Le travail invisible - véronique perret PDF

Title Le travail invisible - véronique perret
Course Management et développement durable
Institution Université Paris Dauphine
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Summary

véronique perret...


Description

Fiche de synthèse : Le Travail Invisible de PierreYves Gomez. Introduction : Notre exposé a porté sur Le Travail Invisible de Pierre-Yves Gomez publié en 2013. Il s’est structuré en quatre parties : la définition de l’esprit de rente et sa mise en place ; la création du travail invisible ; comment ce travail invisible se perpétue et enfin comment peut-on y remédier. Notre exposé s’est suivi d’un débat. I)

Le diagnostic de l’auteur

L’avènement de la rente de masse grâce à la financiarisation L’auteur met tout d’abord en lumière les éléments historiques qui ont permis l’avènement de la rente de masse. Pour cela il se concentre sur l’exemple des pensions de retraites qu’il considère comme un revenu de rente. Il y a une révolution dans les années 1970 avec 2 lois, loi ERISA et la IRA qui pour la première oblige les gestionnaires des fonds de pension pour la retraite une transparence et une sécurité forte des sommes engagées. La seconde loi permet à chaque employé de se constituer son propre patrimoine en vue de sa retraite. De plus l’année 1975 s’accompagne d’une libéralisation des marchés boursiers, le but étant de créer une compétition entre coursiers qui permettrait de diminuer le prix de leur commission et d’assurer un meilleur rendement de la somme déposée par les deux lois précédentes. Apparaît alors un phénomène, appelé par l’auteur, la fabrique des géants. Les sommes investies grâce aux deux lois le sont dans des grandes entreprises, qualifiées de stables, qui permettent d’assurer des dividendes pour répondre aux besoins des placements. Ce qui crée un cercle vertueux car, grâce à ce financement, ces entreprises continuent de grossir donc sont toujours plus stables au regard des investisseurs. L’auteur met alors en lien le comportement de deux acteurs, les managers et les investisseurs. Les investisseurs, pour ne pas prendre des risques trop importants tout en assurant un certain rendement, décident d’adopter des comportements mimétiques : ils essaient d’analyser la situation économique des entreprises, mais aussi de prédire les anticipations des autres investisseurs, afin de produire leurs propres anticipations. Ce phénomène s’accompagne d’un comportement particulier des managers dont la rémunération est fonction des rendements de l’entreprise : ils suivent donc l’intérêt des financiers. Le point culminant étant la crise de 2008 où les comportements mimétiques ont auto entretenu les problèmes issus de la financiarisation. Les conséquences de la financiarisation sur la production et le travail L’auteur explique que la montée en puissance de la finance depuis les années 1970 a abouti à la financiarisation de la société. C’est à dire que la finance n’a plus seulement le rôle de permettre la capitalisation aux entreprises mais elle devient un objectif en elle-même : c’est l’économie réelle qui est au service de la finance. Cette financiarisation a des conséquences à la fois sur la production et sur les conditions de travail. Au niveau de la production, les entreprises ne sont plus dans un objectif d’innovation mais de course à l’innovation : leur but n’est pas d’améliorer ou inventer des objets mais de faire mieux que l’innovation des concurrents pour attirer plus de financement que les autres. La conséquence de la course à l’innovation est le passage d’un processus de destruction créatrice à la Schumpeter (où l’innovation rend inutile des objets en en créant de nouveaux), à ce que l’auteur appelle de la « création destructrice » : l’innovation détruit plus de valeur qu’elle n’en crée.

