La séparation des autorités administratives et judiciaires PDF

Title La séparation des autorités administratives et judiciaires
Course Droit Public (Droit Constitutionnel Et Droit Administratif)
Institution Université de Lorraine
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Droit administratif L3 semestre 3. Cours donné par M. Tifine....


Description

CHAPITRE I : LA SÉPARATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES SECTION I : CONTENU DE LA RÈGLE DE AUTORITÉS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES

SÉPARATION

DES

Cette règle se borne à interdire aux juges judiciaires de juger un litige mettant en cause l’administration.

Paragraphe 1 : Les justifications de la règle de séparation I.

Les justifications juridiques

On pourrait penser que la règle de séparation des autorités administratives et judiciaires est une conséquence du principe de séparation des pouvoirs. L’idée c’est que puisque l’administration relève du pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire ne serait pas autorisé à juger l’administration. On observe que la plupart des régimes qui appliquent le principe de séparation des pouvoirs ne connaissent pas de règles de séparation entre les autorités administratives et judiciaires. EX : Aux États-Unis, il existe qu’une juridiction suprême. Il existe donc dans le système américain une confusion dans la fonction juridictionnelle entre le contentieux des personnes privées et le contentieux de l’administration. À l’inverse, certains régimes de confusion de pouvoirs appliquent une forme de séparation des autorités administratives et judiciaires. EX : C’était le cas sous la France de l’Ancien Régime où les affaires mettant en cause l’administration échappaient en principe de la compétence des parlements. (Rien à faire avec le parlement actuel, il s’agissait de cours de justice locales).

II.

Les justifications d’ordre politique

Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires vise à accorder à l’administration un privilège de juridiction tel que ce privilège existait sous l’Ancien Régime. En effet, l’administration royale s’était progressivement dotée de moyens lui permettant de juger ellemême les litiges relatifs à son fonctionnement. Il s’agissait d’échapper à la compétence des parlements, c.à.d. aux cours de justice locales, dont relevaient en principe l’ensemble des justiciables. En 1319, l’ordonnance de Viviers en Brie crée la chambre des comptes (l’ancêtre de l’actuel cour des comptes), compétente pour juger des affaires financières du royaume. Au 14 ème siècle est créé la cour des aides qui est compétente en matière d’impôts. L’édit de Saint-Germain de 1641 interdit formellement au parlement de connaître des litiges

concernant les finances et le fonctionnement des administrations. Ces dispositions seront reprises de façon encore plus impérative par les révolutionnaires.

Paragraphe 2 : Les textes instituant la séparation Il s’agit de la loi des 16 et 24 août 1790 confirmée par le décret du 16 Fructidor An III. Ces textes témoignent de la méfiance des révolutionnaires vis-à-vis des parlements et de leur volonté de protéger l’administration. Ceci s’explique par le fait que les parlements sont composés de membres de la noblesse. Les révolutionnaires craignent qu’ils s’opposent à l’administration, si elle était soumise à leur compétence. Ces textes sont exclusivement rédigés sous une forme négative. La loi de 1790 se borne à établir deux interdictions à l’encontre des parlements : -

La première interdiction a pour objet de protéger le pouvoir législatif à l’égard du juge judiciaire. L’article 10 de la loi de 1790 dispose que « les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif ». L’article 12 dispose qu’ils « ne pourront point faire de règlements ». Par conséquent, cette première proposition interdit aux tribunaux de s’immiscer dans l’exercice de l’activité législative. Ceci implique notamment l’interdiction des arrêts de règlements, c.à.d. des décisions de justice établissant des règles de portée générale.

-

La seconde interdiction vise à protéger le pouvoir exécutif du pouvoir judiciaire. L’article 13 de la loi de 1790 dispose que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».

Dans un premier temps, cette interdiction est peu appliquée. Elle sera rappelée avec vigueur par le décret du 16 fructidor An III. Ce décret est extrêmement court, il dispose que les « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration, de quelque manière que ce soit, aux peines de droit ». Cette seconde interdiction concerne donc l’activité administrative dans laquelle les tribunaux judiciaires n’ont pas le droit de s’immiscer. Si les textes indiquent clairement que le juge judiciaire n’est pas compétent pour juger l’administration, il n’indique pas devant quelle instance doivent être portés les litiges mettant en cause l’administration. Or, à l’époque, il n’existe pas de juridiction administrative. On ne sait pas

non plus quel droit doit être appliqué à l’administration. Ces questions ne seront résolues qu’ultérieurement. SECTION II : LES EFFETS DE LA RÈGLE DE SÉPARATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES Cette règle va entraîner la naissance des juridictions administratives et la naissance du droit administratif.

