Art et pouvoir - Dissertation PDF

Title Art et pouvoir - Dissertation
Course Art et Pouvoir
Institution Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
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Summary

Dissertation sur le sujet du cours Art et Pouvoir.
Note eu = 16...


Description

COURBARON Mai 16700899

Art et pouvoir Existe-t-il une fonction sociale de l’artiste sans pouvoir ? ! Tout au long de son histoire l’art a toujours été intimement lié au pouvoir. Il convient de définir le mot pouvoir car celui-ci peut-être entendu de deux façons différentes. Nous entendons tout d’abord par cette notion la partie de la société des hommes qui s’arroge ou s’accapare le droit de direction du reste de cette société, et la fait travailler à son profit dans le but du maintien de sa domination. Dans le cadre politique, le premier usage de l’art est d’abord d’être utilisé par les dirigeants comme une forme de propagande. Celle-ci est subtile et diverse et va servir d’éloge du pouvoir. D’autre part, l’individu possède également une forme de pouvoir en ce qu’il a lui-même la capacité d’agir et, dans une certaine mesure, la liberté de penser voire même d’exercer une certaine autorité ou une influence sur les autres. Cependant, cette capacité peut être entravée dans certains contextes politiques (totalitaire, monarchie, etc…). # Par ailleurs, on peut entendre par le mot pouvoir une définition tout autre. En effet, le mot pouvoir peut également signifier la capacité quasi-surnaturelle à interagir sur le monde et sur les individus. En ce sens, le second usage de l’art serait une forme de représentation imaginaire. C’est un usage cosmogonique qui naturalise le pouvoir et se manifeste comme une chose nécessaire et hors d’atteinte de l’humanité. # Ces deux usages sont liés puisqu’ils influencent et prolongent symboliquement une lecture de l’Univers qui va être en accord avec une certaine vision. L’usage de l’art va donc être de promouvoir et prolonger cet imaginaire, cette cosmogonie du pouvoir politique. Le pouvoir utilise l’esthétique dans une lutte pour la définition du réel. L’initiative de la production esthétique du monde est un des privilèges du pouvoir, c’est-à-dire la direction historique de l’imaginaire à son avantage. Le pouvoir se sert des images, des signes pour naturaliser son existence et donc de l’art. Suite à cette introduction, nous pouvons nous demander si justement, l’art dépend nécessairement du pouvoir ? Et si l’artiste qui produit cet art le fait de manière à servir ce pouvoir ou bien le dénoncer ? Au final, n’existe-t-il pas d’artistes libres de toutes autorités ?# À ces questions, nous pouvons débuter notre réflexion avec la place de l’artiste ancré dans la société au service du pouvoir. Puis, dans un second temps nous nous demandons si l’artiste peut exercer son art indépendamment des figures du pouvoir. Au final, malgré l’effort des artistes pour se libérer du pouvoir, on observera qu’il ne peut jamais s’en détacher tout à fait, à cause notamment des logiques socio-économiques qui en régentent l’épanouissement. # ! Le pouvoir se sert des images, des signes pour renforcer son influence. C’est donc pour cela que les artistes sont fréquemment sollicités pour renforcer l’image du pouvoir. Depuis le Moyen Age l’artiste ou artisan à l’époque est tributaire des commandes privées émanant des grandes figures d’autorités (rois, princes, seigneurs, Églises…). C’est à la Renaissance que le statut de l’artisan change pour laisser place à l’artiste. Cependant, c’est également à ce moment que certains artistes vont se mettre réellement au service du pouvoir en devenant artistes de cour (poète, peintre, musicien…) au service du roi et 1  sur 6 

de sa cour. L’artiste était alors pensionné comme s’il était un valet. Plus tard, au XVIIe siècle, la figure emblématique de Louis XIV, que l’on peut considérer comme l’un des premiers «% monarques éclairés% », stimulait la création des artistes en raison de son penchant pour les lettres et les arts. Il estimait aussi que leurs oeuvres devaient contribuer à la gloire et à la grandeur de son règne. Pour ce faire, ils les rendaient certains artistes célèbres en leur commandant régulièrement des oeuvres et en leur versant des pensions…# Au siècle des Lumières, on observe l’émergence d’artistes engagés, qui prennent position, témoignent, dénoncent et utilisent leur art et leur talent au service d’une cause. C’est le cas de Voltaire, qui dans son Traité sur la tolérance (1763) prend la défense de Jean Calas, protestant accusé d’avoir assassiné son fils afin de l’empêcher de se convertir au catholicisme. Pour ce crime présumé, Calas est mis à mort, et Voltaire cherche alors à le réhabiliter. À la fin du XIXe siècle, il y a eu par ailleurs le célèbre «% J’accuse…!% » de Zola, article publié en 1898. Pour un écrivain, être engagé c’est se positionner par rapport à un contexte politique, religieux ou social. Nous avons également dans Les Châtiments de Victor Hugo son avis négatif sur Napoléon III et le régime impérial. Il dénonce dénonce entre autres la violence de l’Empire contre le peuple français.# L’art pour l’artiste est une arme qui lui est propre et qui lui permet de prendre position.# Platon explique dans La République (livre X), que l’art est% quelque chose de moins, ce n’est qu’une imitation, qui place l’artiste comme simple imitateur, ou illusionniste de la nature. Il doit donc s’écarter du réel, le surpasser en le sublimant. C’est pour cela qu’il voit la peinture comme un art dont il faut se méfier, parce qu’elle ne donne qu’une vérité biaisée, c’est-à-dire une image d’image. On le voit d’ailleurs, avec l’exemple du peintre Zeuxis qui avait peint des raisins si réalistes que des hirondelles étaient venues les picorer. Malgré la méfiance qu’il faut avoir face à la peinture, l’art le plus dangereux à ses yeux est de loin la musique à cause de son influence immédiate auprès des esprits des hommes (contrôler les esprits, modifier les tempéraments…). Les hommes de pouvoirs l’avaient bien compris et s’en servaient comme art de propagande. Hitler utilisait notamment les opéras de Wagner pour centraliser le pouvoir et les pensées du peuple.# En plus du pouvoir politique, nous pouvons parler du pouvoir surnaturel dans lequel il y a également une figure d’autorité importante pour certains. En effet, les figures du pouvoir ont toujours été fantasmées par les hommes, avec notamment les Dieux grecques et romains. # Avec les tribus, on ne croit plus en des Dieux, mais en des forces de la nature qui soumettent les Hommes. Il y a peu ou pas de politique, mais un «%docteur% » ou chaman qui fait le médiateur entre les êtres humains et les esprits et forces de la nature ou les âmes du gibier, les morts du clan, les âmes des enfants à naître, les âmes des malades à guérir, la communication avec des divinités. Leur art dit art premier, est souvent allégorique et représente des monstres divins des dieux qui sont toujours inspirés de la nature. Dans ces sociétés, il y a que de l’artisanat, on ne fait pas de l’art. Les masques de rituels ne sont pas considérés comme de l’art, mais comme des objets qui font quelques choses. # Cependant, cette figure du chaman a été repris par des artistes contemporains comme figure symbolique autoritaire. Nous pouvons donner l’exemple de l'artiste Joseph Beuys qui s’est énormément exprimé sur la complexité du chamanisme. Ce n’est pas tant la forme littérale du personnage qui l’intéresse mais plutôt sa fonction sociale et pédagogique. Pour lui le chaman est un inventeur de rites qui se remet toujours en question et renouvelle ses formes perpétuellement. Dans ses œuvres, il y a une « 2  sur 6 

