« Les origines militaires du « miracle économique » japonais : l’essor technologique de Canon et de Seiko des années 1930 aux années 1960 », Entreprises et histoire 2016/4 (n° 85) PDF

Title « Les origines militaires du « miracle économique » japonais : l’essor technologique de Canon et de Seiko des années 1930 aux années 1960 », Entreprises et histoire 2016/4 (n° 85)
Author Pierre-Yves Donzé
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LES ORIGINES MILITAIRES DU « MIRACLE ÉCONOMIQUE » JAPONAIS : L’ESSOR TECHNOLOGIQUE DE CANON ET DE SEIKO DES ANNÉES 1930 AUX ANNÉES 1960 Pierre-Yves Donzé ESKA | « Entreprises et histoire » Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.236.20 - 23/03/2017 12h48. © E...


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© Éditions ESKA, 2016

LES ORIGINES MILITAIRES DU « MIRACLE ÉCONOMIQUE » JAPONAIS : L’ESSOR TECHNOLOGIQUE DE CANON ET DE SEIKO DES ANNÉES 1930 AUX ANNÉES 1960 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.236.20 - 23/03/2017 12h48. © ESKA

par Pierre-Yves DONZÉ Graduate School of Economics Osaka University

Que doit le décollage prodigieux de l’industrie japonaise de l’après 1945 aux efforts d’innovation suscités par la Seconde Guerre mondiale ? À travers l’étude de deux fameuses entreprises des secteurs de la photographie et de l’horlogerie, cet article met en avant le rôle décisif joué par les spécialistes de l’ingénierie de process issus de l’industrie de l’armement et des arsenaux. Rapidement redéployés vers les industries de biens de consommation avec la démilitarisation, ils y ont introduit les méthodes et les procédés de production de masse développés durant la guerre, et ainsi contribué à la rationalisation de l’industrie nippone.

INTRODUCTION La question d’une continuité entre l’entredeux-guerres, la guerre et l’après-guerre est un enjeu important de l’historiographie japonaise, principalement dans le domaine de l’histoire des entreprises et de l’histoire économique. Deux grandes écoles s’affrontent. D’une part, pour certains économistes et historiens, l’occupation américaine des années 1945-1952 apparaît comme une

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rupture fondamentale dans l’histoire économique contemporaine de l’archipel nippon, les réformes institutionnelles réalisées à ce moment (démocratisation et démilitarisation de l’économie) jetant les bases du « miracle économique » que connaît le pays jusqu’au début des années 19901. D’autre part, certains historiens insistent plutôt sur la continuité qui existe, notamment en termes de système national d’innovation 2. Les activités de recherche-développement (R&D) communes entre les universités, les institutions étatiques

J. Hashimoto, S. Hasegawa, H. Miyajima et N. Saito Nao, Kindai nihon Keizai, Tokyo, Yuhikaku, 2006. M. Sawai, Kindai nihon no kenkyu kaihatsu taisei, Nagoya, Nagoya University Press, 2012.

ENTREPRISES ET HISTOIRE, 2016, N° 85, pages 12 à 25

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MILITAIRES ET ENTREPRISES

et les entreprises privées, mises sur pied au cours des années 1920 et 1930, se poursuivent en effet jusque dans les années 1960.

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Cet article a pour objectif de participer à ce débat en s’intéressant au rôle des ingénieurs militaires dans l’industrie civile après 1945. La guerre moderne n’est en effet pas menée uniquement par les soldats sur le champ de bataille, elle l’est aussi par ceux qui organisent la mobilisation de l’ensemble des moyens de l’économie pour contribuer à l’effort de guerre. Parmi eux, les ingénieurs de production jouent un rôle majeur au cours de la Seconde Guerre mondiale3. La nécessité de fabriquer rapidement des quantités gigantesques d’armes et de munitions débouche en effet sur une réorganisation de la production dans les arsenaux. Au Japon, les fabriques de machines-outils et d’avions sont en particulier soumises à une forte pression de l’armée et de la marine pour accroître leur production. Les ingénieurs tentent d’introduire un système de production inspiré du modèle fordiste, basé sur la standardisation des produits, l’interchangeabilité des pièces et le contrôle de la fabrication selon des normes de tolérance4.

