Non-lieux et surmodernité dans le cinéma américain contemporain PDF

Title Non-lieux et surmodernité dans le cinéma américain contemporain
Author Benjamin Kerber
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KERBER Benjamin 2013-2014 Non-lieux et surmodernité dans le cinéma américain contemporain (Jarmusch, Gondry, Coppola, Allen, Korine, Blum...) Sous la direction de Mme Martine Beugnet. M2 Arts et Culture Visuelle dans les Pays Anglophones – Paris 7 Diderot 1 Sommaire et remerciements Sommaire et reme...


Description

KERBER Benjamin

2013-2014

Non-lieux et surmodernité dans le cinéma américain contemporain (Jarmusch, Gondry, Coppola, Allen, Korine, Blum...)

Sous la direction de Mme Martine Beugnet. M2 Arts et Culture Visuelle dans les Pays Anglophones – Paris 7 Diderot 1

Sommaire et remerciements Sommaire et remerciements

p.2

Introduction

p.3

I - Non-lieux ou espaces quelconques et surmodernité au cinéma.

p.7

A) Définitions des termes et applications au cinéma d'aujourd'hui.

p.7

B) Homogénéisation du cinéma américain : est-il lui même un non lieu ?

p.25

C ) Non-lieu et cinéma d'art et d'essai vs. Lieu et cinéma mainstream.

p.38

II – Non-lieu dans le cinéma : Véhicule idéologique, outil narratif, discours critique.

p.53

A) Véhicule idéologique (« The we and the I », M. Gondry »)

p.55

B) Outil narratif (« Somewhere », S. Coppola ; « Night on Earth », J. Jarmusch)

p.66

C ) Discours critique sur le non-lieu (« Annie Hall », W. Allen)

p.80

III – Topologie du cinéma surmoderne ou cinéma des non-lieux : cinéma expérimental, films rhizomes, hétérotopies.

p.91

A) Non-lieux, cinéma documentaire et expérimental

p.91

B) Cinéma de la surmodernité : connexions entre non-lieux et rhizomes.

p.103

C ) Non-lieux et hétérotopies.

p.107

Conclusion

p.113

Bibliographie

p.116

Filmographie

p.118

Avant de commencer, je tiens à remercier chaleureusement Martine Beugnet pour sa bienveillance et sa patience, ses précieux conseils et recommandations ainsi que pour la grande qualité des cours qui nous ont été enseignés, et qui m'ont beaucoup inspiré au delà du contexte de la fac.

Merci également à Martine Kerber pour sa relecture rapide et efficace !

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Introduction L'espace en tant que concept de sciences sociales a mis des siècles à être défini, sans qu'on puisse affirmer en 2014 que ces différentes définitions soient plus exactes les unes par rapport aux autres. Les disciplines qui emploient cette notion comme un outil sont nombreuses, la géographie, l'urbanisme, l'anthroplogie, la sociologie etc..et souvent, l'espace est sujet à débats, discordes. Du fonctionnalisme au relationnel, son étude a évolué, les approches se sont renouvelées, se sont actualisées. L'antimonde de Roger Brunet ; le contre-espace, contre-lieu et les espaces autres de Michel Foucault ; les non-lieux de Marc Augé : si l'on analyse globalement le lexique des penseurs du 20ème siècle, on se rend compte d'un désir subconscient de fuites – ce n'est pas Deleuze qui dirait le contraire, lui qui a créé avec son compère Félix Guattari le concept de « lignes de fuite ». L'envers du décor fascine, ces autres espaces, qui sortent de l'ordinaire, réels ou imaginaires, se détachant d'un monde que l'on connaît déjà (du moins, que l'on croit connaître).

L'art est lui aussi souvent un échappatoire pour les artistes comme pour le public. L'idée d'espace est transmissible par les mots, la littérature et la musique mais c'est dans la peinture et bien évidemment, au cinéma qu'elle s'incarne le plus concrètement. C'est à partir des concepts d'image-temps et d'image-mouvement inventés par Deleuze que Pascal Auger à créé la notion purement cinématographique d'espace quelconque. L'espace filmique est l'une des premières choses que l'on étudie en école de cinéma : le champ, le contre champ, la profondeur de champ. Une division fréquente dans l'étude de l'espace au cinéma s'opère entre la ruralité et l'urbanité. Par espace, on voudrait entendre décor – terme probablement trop réducteur. Ainsi, la ville au cinéma est un thème de recherche très riche et fourni en ouvrages.