Paragraphe 1: administratives

La

naissance

des

juridictions

Si la loi des 16 et des 24 août 1790 interdit au juge judiciaire de juger l’administration, il n’était pas concevable que l’administration bénéficie d’une totale immunité dans le cadre de son action. Si l’administration doit échapper à la compétence du juge judiciaire, elle a été soumise au contrôle d’autres autorités.

I.

Le système de l'administrateur juge

Ce système découle à la fois de l’interdiction faite aux juge judiciaire de juger l’administration et de l’absence de juridictions administratives. Dans ce système, c’est l’administration qui va elle-même juger le litige occasionné par son fonctionnement. EX : Un litige entre une personne privée et l’administration des postes. Le justiciable n’avait pas d’autre choix que de saisir de ce litige le directeur du service des postes dans le département. La décision de cette autorité pouvait être contestée devant le ministre des postes, puis éventuellement devant le roi, qui est le chef de l’administration. D’un point de vue juridique, ce système est conforme au principe de séparation des pouvoirs. En effet, pour Montesquieu, le pouvoir judiciaire consiste à juger les poursuites pénales intentés contre les particuliers et de trancher les différends entre eux. L’administration n’est donc pas concernée. Ainsi dans ce système, il est possible de ne pas dissocier l’administration de son juge. Du point de vue de l’équité, ce système pose problème, puisque l’administration est à la fois juge et partie dans les litiges où elle est mise en cause.

II.

La création d'une administration juridictionnelle

La Constitution du 22 frimaire An VIII va créer le Conseil d’État. La loi du 28 pluviôse An VIII va créer dans chaque département des conseils de préfecture (ancêtres des actuels tribunaux administratifs). Toutefois, ces institutions ne pouvaient être considérées comme des juridictions indépendantes de l’administration. De la même façon, elles ne pouvaient être considérées comme les juges de droit commun du contentieux administratif.

Le Conseil d’État, comme les conseils de préfecture, sont des organes administratifs comme les autres, il ne s’agit pas de juridictions indépendantes. En matière contentieuse, ils se bornent à rendre des avis. Les conseils de préfecture rendent un avis au préfet et c’est le préfet qui tranche le litige. Le Conseil d’État rend un avis au chef de l’État et c’est le chef de l’État qui tranche le litige. C’est ce qu’on appelle un système de justice retenue. Le Conseil d’État, comme les conseils de préfecture sont en charge d’une double fonction : -

Fonction contentieuse lorsqu’ils rendent des avis sur les litiges.

-

Fonction consultative lorsqu’ils rendent des avis sur des projets de texte.

Cette double fonction existe toujours au niveau du Conseil d’État ce qui transparait dans son organisation. Il existe au sein du Conseil d’État une section du contentieux qui a la mission juridictionnelle, c.à.d. qui tranche les litiges. Il existe également des sections administratives qui ont pour fonction de rendre des avis notamment sur les projets de loi et sur les projets des décrets du gouvernement. La création d’une administration juridictionnelle n’a pas mis fin au système administrateur juge. Les ministres demeurent juges de droit commun de l’administration en premier ressort. En autres termes, ils sont en principe compétents pour connaître de l’ensemble des litiges mettant en cause l’administration. Cette compétence n’est exclue que dans les cas où une loi attribue cette compétence à une autre instance. La loi du 28 pluviôse an VIII n’a confié aux conseils de préfecture qu’une compétence d’attribution qui recouvre principalement deux domaines : En matière de contentieux des travaux publics et en matière de contentieux des contributions directes. Dans ce système, le Conseil d’État est juge d’appel des décisions des conseils de préfecture. Mais, principalement, ils demeurent juges d’appel des décisions des ministres, puisque les ministres sont normalement les juges d’administration. À cette époque, le système est toujours imparfait. S’il existe une administration juridictionnelle, c’est toujours l’administration qui juge l’administration.

III.

La séparation progressive de l'administration active et de l'administration juridictionnelle

A. La transformation des organes consultatifs en organes de décision

Dans la pratique, les préfets et le chef d’État avaient tendance à suivre systématiquement les avis des conseils de préfecture et du Conseil d’État. Sous la 2ème République, la loi du 3 mars 1849, va abandonner le système de justice retenue pour le Conseil d’État. On considère désormais que le Conseil d’État rend directement la justice au nom du peuple français qui lui a délégué cette compétence. On passe alors d’un système de justice retenue à un système de justice déléguée. Sous le second Empire, on revient au système de justice retenue. Finalement, la justice déléguée est rétablie au début de la 3 ème République par la loi du 24 mai 1872. Ce système ne sera plus jamais remis en cause. À partir de 1872, le Conseil d’État rend directement de la justice au nom du peuple.