L’expérience acquise durant la guerre par les milliers d’ingénieurs qui peuplent les arsenaux est mise au service de l’industrie civile après 1945 (gunmin tenkan). La contribution de la guerre au développement technologique n’est certes pas un sujet nouveau5. Au Japon, il a donné lieu à une vaste littérature qui a souligné le rôle des ingénieurs dans ce processus 6. Toutefois l’action de ces derniers est généralement appréciée en termes d’innovation de produit (product innovation), au travers d’exemples montrant comment l’usage de connaissances relatives au développement d’armes a permis l’essor de nouvelles industries (automobile, radio et électronique, roulements à billes, shinkansen, etc.). Or l’action des ingénieurs de production ne s’est pas limitée à l’invention de nouveaux types d’armements durant la Seconde Guerre mondiale et de nouveaux produits civils après 1945. Leur action est également décisive en termes d’innovation de procédés (process innovation)7 et c’est dans cette perspective que cet article se propose de discuter l’apport de ces ingénieurs à une transformation des systèmes de production dans l’industrie civile après 1945.

3 D. A. Hounshell, “Automation, Transfer Machinery, and Mass Production in the US Automobile Industry in the Post–World War II Era”, Enterprise and Society, vol. 1, n° 1, March 2000, p. 100-138. J. Zeitlin, “Flexibility and mass production at war: Aircraft manufacture in Britain, the United States, and Germany, 1939-1945”, Technology and Culture, vol. 36, n° 1, January 1995, p. 46-79. 4 H. Maeda, Senjiki kukoki kogyo to seisan gijutsu hensei – Mitsubishi kuko enjin to Fukao Junji, Tokyo, Tokyo University Press, 2001 et M. Yamashita, Kosakukikai sangyo no shokubashi, 1889-1945. Shokunin waza ni idonda gijutsushatachi, Tokyo, Waseda University Press, 2002. K. Wada, « L’évolution du système japonais de production aéronautique au cours de la Seconde Guerre mondiale », in D. Barjot (dir.), Deux guerres totales 1914-1918 19391945. La mobilisation de la nation, Paris, Economica, 2012, p. 365-388. 5 A. Roland, “Technology and War: A Bibliographical Essay”, in M. R. Smith (ed.), Military Enterprise and Technological Change: Perspectives on the American Experience, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1985, pp. 347-379 et P. Ndiaye, Du nylon et des bombes: Du Pont de Nemours, le marché et l’État 1900-1970, Paris, Belin, 2001. 6 T. Nishiyama, Swords into plowshares: civilian application of wartime military technology in modern Japan, 1945–1964, PhD dissertation, The Ohio State University, 2005. M. Sawai, “Sengo fukkoki nihon no kenkyu kaihatsu taisei: gunmin tenkan to kenkyu kaihatsu no saikochiku”, in T. Nakamura (ed.), 1930 nendai no higashi ajia keizai, Tokyo, Nihon hyoronsha, 2006, p. 135-163. M. Sawai, “Gijutsusha no gunmin tankan to tetsudo gijutsu kenkyujo”, Osaka Economic Papers, vol. 59, n° 1, 2009, p. 1-18. H. Ueda, “Sengo fukkoki no bearing sangyo”, in A. Hara (ed.), Fukkoki no nihon keizai, Tokyo, Tokyo University Press, 2002, p. 225-252. 7 Voir aussi K. Wada and T. Shiba, “The Evolution of the ‘Japanese Production System’: Indigenous Influences and American Impact”, in J. Zeitlin and G. Herrigel (eds.), Americanization and Its Limits: Reworking US Technology and Management in Post-war Europe and Japan, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 331-333.

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LES ORIGINES MILITAIRES DU « MIRACLE ÉCONOMIqUE » jAPONAIS

PIERRE-YvES DONZÉ

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1. UN CENTRE DE FORMATION PARTICULIER : LE DÉPARTEMENT DE PRODUCTION D’ARMES (DPA) DE L’UNIVERSITÉ DE TOKYO Le développement d’une armée puissante, capable de rivaliser avec les grandes puissances occidentales, est l’un des principaux objectifs stratégiques des élites qui dirigent le Japon entre la Restauration Meiji (1868) et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Afin de garantir l’indépendance du pays, il apparaît nécessaire de soutenir à la fois son industrialisation et le développement de sa force militaire, un double objectif symbolisé par le slogan « pays riche, armée forte » (Fukoku kyohei)8. L’existence d’une armée puissante, dont la valeur est reconnue en Occident après