Pour ce mémoire, l'idée de départ était justement d'étudier, dans le cinéma américain contemporain, l'espace urbain de la ville de Los Angeles. Ville mythique du cinéma mais souvent remise en cause pour son absence de forme, de centre, de bâtiment historique reconnaissables ; ses étendues basses de restaurants et stations services donnant l'impression erronée de n'être une vaste zone industrielle ; la prétendue superficialité de ses habitants, du mode de vie californien. Los Angeles est aujourd'hui utilisée comme espace d'un cinéma d'auteur à la recherche de cet acentrisme. Des films comme «Collateral » (2004) de Michael Mann ou le plus récent « Drive » (2012) de Nicholas Winding Refn fonctionnent beaucoup

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sur cette idée d'absence de repères, en noyant les personnages dans ce marasme urbain automobile, sombre, nocturne et poussiéreux. Ce que Los Angeles offre comparé à New-York, Paris ou Rome, c'est une absence de marqueurs, de déterminants culturels forts. Si l'on évite de filmer les panneaux des marques et des chaînes de restaurants – présents, certes, dans toutes les grandes villes américaines - qui s'inscrivent clairement dans le capitalisme assumé, Los Angeles n'a en effet pas de monuments qui lui permettent d'être reconnaissables en un plan. Paris a sa Tour Eiffel, son Arc de Triomphe, sa Tour Montparnasse, son Sacré Coeur : un plan d'ensemble d'une seconde suffit à faire voyager le spectateur dans la capitale française. New-York n'est pas très différente ; de la Statue de la Liberté à l'Empire State Building – avant 2001, ses Tours Jumelles – permettent également au spectateur d'un film s'y déroulant d'avoir des repères géographiques et culturels extrêmement rapides. Los Angeles n'a pas ce symbolisme visuel percutant, et c'est paradoxalement cela qui fait sa force.

Los Angeles est considérée par certains chercheurs et analystes comme ce fameux non-lieu, concept créé par l'anthropologue Marc Augé. Dans des écrits universitaires, on trouve par exemple ce type de discours : « Ce qui frappe d’emblée le visiteur de Los Angeles ou le spectateur de ses multiples représentations filmiques est moins le gigantisme de la ville que la capacité de l’infrastructure à tenter d’endiguer le flux humain sur les grands axes routiers et aériens. (…) Cependant, la logique de construction de la ville n’est pas basée sur « une succession de strates historiques » mais sur une mise côte à côte, comme dans un collage, de différents quartiers qui renvoient tous à un moment précis de l’histoire de la ville. Il serait inexact de dire que Los Angeles n’a pas d’histoire en raison d’une absence de centre. Ce point de vue européen refuse de voir que l’épaisseur historique de la métropole californienne ne repose pas sur une stratification géologique de différents sédiments temporels mais plutôt sur la confusion entre son histoire et celle du cinéma. En effet, l’histoire de Los Angeles, perceptible dans la multiplicité des styles architecturaux qui la composent, se confond avec l’histoire du cinéma, c’est à dire avec l’histoire de sa propre représentation »1 Sur le site de l'Esaaa (Ecole Supérieure d'Art de l'Agglomération d'Annecy), on peut lire le texte suivant :

« La ville de Los Angeles (côte Ouest) souvent distinguée, voire opposée à New York (côte 1 BAQUE, Zachary. « De la ville-décor à la ville-personnage. La représentation de Los Angeles dans deux films de David Lynch, Lost Highway et Mulholland Drive ». Figura, Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire. Volume 14. 2005. Montréal. pp. 133-144.