B. L’extension des compétences juridictionnelles du Conseil d’État Le Conseil d’État va devenir le juge de droit commun du contentieux administratif. Cette évolution ne résulte pas d’un texte, mais de la propre volonté du Conseil d’État. Ceci se démontre dans l’arrêt « Cadot » du Conseil d'État du 13 décembre 1889. Une commune décide de supprimer le poste d’un agent municipal. L’agent demande au maire de la commune le versement de dommages-intérêts. Le maire refuse et sa décision est contestée devant le ministre de l’intérieur. Le ministre refuse de statuer sur le litige. Cette décision de refus du ministre est attaquée devant le Conseil d’État. Le Conseil d’État considère que c’est à bon droit que le ministre avait refusé de statuer. Le Conseil d’État met donc fin au système de l’administrateur juge. Désormais, c’est le Conseil d’État qui est juge de droit commun de l’administration en premier et dernier ressort. Il demeure également à titre accessoire juge d’appel des décisions des conseils de préfecture.

C. Le renforcement de la juridiction administrative Ce renforcement s’est d’abord manifesté par la spécialisation du personnel du Conseil d’État et des conseils de préfecture. À l’origine, il n’existait aucune distinction entre les fonctions administratives et les fonctions juridictionnelles de ces institutions. Un décret du 11 juin 1806 avait déjà amorcé une spécialisation de la fonction juridictionnelle. Ce décret crée au sein du Conseil d’État une commission des contentieux qui est chargée spécifiquement de l’instruction des litiges portés devant le Conseil d’État. Par la suite, la loi du 3 mars 1849 va transformer cette commission en section du contentieux. Aujourd’hui encore, il existe au sein du Conseil d’État une section de contentieux qui a une fonction juridictionnelle ainsi

que les sections administratives qui conseillent le gouvernement sur les projets de textes. Les ordonnances du 2 février et du 12 mars 1831 créent au sein du Conseil d’État des commissaires du gouvernement qui vont jouer un rôle très important. À l’origine, il devait s’agir de membres du Conseil d’État qui devaient prononcer des conclusions sur des affaires soumises au Conseil d’État dans lesquelles ils étaient censés défendre les intérêts de l’administration. Dans la pratique, les commissaires du gouvernement vont s’estimer indépendants vis-à-vis du pouvoir exécutif. Ils vont considérer que leur rôle est de suggérer à la formation de jugement une solution fondée en droit sans systématiquement rechercher à protéger l’administration. Depuis un décret du 7 janvier 2009, l’appellation de commissaire du gouvernement a été remplacée par celle de rapporteur public. Il y a également des réformes des conseils de préfecture : À partir de 1926, les Conseils de préfecture deviennent des juridictions interdépartementales. En conséquence, les préfets perdent la présidence des conseils de préfecture qui sont désormais présidés par l’un de leurs membres. Le champ de compétence des conseils de préfecture a été progressivement étendu. En 1934, ils deviennent juge d’attribution en premier ressort de la quasi-totalité du contentieux des actes des autorités administrations locales. Le recrutement de leurs membres est amélioré, puisqu’à partir de 1948, ils sont pour la plupart issus de l’ENA1. Un décret-loi du 30 septembre 1953 supprime les conseils de préfecture qui seront remplacés par des tribunaux administratifs. À la différence des conseils de préfecture, qui avaient une compétence d’attribution, les tribunaux administratifs sont juges de droit commun en premier ressort du contentieux administratif. Dans ce système le Conseil d’État exerce comme principale mission contentieuse celle de juge d’appel des décisions des tribunaux administratifs. La loi du 31 décembre 1987 porte création des cours administratives d’appel. Le rôle principal du Conseil d’État devient juge de cassation des arrêts des cours administratives d’appel. IV.

