Révisions travail PDF

Title Révisions travail
Author Constance Caillé
Course Droit du travail
Institution Université Paris II Panthéon-Assas
Pages 3
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Summary

Résumé des relations individuelles de travail , professeur Césaro...


Description

Révisions travail

Sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise

Une confirmation de la règle en son principe Une observation préalable doit être faite, suggérée par le caractère confus des motifs de licenciement énoncés dans la lettre de licenciement envoyée aux salariés. Cette lettre, comme du reste les données de fait précédemment rappelées, révèle que les licenciements avaient pour cause une réorganisation commerciale liée à l'incidence sur de nombreux emplois de mutations technologiques. Or, des mutations technologiques, lorsqu'elles entraînent des suppressions ou transformations d'emploi ou des modifications du contrat de travail des salariés, constituent, en application de l'article L 321-1, alinéa 1er du Code du travail, un motif économique de licenciement qui se suffit à lui-même en ce sens que, comme il a été jugé par la Cour de cassation, il est constitué alors même que la compétitivité de l'entreprise ne serait pas menacée (Cass. soc. 9 octobre 2002 : RJS 12/02 n° 1373). C'est d'ailleurs ici le lieu de rappeler que si les mutations technologiques ont été prévues par l'article L 321-1 issu d'une loi de 1989 comme un motif possible de licenciement économique, c'est parce qu'on était alors (en 1989) en pleine période d'informatisation de la société et notamment de la vie économique avec d'importantes incidences sur l'emploi, en particulier dans les sociétés de services, et que le législateur a estimé devoir en tenir compte en permettant aux sociétés de licencier pour ce motif. Dès lors, la société Pages Jaunes n'aurait-elle pu se placer sur le terrain des mutations technologiques pour justifier les licenciements économiques prononcés ? Tel n'a pas été le cas, puisque insistant davantage sur l'effet (réorganisation commerciale indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité) plutôt que sur la cause (mutations technologiques) dans la lettre de licenciement, la société Pages Jaunes a placé d'emblée le débat juridique sur le terrain de la réorganisation. A cet égard, il est jugé depuis 1992 par la Cour de cassation, nonobstant les termes de l'article L 321-1 du Code du travail qui ne prévoient pas ce motif de licenciement économique mais autorisent le juge à en rajouter d'autres à ceux prévus par la loi p. 188

(« notamment »…), que la réorganisation (ou restructuration) de l'entreprise peut constituer une situation propre à ouvrir la voie d'un licenciement économique (Cass. soc. 1er avril 1992 n° 1507 PF : RJS 5/92 n° 597, Bull. civ. V n° 223). La création prétorienne de ce nouveau motif économique de licenciement ne doit rien au hasard et repose sur un constat précis et d'évidence : il peut arriver que, sans être confrontée immédiatement à des impératifs d'ordre financier mais pour demeurer simplement compétitive, une entreprise ressente la nécessité d'une réorganisation ou restructuration entraînant des réductions d'effectifs, transformations d'emploi ou modifications de contrats de travail. La Cour de cassation a estimé devoir prendre en compte ce type d'impératif économique pour faire de la réorganisation (= restructuration) de l'entreprise un motif autonome de licenciement économique. On en voit bien le sens et la finalité : il ne s'agit pas ici pour une entreprise de faire valoir des difficultés économiques nées et actuelles, sans quoi le motif de licenciement tiré de la réorganisation se confondrait avec celui tiré des difficultés économiques déjà prévu par l'article L 321-1, mais de lui permettre d'anticiper par une réorganisation sur des difficultés économiques prévisibles liées notamment à une perte de compétitivité si la réorganisation n'était pas engagée. En somme, la réorganisation comme motif économique de licenciement, c'est en quelque sorte un diminutif du motif tiré des difficultés économiques. Cela étant, on comprend bien que, sauf à élargir très sensiblement la cause économique de licenciement, on ne peut concevoir que toute réorganisation ou toute restructuration puisse justifier des licenciements économiques. C'est pourquoi la Cour de cassation a toujours assorti ce motif économique de licenciement d'une condition mais, après avoir décidé, d'abord, que la réorganisation pouvait constituer une cause économique de licenciement à la condition d'être décidée dans l'intérêt de l'entreprise (Cass. soc. 1er avril 1992, op. cit.), elle a considéré que la condition tenant à l'intérêt de l'entreprise était trop vague et ne permettait pas un encadrement suffisant des licenciements économiques prononcés pour ce motif. C'est dans ces conditions qu'est intervenue l'arrêt Videocolor ou société Thomson Tubes et Display du 5 avril 1995 (n° 1954 PB et 1955 PB : RJS 5/95 n° 597, Bull. civ. V n° 123) qui pose la règle selon laquelle une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise (et non plus si elle est décidée dans l'intérêt de l'entreprise) et lui apporte la précision suivante : ce motif économique doit être apprécié au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée. Tels sont les éléments qui forment le droit positif applicable (depuis 1995) en ce qui concerne la réorganisation de l'entreprise comme motif économique possible de licenciement. De ce point de vue, les arrêts Pages Jaunes en constituent la pure et simple confirmation. En effet, l'attendu de principe de ces arrêts reprend, en premier lieu, les deux éléments issus de l'arrêt Videocolor qui viennent d'être rappelés : la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée

pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. Il poursuit en énonçant que « répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ». C'est très exactement le sens que la Cour de cassation avait entendu donner à ce nouveau motif économique de licenciement qu'est la réorganisation quand il a été créé de manière prétorienne en 1992 comme on l'a précédemment rappelé, à savoir une anticipation par le biais d'une réorganisation de difficultés économiques qui n'existent pas encore mais pourraient survenir si la réorganisation n'était pas engagée. C'est, d'ailleurs, parce que la réorganisation comme motif de licenciement économique constitue en quelque sorte une anticipation et une spéculation sur un avenir proche et prévisible que la Cour de cassation a admis que la preuve de sa nécessité pouvait résulter d'éléments postérieurs au licenciement venant confirmer la nécessité de la réorganisation au jour du licenciement (Cass. soc. 16 mars 2004 n° 608 FS-D : RJS 6/04 n° 667). Enfin, l'attendu de principe des arrêts Pages Jaunes conclut logiquement que la modification des contrats de travail résultant d'une réorganisation (mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques) a elle-même une cause économique. Ainsi, il est clair que les arrêts Pages Jaunes constituent d'abord une confirmation de jurisprudence en ce qui concerne le rappel du droit positif applicable. Il est pourtant permis de se demander si, en ce qui concerne son application dans le cas de l'espèce, ces arrêts ne marquent pas un infléchissement ou un assouplissement.

II Un infléchissement dans l'application de la règle Que faut-il entendre par réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou celle du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ? Toute réorganisation de l'entreprise n'a-telle pas peu ou prou pour finalité la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ? Sans doute, mais le resserrement de ce motif économique de licenciement, d'abord conditionné par le seul intérêt de l'entreprise comme on l'a vu, autour de la notion de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise à partir de 1995, exprimait l'idée de cantonner ce motif de licenciement, de ne l'admettre comme cause possible de licenciement que pour autant qu'une menace pèse sur la compétitivité de l'entreprise qui justifie, rend nécessaire, la réorganisation envisagée. Comme l'avait parfaitement exprimé Gérard Lyon-Caen dans son commentaire : « dans sauvegarder il y a sauver …l'entreprise doit être menacée sur son marché, sa compétitivité doit avoir décliné au point de menacer sa survie ; un licenciement destiné à opérer des gains de productivité pour améliorer la rentabilité ne serait pas justifiée » (Dr. soc. 1995 p. 489). De 1995 jusqu'à l'arrêt Pages Jaunes, c'est bien ainsi que la Cour de cassation a compris la notion de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, comme l'illustre le tableau récapitulatif que nous avions établi des différentes hypothèses dans lesquelles la Chambre sociale a été amenée à statuer sur ce motif économique de licenciement (J.-Y. Frouin, La légalité du licenciement pour motif économique, Semaine sociale Lamy n° 1226 du 5 septembre 2005, p. 13). On peut y relever, entre autres, que la seule prise en compte de l'intérêt général de l'entreprise n'est pas suffisante pour justifier un licenciement économique, s'agissant du regroupement d'une partie de l'activité de l'entreprise sur un site unique et de la recherche d'économies par la centralisation des services informatiques concernés (Cass. soc. 13 mai 2003 n° 1403 F-D : RJS 10/03 n° 1135), qu'il en est de même d'une réorganisation intervenue dans un contexte favorable et avec une volonté de rationalisation financière de gestion (Cass. soc. 23 juin 1999 n° 97-42.224). Surtout, plusieurs arrêts, notamment dans la période récente, avaient rappelé précisément que la réorganisation de l'entreprise n'est pas nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité si aucune menace ne pèse sur sa compétitivité (Cass. soc. 15 janvier 2003 n° 64 F-D et 29 janvier 2003 p. 189