On peut prendre pour illustrer ce propos l’exemple des trottinettes électriques en libre-service qui prolifèrent depuis quelques années. Une étude du Boston Consulting Group de mai 20191 a montré qu’elles n’étaient pas rentables aujourd’hui parce que leur espérance de vie est inférieure à celle nécessaire pour les rentabiliser. De telles entreprises subsistent seulement grâce aux intérêts des actionnaires. Mais la financiarisation a également des conséquences sur les travailleurs eux-mêmes, c’est ce qui intéresse tout particulièrement l’auteur ici. Le travail devient invisible, c’est-à-dire qu’il n’existe que pour répondre aux attentes des financiers, à leurs objectifs de rentabilité. Les dirigeants ne perçoivent ainsi le travail de leurs subordonnés qu’à travers des données numériques chiffrées. Celles-ci synthétisent l’information sur la production permettant alors une prise de décision rapide, ainsi que la communication aux financiers de données standardisées sur l’entreprise, afin qu’elles réalisent leur choix d’investissement. Gomez souligne alors le danger d’une telle invisibilité : la perte de conscience par les dirigeants de la réalité du travail. L’univers mental de ceux-ci est ainsi une abstraction ce qui leur permet de prendre des décisions sans prendre en compte leurs conséquences humaines, par exemple dans le cas des plans de licenciement. Plus généralement, l’auteur dénonce le fait que le travail ne soit plus valorisé en lui-même. Perpétuation du travail invisible Le système contemporain est construit autour de la notion produire plus et plus vite, alors même que l’on sait que ce n’est pas viable. Cependant, il se perpétue, et ce pour quatre raisons. La première raison relevée par Gomez est que les acteurs du système sont ignorants. La plupart des secteurs, comme l’oligarchie financière, est contrôlée par une multitude d’acteurs, ce qui implique nécessairement une division des tâches. Ainsi, lorsqu’il s’agit de changer les choses, les acteurs se sentent impuissants : cette division des tâches empêche chacun d’assumer ses responsabilités. La seconde raison est que ce système est efficace. En effet, les résultats économiques sont positifs et on observe une prospérité en Occident depuis 30 ans. Alors pourquoi arrêter ? En troisième raison, Gomez évoque l’attrait de l’espr it de rente. Les agents sont dans un univers économique qui inquiète, ils cherchent ainsi à accéder à des revenus sécurisés et stables par principe de précaution et évitent de prendre des risques quitte à manquer l’opportunité de changer le système. Enfin, la dernière raison donnée par Gomez est que les agents veulent compenser le travail invisible par de l’hyperconsommation, par la facilité et le gaspillage car cela a un aspect réconfortant. On se retrouve ainsi dans un monde de l’éphémère qui ressemble au marché financier. Cette hyperconsommation fournit ainsi des débouchés à l’innovation constante et nourrit une culture de vitesse et d’abondance. D’autre part, l’oligarchie en finance semble penser que la solution est de continuer le modèle actuel alors même que l’on sait qu’il conduit à un état de crise comme celui précédemment vécu. Elle veut même enlever les obstacles qui empêchent le bon fonctionnement de ce modèle. Selon Gomez, les élites actuelles sont incapables de penser autrement à cause de la déconnexion des outils de décision de la réalité matérielle que vivent les gens au quotidien et qui a été provoquée par l’oligarchie financière ; d’où la difficulté à changer de système. II)

Les solutions proposées par l’auteur

L’auteur donne alors des solutions pour changer le travail des managers et les entreprises, afin de définanciariser l’économie. Pour redonner toute sa place au travail vivant, en donnant autant d’importance à la dimension objective, subjective et collective du travail, Pierre-Yves Gomez donne des solutions à deux échelons : le manager et l’entreprise.

1

D. Schellong , P. Sadek , C. Schaetzberger , and T. Barrack, 2019 https://www.bcg.com/fr-fr/publications/2019/promise-pitfalls-e-scooter-sharing.aspx

D’une part, les managers doivent comprendre le fait que le travail représente une triple expérience, il ne doit plus être sous la pression des objectifs économiques et valoriser autant les trois dimensions du travail : •





La dimension subjective, puisqu’un individu reconnaît dans le monde transformé par son travail sa propre œuvre, que chaque travailleur occupe son poste de manière unique. Cette dimension du travail est valorisée par la reconnaissance. Pour la mettre en avant, l’auteur suggère aux managers de reconnaître la gratuité du travail, c’est-àdire le fait qu’une part du travail échappe à toute organisation, afin que les travailleurs se sentent libres et donc s’engagent personnellement dans leur activité professionnelle. La dimension objective : le travail débouche sur la production d’un objet, bien ou service. On peut la valoriser en fixant des objectifs quantifiés aux salariés. Pour que les salariés soient impliqués dans la réalisation de ces performances économiques, Pierre-Yves Gomez incite les managers à parler le même langage que leurs salariés, à comprendre le sens qu’ils donnent à leur travail. Par exemple, pour des pharmaciens devant développer des médicaments dans une entreprise pharmaceutique, le manager devrait leur parler de sauver des vies et pas de faire des profits. La dimension collective : on travaille toujours avec ou pour des gens, cela nous relie à un monde et à un temps communs. Il est valorisé par la solidarité. Pour lui donner une place plus importante que dans les entreprises classiques, le manager devrait, selon l’auteur, se sentir solidaire de tous les autres salariés dans la réalisation de ses objectifs, et fixer des objectifs collectifs.