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Est), a longtemps été perçue comme un non-lieu de l'art. La diffusion massive et globalisée des clichés cartes postales (palmiers fièrement dressés, glamour émanant d'une industrie du divertissement, corps aux limites continuellement excédées) occultent la plupart du temps une histoire et une scène de l'art dont la légitimité aurait été différée jusqu'à aujourd'hui. Selon, la commissaire d'exposition Connie Butler, les raisons de cette méconnaissance de Los Angeles comme terrain de jeu majeur dans l'expérimentation artistique s'expliqueraient par ses positions d'outsider. L'art de la côte Ouest aurait été à la marge d'une histoire de l'art dominante construite à partir d'un point de vue centré sur l'axe Euroaméricain »2

Dans la fameuse et unique encyclopédie sur la ville au cinéma de Thierry Jousse et Thierry Paquot, on peut également lire que Los Angeles est une « ville toute bête »3, « anonyme, qui emprunte son histoire à toutes les autres »4. Pourquoi cette qualification quasi-systématique de Los Angeles comme un non-lieu nous intéresse ? Elle met en lumière ce type d'espaces relativement nouveaux que sont les non-lieux et nous fait prendre conscience de l'importance grandissante de ces décors dans le cinéma américain contemporain. Elle est l'archétype du non-lieu.

Si l'on sort du simple contexte de Los Angeles et qu'on pense aux non-lieux tels qu'Augé les catégorise, on se rend compte qu'ils sont omniprésents dans les films des années 1980 à 2010. Aéroports, gares, moyens de transports, salles d'attente, centres commerciaux, grandes chaînes hôtelières : ces décors qui sont ceux du quotidien – du moins, dans les pays développés et pour une grande partie de l'Occident – apparaissent tout naturellement dans les films. Ce qui tranche, d'un film à l'autre, c'est la façon d'aborder ces non-lieux et le message que cela envoie. Leur représentation varie fondamentalement d'un film à l'autre et elle pourrait apporter de précieux éclaircissements à la fois sur le cinéma américain contemporain mais aussi sur la société en général.

Que sont ces non-lieux ? Quels sont leurs liens avec le cinéma ? Pourquoi et comment les représente t-on ? Que cela dit-il sur les Etats-Unis et sur le monde en général ?

Pour répondre à ces questions, nous allons d'abord tenter de définir le plus précisément 2 GOURBE, Géraldine. Ecole supérieure d'art de l'agglomération d'Annecy. (Page consultée le 26 juin 2014) 3 HIGUINEN, Erwan et JOYARD, Olivier. « Los Angeles ». In La ville au cinéma. Sous la direction de PAQUOT, Thierry. JOUSSE, Thierry. Cahiers du cinéma. Paris. 2005. pp. 449. 4 Ibid.

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possible ce que Marc Augé entend par « non-lieux ». Ensuite, il s'agira d'établir des connexions entre le monde du cinéma et ce concept ; en effet, l'industrie du cinéma semble aujourd'hui être affectée par la notion de surmodernité, et cela a des conséquences sur la production cinématographique. Nous nous plongerons ensuite dans les œuvres de cinéastes américains (excepté Michel Gondry, mais celui-ci tourne et produit ses films aux Etats-Unis) afin d'analyser comment ces non-lieux y sont représentés et quel message cela renvoie. En sortant un peu du contexte strict du cinéma d'auteur et en s'orientant vers le cinéma expérimental, on verra que les non-lieux prennent un sens qui varie. On verra également que le concept de non-lieu a beaucoup à voir avec d'autres idées philosophiques telles que le rhizome et les hétérotopies et l'on tentera de comprendre comment ses idées se joignent dans les films. En conclusion, on établira une topologie des représentations des non-lieux dans le cinéma américain et l'on tentera d'expliquer en quoi cela nous renseigne également sur la société américaine dans un sens plus large.

Une salle d'attente d'aéroport, archétype du non-lieu.

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I - Non-lieux ou espaces quelconques et surmodernité au cinéma. A)

Définitions

des

termes

et

applications

au

cinéma

d'aujourd'hui.

