celle de leurs parents. Louis Chauvel montre que globalement, selon les générations auxquelles on appartient : -

La jeunesse est marquée par un effet cicatrice. Plus de 70% des jeunes ont un emploi temporaire pour premier emploi. La dynamique des générations antérieures ne s’est pas poursuivie sinon le niveau de vie serait plus important de 30%. La mobilité sociale ascendante domine mais on note une mobilité sociale descendante. C’est une dynamique collective mais invisible car on n’en a pas encore conscience. Pour Chauvel, le risque est que les individus intériorisent ce déclassement.

On peut nuancer. Il y a un effet de rattrapage assez rapide : au bout de 3 ans, la plupart des jeunes sont en CDI. Le pic salarial est plus tardif qu’avant mais c’est aussi car la société vieillit. Les très forts transferts intergénérationnels limitent aussi la notion de génération sacrifiée : les parents portent leurs enfants. Même s’il y a des formes de déclassement, elle ne s’effectue pas de la même façon pour toutes les jeunesses. Ce qui est observable est notamment l’augmentation des inégalités d’emploi entre les jeunes. La génération sacrifiée est celle des jeunes peu diplômés : ceux qui n’ont pas le bac.

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B. Les jeunes ont-ils encore des valeurs ? Il y a un changement assez fort : pendant un certain temps, on identifiait la jeunesse à des formes de sous cultures qui allaient de pair avec des tendances contestataires. Ronald Inglehart explique ceci par le modèle de socialisation des individus : -

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Les générations nées dans les années 1930/1940 sont nées dans un climat d’insécurité économique et donc ont développé des valeurs matérialistes en recherchant la sécurité matérielle. La génération du baby-boom ne se pose pas la question de la sécurité de l’emploi et vit dans un moment de sécurité matérielle. Ces individus développent d’autres types d’aspirations post-matérialistes : des valeurs d’identité, d’aspiration à la différence. C’est la « révolution silencieuse ».

Si on regarde les valeurs des jeunes d’aujourd’hui par rapport au reste de la population, il n’y a pas de clivage très net. Depuis les années 1980, on a vu une remontée de la demande d’autorité dans les espaces publics. Avant, il y a avait une demande liberté mais aujourd’hui il y a une dissociation : les jeunes revendiquent de pouvoir choisir leur vie mais la demande d’autorité et la confiance dans les institutions est remontée en flèche. Aujourd’hui, plus de 60% des jeunes estiment qu’il faut respecter davantage l’autorité contre 41% en 1980. On observe que plus le niveau d’étude est faible, plus le niveau d’intégration est faible. Ce sont les moins diplômés qui ont des valeurs contestataires alors qu’avant c’était les plus diplômés.

C. Les jeunes ont-ils encore une culture ? Dans Cultures lycéennes, Dominique Pasquier a étudié trois lycées de la région parisienne avec des spécificités sociales particulières. Elle montre le développement d’une autonomie culturelle par rapport aux parents (socialisation horizontale). Il faut partager la culture de masse pour se faire accepter des autres. C’est une « tyrannie de la majorité » (expression de Tocqueville). L’autonomie gagnée par rapport aux parents a une contrepartie : la pression du groupe pour y être intégré. Il y a un capital amical : il est important d’avoir une autonomie par rapport à ses parents (indifférence culturelle) mais aussi d’ « être avec » plus que de « faire avec ». On ne choisit pas une activité pour se faire des amis mais des amis puis l’activité. Il y a un enjeu symbolique à avoir beaucoup d’amis. Les jeunes donnent plus d’importance aux rapports qu’ils entretiennent avec leurs amis. Pour être soi, il faut d’abord être comme les autres.

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