Après avoir exposé les pistes de métamorphose des managers, Pierre-Yves Gomez montre qu’il faut également changer les entreprises, et il propose trois idées pour les remettre au service du travail humain et non pas de la finance. D’abord, il propose de mettre en place une circulation hiérarchique : chaque travailleur doit prendre le temps de voir ce que les autres font, de s’immerger dans leur travail, pour mieux comprendre les problématiques rencontrées par les salariés et assouplir les hiérarchies. Ensuite, il considère d’explorer la subsidiarité comme nouveau mode d’organisation. Il s’agit d’une pyramide renversée où chaque salarié a le pouvoir de décision à son niveau, ce qui n’empêche pas de délégué à son supérieur qui a une vision plus globale des problématiques rencontrées. La dernière idée que défend Gomez est la codétermination, c’est-à-dire la supervision par les salariés, en plus des actionnaires, du bon fonctionnement de l’entreprise. Cela permet la circulation hiérarchique des salariés, qui se rendent compte du travail des dirigeants, et augmente l’efficacité et la transparence des décisions. III)

Le débat et notre avis sur le livre : les solutions données par Pierre-Yves Gomez sont-elles à la hauteur des problèmes qu’il met en avant ? Pour commencer le débat, et permettre d’introduire les notions utilisées dans les prochaines questions, nous avons commencé par interroger les étudiants sur leur préférence entre la rémunération de leur travail et son sens. Il en ressort que la rémunération est bien sur une variable à prendre en compte mais que les étudiants ont une préférence pour faire un travail qui correspond à leurs valeurs et leurs idées. Mais en prenant du recul, cette réponse n’est pas étonnante au regard du master dans lequel les étudiants sont. Ils ont déjà fait le choix de suivre un cursus tourné vers les enjeux de demain car se sentant concerné par ces derniers et voulant travailler pour y répondre. Lors du débat, nous avons également discuté sur la notion de “travail qui a du sens”. Nous en sommes venus à la conclusion qu’un travail qui a du sens est une notion très subjective qui se base sur des valeurs, des envies et des attentes individuelles. Ainsi, tout travail peut mener

au bonheur et à l’épanouissement personnel, comme cela peut avoir des effets inverses, selon si le travailleur prend en compte ou non les critères évoqués plus haut dans son choix de métier. D’autre part, un travailleur peut trouver du sens soit au moment où il effectue son métier, soit plus tard avec du recul. Le secteur de la finance a été cité à titre d’exemple. Si pour certains il peut être inconcevable de travailler dans ce domaine, il s’agit pour d’autres d’une source de bonheur, qu’elle soit immédiate ou lointaine. Le débat s’est ensuite orienté vers une critique de ce point de vue : certes la perception d’un travail varie en fonction des individus, mais cela ne doit pas faire oublier les inégalités dans les conditions objectives de travail. C’est ainsi un des reproches que l’on peut adresser à cet ouvrage, de proposer des solutions basées sur la psychologie des travailleurs et non sur leurs conditions de travail directement. L’ouvrage se serait ainsi enrichi d’un dialogue avec la sociologie du travail. Il nous a également semblé que dans ses exemples, l’auteur reconduisait certains stéréotypes, notamment avec l’exemple des femmes de ménage. Plus globalement, les solutions proposées par l’auteur nous ont parfois semblé superficielle : malgré son ancrage dans la lignée marxiste, Gomez en parlant de définanciarisation n’évoque jamais un changement du système économique où la finance se retrouverait à nouveau subordonnée à l’économie réelle. Il est seulement question de changer les relations de travail à la marge en changeant quelques éléments de gouvernance. A nos yeux, la définanciarisation de l’économie passerait par une limitation des profits réalisés par les fonds d’investissement afin de les rendre moins attractifs, et de redistribuer l’argent directement dans l’économie réelle qui, elle, produit la valeur. C’est de cette manière qu’on peut rendre le travail plus visible, en s’attaquant aux causes de la financiarisation et non à ses conséquences....


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