Du non-lieu, Marc Augé dit dans son livre Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité5, qu'il est un « espace qui (ne) peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique. » Ce qui est identitaire c'est ce qui est « relatif à l'identité d'une personne, d'un groupe », soit au « caractère permanent et fondamental de quelqu'un »6. Ce qui est permanent chez une personne tout au long de sa vie c'est par exemple, son lieu de naissance ou ses origines culturelles. Un lieu anthropologique est identitaire dans la mesure où on peut le géolocaliser. Augé précise « Si nous nous attardons un instant sur la définition du lieu anthropologique, nous constaterons qu'il est d'abord géométrique (…) il s'agit de la ligne, de l'intersection des lignes et du point d'intersection. » (…)

Avant de commencer son raisonnement, Marc Augé part du plus simple, du plus pur : la « ligne » . Il construit à partir du néant. Quand il y a plusieurs lignes, cela crée des « intersections », des points de croisement. Son livre parle de non-lieux, mais pour que ceuxci existent, il faut d'abord définir les lieux :

« Concrètement, dans la géographie qui nous est quotidiennement plus familière, on pourrait parler, d'une part, d'itinéraires, d'axes ou de chemins qui conduisent d'un lieu à un autre et ont été tracés par les hommes, d'autre part, de carrefours et de places où les hommes se croisent, se rencontrent et se rassemblent, qu'ils ont dessinés en leur donnant parfois de vastes proportions pour satisfaire notamment, sur les marchés, aux nécessités de l'échange économique, et enfin, de centres plus ou moins monumentaux, qu'ils soient religieux ou politiques, construits par certains hommes et qui définissent en retour un espace et des frontières au-delà desquels d'autres hommes se définissent comme autres, par rapport à d'autres centres et d'autres espaces ».7

Augé parle des espaces, et des « autres espaces ». Pour qu'il puisse y avoir différenciation, il 5 AUGE, Marc. Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité. La Librairie du XXIème siècle. Editions du Seuil. Avril 1992. 6 Le petit Larousse illustré. Larousse. 2004. 7 AUGE, Marc. Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité. La Librairie du XXIème siècle. Editions du Seuil. Avril 1992. p. 74.

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faut que l'homme délimite des séparations. Autrement dit s'il n'y avait pas de frontières, il n'y aurait pas d'autre, et donc pas d'identité. D'une approche purement géographique des espaces, avec un vocabulaire technique (« itinéraires », « axes », « chemins », « carrefours »), Augé bascule subtilement vers une approche sociale anthropologique (« marché », « économique », « religieux », « politique »). L'identité se trouve précisément au point de chute de ces deux aspects, géographiques et sociaux.

Augé parle ensuite de l'aspect relationnel d'un lieu : cela veut dire qu'on peut y créer des liens de sociabilités dépassant le simple cadre de la politesse, ou de l'identification. Non seulement on peut, mais on est encouragé à créer ces liens, sous peine que le lieu devienne un non-lieu. Que devient une maison si la famille qui y habite ne s'y adresse pas la parole ? L'aspect relationnel est donc majeur. « Itinéraires, carrefours et centres ne sont pas pour autant des notions absolument indépendantes. Elles se recouvrent partiellement. Un itinéraire peut passer par différents points remarquables qui constituent autant de lieux de rassemblement ; certains marchés constituent des points fixes sur un itinéraire qu'ils balisent ; si le marché est en lui-même un centre d'attraction, la place où il se tient peut abriter un monument (l'autel d'un dieu, le palais d'un souverain) qui figure le centre d'un autre espace social. » (…)

Une nouvelle fois, dans un seul et même paragraphe, Augé bascule du purement géographique au social, des « itinéraires », « carrefours », « centres », « points », aux « lieux de rassemblement », aux « marchés », à « l'espace social ». Ce basculement en filigrane de l'espace à l'espace social est la définition même du lieu anthropologique.