la victoire japonaise contre la Russie en 1905, est donc conditionnée par un développement technologique et industriel. L’acquisition de savoir-faire et de technologies relatives à l’armement se fait pour l’essentiel par l’intermédiaire de deux canaux : – Premièrement, il s’agit de la coopération avec des entreprises d’armement étrangères, essentiellement allemandes et britanniques, à l’exemple de Vickers9. Un processus de transfert de technologies a permis à la marine et à l’armée de terre d’acquérir les savoir-faire nécessaires à une production d’armements modernes au Japon. – Deuxièmement, il faut souligner le rôle des instituts de recherche et des départements universitaires japonais spécialisés dans la production d’armements. Les centres de recherche et développement de l’armée et de la marine sont parmi les plus grands du pays dans les années 1930. En 1935, ils emploient respectivement 417 et 827 personnes10. Enfin, les universités elles-mêmes participent au développement militaire du pays. D’une part, elles forment un nombre grandissant d’ingénieurs, qui entrent au service non seulement des entreprises privées, mais aussi des centres de R&D militaires. Le nombre total d’ingénieurs universitaires en fonction dans l’ensemble du pays passe de 1 921 en 1910 à 5 025 en 1920 et plus de 41 000 en 193411. D’autre part, les facultés d’ingénierie de certaines universités, principalement celle de Tokyo, mènent des recherches visant à développer de nouvelles armes, à améliorer leur précision et leur fonctionnement,

8 R. J. Samuel, “Rich Nation, Strong Army”: National security and the technological transformation of Japan, Ithaca, Cornell University Press, 1996. 9 B. Nagura, “A Munition-Steel Company and Anglo Japanese Relations Before and After the First World War: the Corporate Governance of the Japan Steel Works and its British Shareholders”, in J. Hunter et S. Sugiyama (eds.), The History of Anglo-Japanese Relations, 1600-2000, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 156-182. 10 M. Sawai, Kindai nihon…, op. cit., p. 53. 11 M. Sawai, “Gijutsusha kyoiku”, in Nihon sangyoshi jiten, Tokyo, Shibunkaku, 2007, p. 473.

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ENTREPRISES ET HISTOIRE

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Aussi, les principales questions de recherche posées dans cette contribution sont les suivantes : d’où viennent les ingénieurs de production qui passent de l’armée au civil après 1945 ? Où ont-ils été formés ? Quels sont leur rôle et leur action au sein des entreprises qui les emploient après la guerre ? Pour répondre à ces questions, cet article prend l’exemple de l’industrie des instruments de précision, à travers le cas de deux entreprises qui s’imposent au cours des années 1960 comme des leaders mondiaux dans leur domaine : le fabricant d’appareils photographiques Canon et l’horloger Seiko.

et à rendre possible leur production en masse par les entreprises privées. Le Département de production d’armes (DPA) de l’Université de Tokyo est le principal centre actif dans ce domaine.

1.1. Le Département de production d’armes de l’Université de Tokyo

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Le Département de production d’armes (Zohei gakka, DPA) est, jusqu’en 1945, l’un des dix départements de la Faculté d’ingénierie de l’Université de Tokyo12. Ouvert en 1887 afin de former des ingénieurs pour les arsenaux de l’armée et de la marine, il connaît au cours de l’entre-deux-guerres un processus de diversification et de spécialisation. Jusqu’au début des années 1920, l’intérêt du DPA porte essentiellement sur l’artillerie, la balistique et la production d’explosifs. Parmi ceux-ci, la manufacture de mines et de torpilles mène à la création d’une seconde chaire spécialisée dans ce domaine (1901). Le domaine de la production de torpilles, considérées alors comme l’une des machines de précision les plus complexes, est ensuite confié à une troisième chaire spécialisée dans ce domaine (1920). Dans le même temps, la seconde chaire poursuit ses travaux sur les mines et les étend vers de nouveaux domaines tels que les instruments d’optique, notamment les périscopes. En 1928, elle se voit confier les questions relatives à l’ensemble des machines de précision (optique, radars, mines, etc.). Parallèlement, le domaine de la production d’armes (canons, chars, armes spéciales) est autonomisé en une quatrième chaire (1921). Une cinquième chaire voit enfin le jour en 1944, avec l’autonomisation des armes de précision.