La constitutionnalisation de la justice administrative

La Constitution de 1958 ne consacre aucun article à la juridiction administrative. En revanche, comme la quasi-totalité des Constitutions antérieures, elle garantit un statut constitutionnel à l’autorité judiciaire. En l’absence d’une garantie constitutionnelle, on pouvait donc 1 École nationale d‘administration

considérer qu’une simple loi pouvait porter atteinte à l’indépendance, voire même à l’existence de la juridiction administrative. Toutefois, c’est finalement le Conseil constitutionnel qui va consacrer le statut constitutionnel de la juridiction administrative. Pour ce faire, le Conseil constitutionnel a eu recours à la technique des principes fondamentaux reconnus par la République. On a deux décisions : -

Une première décision « loi de validation » du Conseil constitutionnel le 22 juillet 1980. Le Conseil constitutionnel consacre le principe d’indépendance de la juridiction administrative en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. C’est un principe qui trouve sa source dans la loi du 24 mai 1872 qui avait conféré au Conseil d’État la justice déléguée.

-

On a une deuxième décision « conseil de la concurrence » du Conseil constitutionnel le 23 janvier 1987. Le Conseil constitutionnel reconnaît un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel le juge administratif est exclusivement compétent pour annuler ou pour reformer un acte administratif. En reconnaissant un domaine de compétence exclusif aux juges administratifs, garantit constitutionnellement, c’est l’existence même de cette juridiction qui est garantie par cette décision.

V.

Les rapports entre administration juridictionnelle et administration active

Il existe depuis une 20 d’années une tendance à rétablir un certain nombre de passerelles entre l’administration et son juge.

A. La confusion relative entre les l'administration active et les l'administration juridictionnelle

personnels personnels

de de

Cette évolution a pour origine une crise qui est liée à un avis et à une décision du Conseil d’État. On a un premier évènement le 1 octobre 1962 où l’assemblée générale du Conseil d’État émet un avis défavorable au recours au referendum direct en vue de la révision de la Constitution. On a ensuite une décision du Conseil d’État le 19 octobre 1962 dans l’arrêt « Canal, Robin, Godot ». Le Conseil d’État annule une ordonnance du Président de la République créant une cour militaire de justice. Le général De Gaulle envisage dans un premier temps de supprimer le Conseil d’État qui, selon lui, ne prenait

pas suffisamment en compte les intérêts de l’administration. Mais finalement il choisit de le reformer de façon à ce qu’il prenne davantage en compte les difficultés que rencontre l’administration dans son fonctionnement. Un décret du 30 juillet de 1963 réorganise en conséquence le fonctionnement du Conseil d’État. Il transforme notamment les règles d’affectation des membres du Conseil d’État. Auparavant, il existait un système de roulement. Les membres du Conseil d’État pouvaient être successivement affectés aux différentes sections composant le CE. En 1963, c’est un système de double appartenance qui est mise en place. En principe, chaque membre du Conseil d’État est affecté à la fois à une section administrative où il conseille l’administration et à la fois à la section du contentieux où il juge l’administration. Ce système a été récemment assoupli par des décrets du 6 mars 2008 et du 22 février 2010. Désormais, si la double appartenance est toujours possible, elle n’est plus obligatoire. L’organisation du Conseil d’État pose la question de son impartialité puisqu’il est à la fois conseiller du gouvernement, notamment pour la rédaction de certains décrets, mais également juge de la légalité de ces mêmes décrets. La Cour européenne des droits de l’homme a rendu le 28 septembre 1995 un arrêt « Procola contre Luxembourg » qui concerne le Conseil d’État luxembourgeois dont l’organisation est calquée sur celle du Conseil d’État français. Le Luxembourg est condamné pour violation de l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH relatif au procès équitable. Cet article s’oppose à ce qu’une même personne cumule les fonctions consultatives et juridictionnelles à propos d’une même affaire ou d’une même décision. Ceci étant, pour le Conseil d’État français la question de la dualité des fonctions administratives et juridictionnelles avait été réglée très tôt par la loi du 24 mai 1872. L’article 20 de cette loi précisait expressément qu’un membre du Conseil d’État ne pourrait pas être amené à juger de la légalité d’un texte après avoir donné un avis sur ce texte au moment de son élaboration. En 1995, au moment de la réorganisation du Conseil d’État, cette règle n’a pas été expressément reprise. Toutefois, elle va se maintenir de façon coutumière. Cette règle sera réintroduite dans le Code de justice administrative par le décret du 6 mars 2008. Restait à trancher la question de savoir si le Conseil d’État, en tant qu’institution, pouvait à la fois être le conseiller et le juge de l’administration au regard des règles du procès équitable. On y retrouve à cet égard une décision de la CEDH du 9 novembre 2006 dans l’arrêt « société Sacilor Lormines contre France ». Dans cette décision, la Cour européenne des droits de l’homme considère que le rôle évolue au Conseil d’État ...


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