Augé repart de la mythologie avant d'expliquer la notion de surmodernité:

« Jean-Pierre Vernant montre bien, dans son livre Mythe et pensée chez les Grecs, comment, dans le couple Hestia/Hermès, la première symbolise le foyer circulaire situé au centre de la maison, l'espace clos du groupe replié sur lui-même, et en quelque sorte la relation à soimême, alors que Hermès, dieu du seuil et de la porte, mais aussi des carrefours et des entrées de villes, représente le mouvement et la relation à autrui. L'identité et la relation sont au cœur de tous les dispositifs spatiaux étudiés classiquement par l'anthropologie. »8

Voici ce qu'écrit Jean-Pierre Vernant à propos d'Hestia, déesse du feu sacré et du foyer: 8 Ibid. p.76.

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« (...)Hestia ne constitue pas seulement le centre de l'espace domestique. Fixé au sol, le foyer circulaire est comme le nombril qui enracine la maison dans la terre. Il est symbole et gage de fixité, d'immutabilité, de permanence. (…) Seule Hestia demeure immobile à la maison, sans jamais quitter sa place. Point fixe, centre à partir duquel l'espace humain s'oriente et s'organise, Hestia, pour les poètes et les philosophes, pourra s'identifier avec la terre, immobile au centre du cosmos. »9

Sur Hermès, entre autre gardien des routes et des carrefours des voyageurs et du commerce : « Hermès, lui aussi, mais d'une autre façon, est lié à l'habitat des hommes et plus généralement à l'étendue terrestre. (…) Rien en lui de fixé, de stable, de permanent, de circonscrit, ni de fermé. Il représente, dans l'espace et dans le monde humain, le mouvement, le passage, le changement d'état, les transitions, les contacts entre éléments étrangers. A la maison, sa place est à la porte, protégeant le seuil, repoussant les voleurs (…) Il siège aussi à l'entrée des villes, aux frontières des Etats, aux carrefours, au long des pistes, marquant le chemin, sur les tombeaux, ces portes qui ouvrent l'accès du monde infernal. »10

En citant Jean-Pierre Vernant et son étude du couple Hermès-Hestia, Augé rajoute une dimension mythologique, historique à son propos, il crédibilise son analyse à venir. Ce qui est intéressant c'est qu'après avoir montré qu'il y avait des espaces puis des espaces autres, Augé introduit l'homme dans ces espaces en évoquant des croyances religieuses ancestrales. De plus, il montre que l'homme réfléchit depuis des millénaires à l'organisation de l'espace, du seuil de la maison aux portes des villes. Dès l'antiquité les Dieux grecs étaient chargés de gérer l'identité et les relations à autrui, et cela n'a guère changé, c'est ce que semble sousentendre Augé.

Enfin, il y a l'aspect historique : un lieu centralise généralement une histoire collective. « Car toutes les relations inscrites dans l'espace s'inscrivent aussi dans la durée, et les formes spatiales simples que nous venons d'évoquer ne se concrétisent que dans et par le temps. »11

Après avoir défini les « lieux anthropologiques », Augé en vient donc aux non-lieux: « L'hypothèse ici défendue est que la surmodernité est productrice de non-lieux, c'est-à-dire 9 VERNANT, Jean-Pierre. Hestia-Hermès, sur l'expression religieuse de l'espace et du mouvement chez les Grecs. L'Homme. Année 1963. Volume 3. Numéro 3. p. 13. 10 Ibid. p. 14. 11 AUGE, Marc. Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité. La Librairie du XXIème siècle. Editions du Seuil. Avril 1992. p. 74.

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d'espaces qui ne sont pas eux-mêmes des lieux anthropologiques et qui, contrairement à la modernité baudelairienne, n'intègrent pas les lieux anciens : ceux-ci répertoriés, classés et promus « lieux de mémoire », y occupent une place circonscrite et spécifique. Un monde où l'on naît en clinique et où l'on meurt à l'hôpital, où se multiplient, en des modalités luxueuses ou inhumaines, les points de transit et les occupations provisoires (les chaînes d'hôtels et les squats, les clubs de vacances, les camps de réfugiés, les bidonvilles promis à la casse ou à la pérennité pourrissante), où se développe un réseau serré de moyens de transport qui sont aussi des espaces habités, où l'habitué des grandes surfaces, des distributeurs automatiques et des cartes de crédit renoue avec les gestes du commerce « à la muette », un mond...


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