Jusqu’à la fin de la guerre, le DPA joue un rôle déterminant dans la formation d’ingénieurs pour l’industrie d’armement. Entre 1900 et 1940, ils sont 390 au total à obtenir un diplôme de ce département13. Par ailleurs, l’évolution du nombre moyen de diplômés reflète parfaitement le développement observé au cours des années 1920. Il passe en effet de 2,9 dans les années 1900 et 5,2 dans les années 1910 à 12,3 dans les années 1920 et 16,7 dans les années 1930. Le DPA répond ainsi à une demande en ingénieurs qui s’accélère avec l’expansion impérialiste. Après 1945, le DPA est réorienté vers l’industrie des appareils de précision et les technologies de production. Rebaptisé Département de l’Industrie de Précision (Seimitsu kogakka, DIP), il ne comprend plus que trois chaires, occupées jusqu’au début des années 1960 par trois professeurs nommés avant la guerre. Il accueille chaque année 17 nouveaux étudiants, principalement destinés aux entreprises d’appareils de précision. Il conserve cette structure jusqu’en 1963, date à laquelle il est restructuré et agrandi pour répondre aux nouveaux besoins de l’industrie (automation, médecine, mécatronique, etc.)14.

1.2. Le soutien du DPA à l’industrie civile des instruments de précision Bien que le DPA soit spécialisé dans la production d’armes, ses travaux profitent à l’industrie civile depuis le début des années 1930, en particulier aux entreprises d’instruments de précision comme l’horlogerie et les appareils photographiques. La convergence technologique entre armements et instruments de précision repose notamment sur la similarité des enjeux techniques

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Les autres sont les départements d’aéronautique, d’architecture, de chimie appliquée, de construction navale, d’électricité, de génie civil, de mécanique, de métallurgie et de mines. 13 Monbusho nenpo, Tokyo, Monbusho, 1900-1940. 14 Tokyo daigaku hyakunenshi-bukyokushi, Tokyo, Tokyo University Press, 1984, vol. 3, p. 242-243.

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LES ORIGINES MILITAIRES DU « MIRACLE ÉCONOMIqUE » jAPONAIS

posés par les essais de production en masse (standardisation des pièces, introduction de normes de tolérance, usage de machines-outils de haute précision, etc.). Les activités du professeur Tamotsu Aoki illustrent parfaitement cette contribution à l’industrie civile.

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Diplômé du DPA en 1908, Tamotsu Aoki (1882-1966) est nommé professeur assistant dans ce département l’année suivante et devient professeur ordinaire en 192015. Ses travaux portent essentiellement sur l’introduction de méthodes de production en masse pour la fabrication de torpilles et d’armements. Il coopère également avec l’industrie civile. Il est notamment parmi les membres fondateurs, et président jusqu’en 1947, de la Society for Precision Engineering (Seimitsu kogakkai), une association qui réunit depuis 1933 des ingénieurs actifs dans la R&D du domaine des armes et des instruments de précision. En particulier, Aoki s’engage en faveur du développement technologique des entreprises horlogères, l’objectif étant de soutenir le principe de l’interchangeabilité des pièces. En 1933, il fonde et prend la direction d’une école d’horlogerie destinée à former des horlogers à l’assemblage de montres, une institution soutenue à la fois par la Faculté d’ingénierie de l’Université de Tokyo et le Horological Institute of Japan (Nihon tokei gakkai)16. Par ailleurs, en 1938, il publie un manuel pour les horlogers de l’industrie17.

spécialise dans l’industrie horlogère, publie de nombreux articles et ouvrages, et préside en 1946 un comité chargé de superviser l’introduction de normes standardisées dans l’industrie horlogère18. Par ailleurs, il réorganise en 1948 le Horological Institute of Japan pour en faire une organisation rassemblant les ingénieurs de production actifs dans l’industrie horlogère19. Enfin, il travaille en tant que consultant pour plusieurs entreprises, en particulier Orient Watch, Tsugami Precision et le groupe Seiko20.

1.3. L’évolution de l’emploi des diplômés du DAP/DIP Les lieux d’emploi des ingénieurs diplômés du DAP permettent également de voir dans quelle mesure ce département soutient l’essor des entreprises privées. Ils donne...


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