n° 00-44.044). En d'autres termes, et bien qu'il ne faille pas tomber dans une étroite sémantique, la réorganisation entreprise pour améliorer la compétitivité d'une entreprise dont la situation est saine est un choix de gestion qui appartient à l'employeur mais ce n'est pas un motif économique de licenciement ; seule la réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité menacée d'une entreprise peut constituer une cause économique de licenciement. De ce point de vue, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier, et qui est ici censuré, était d'une parfaite orthodoxie au regard de la jurisprudence dominante en la matière quand il relevait l'absence de menace sur la compétitivité de la société Pages Jaunes, sa situation largement bénéficiaire, l'objectif d'amélioration et de développement poursuivi par la réorganisation, pour en déduire que celle-ci avait pour objet unique d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et de faire des bénéfices plus élevés dans un contexte concurrentiel nullement menaçant. A l'inverse, l'arrêt de la cour d'appel de Dijon pouvait paraître hétérodoxe au regard de la même jurisprudence quand il constate la mise à profit par la société d'une situation financière saine pour adapter ses structures à l'évolution de son marché dans les meilleures conditions et en déduit que la réorganisation était

rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. C'est en ce sens que les arrêts Pages Jaunes, qui privilégient la seconde solution, paraissent ainsi marquer une évolution dans le sens d'un assouplissement de l'application de la règle posée en 1995 en donnant une acception plus souple (à moins que ce ne soit plus dynamique et prospective) de la notion de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise qui tendrait à la rapprocher de la condition tirée de l'intérêt de l'entreprise initialement dégagée (en 1992) pour fonder ce motif économique de licenciement. Pour autant, à supposer cette interprétation exacte, ce ne serait pas nécessairement un retour en arrière, ni même une évolution sensible de la jurisprudence. Peut-être tout simplement l'arrêt Pages Jaunes marque-t-il les limites dans certaines hypothèses, comme celle en cause, de la distinction entre amélioration de la compétitivité dans un contexte de situation financière saine et sauvegarde de la compétitivité dans un contexte menaçant. En l'espèce, comme l'a relevé la cour d'appel de Dijon, la société Pages Jaunes, confrontée aux conséquences inéluctables sur de nombreux emplois d'évolutions technologiques incontournables, allait devoir nécessairement prendre des dispositions pour préserver sa compétitivité et même prévenir des difficultés économiques prévisibles à terme si elle conservait des emplois ne correspondant plus aux besoins de l'activité économique de la société. Qu'elle ait pu le faire valablement, quand sa situation financière était (encore) saine par des mesures d'accompagnement qui ne visaient pas pour l'essentiel à supprimer des emplois mais à modifier les contrats de travail de nombreux salariés n'est pas en soi critiquable. Au fond la vraie question ici est la suivante. Si l'on tient pour acquis que les emplois en cause allaient être supprimés à terme dans leur contenu compte tenu des évolutions technologiques, il ne peut guère être reproché à la société d'avoir pris l'initiative d'en modifier le contenu par anticipation pour les préserver. Dès lors, la seule question est celle de savoir si, compte tenu de sa situation financière saine, elle devait ou non assumer le coût du refus de certains salariés d'accepter une modification de leur contrat de travail. En répondant par la négative, la Cour de cassation considère que la prévention de difficultés économiques futures par des mesures qui tendent à la préservation d'emplois constitue un motif économique de licenciement, même pour une entreprise en bonne santé, et rappelle que le droit de la modification du contrat de travail est un droit du maintien dans l'emploi et non un droit de la rupture. Dans ces conditions, l'évolution de jurisprudence initiée par les arrêts Pages Jaunes pourrait n'avoir fait que préparer et favoriser une bonne application de la loi du 18 janvier 2005 dans ses dispositions concernant l'obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (nouvel article L 320-2 du Code du travail)....


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