mythologie individuelle » qui les nourrit en permanence. C'est une mise en abyme symbolique du monde. Le symbolique tout comme sa posture de chaman, ont une vocation thérapeutique. Son oeuvre performance de 1974 I LIKE AMERICA AND AMERICA LIKES ME, doit selon lui guérir l’humanité et la société de ses maux et de ses crises identitaires. C'est une oeuvre complexe qui a pour but de questionner l’humain en permanence, et la place que celui-ci occupe dans sa cosmogonie personnelle au coeur de l’univers. Suite à ce début de réflexion, nous pouvons alors nous demander si l’artiste peut exercer son art indépendamment des figures du pouvoir ? C’est donc une question en rapport avec l’utilité de l’art, au fond pourquoi l’artiste créé ?# ! Pour entamer cette seconde partie, nous pouvons faire référence à la formule «%l’Art pour l’Art%» de Théophile Gautier dans son roman Mademoiselle de Mauphin. Cette expression répond justement à cette question de l’utilité de l’art puisqu’elle signifie que l’art n’a d’autre utilité que l’art lui-même. Autour de cet auteur un nouveau mouvement se créera, celui du Parnasse ou Parnassien. C’est un mouvement poétique non engagé qui rejette tout engagement social ou politique et place l’artiste comme un travailleur minutieux qui ne s’intéresse qu’au beau, «% Tout ce qui est utile est laid% ». Des artistes écrivains tels que Baudelaire, ou Rimbaud exerceront une grande influence sur ce mouvement. # Cependant, c’est surtout avec le XXe siècle et ses innovations artistiques que la conception de l’art change. Celui-ci, en devenant plus difficile à définir permet alors à l’artiste de s’émanciper du pouvoir et d’exercer librement.# C’est alors avec l’arrivée de l’anti-art qui prend sa source dans le mouvement Dada et qui provoque polémiques et scandales que l’art deviendra un art éthique et plus esthétique. Cela va remettre en cause de manière radicale les valeurs de l’art et de l’artiste. Ce terme d’anti-art, est généralement admis avoir été inventé par Marcel Duchamp vers 1913, lorsqu’il a fait ses premiers ready-mades (encore considérés aujourd’hui par certains comme anti-art). Il est l’un des artistes les plus divers de l’époque moderne et opère une rupture radicale avec les formes d’art traditionnelles. Il redonne à l’artiste la prééminence sur l’objet «%Je crois en l’artiste, l’art est un mirage%».# En 1917, il présente sa fameuse oeuvre Fontaine!lors d’une exposition à New-York. Cette oeuvre n’est en réalité rien d’autre qu’un urinoir, l’objet n’est pas touchant, il n’a aucune couleur, il est blanc, fade, banal comme tous les urinoirs qu’on peut trouver dans les lieux publics. Pourtant, tout en ne présentant aucun critère de beauté, cette oeuvre peut à juste titre être considérée comme une oeuvre d’art. En créant cet objet, Duchamp a voulu revendiquer la laideur, en brisant les règles de l’art. C’est-à-dire qu’en changeant le contexte et par ce simple geste, l’a rendu artistique. L’oeuvre est connue pour son originalité car le fait d’inventer une nouvelle forme d’art le «%ready-made%» donne un autre sens à ces objets industriels et aux oeuvres artistiques. # Nous pouvons également parler de l’art performance. Mais surtout ici des performances non politisées, qui ont un sens presque plus philosophique ou biologique.# On retrouve parfaitement cette idée avec l’artiste suisse Milo Moiré. En effet, lors de sa performance à Cologne «%PlopEgg#% la naissance d’une peinture% », l’artiste s’introduit des oeufs remplis de peinture dans le vagin afin de les «%pondre% » sur une toile sous les yeux ébahis des passants. Elle explique que cette oeuvre avait pour but de remettre en cause le corps de la femme, mais également de reprendre sa caractéristique principale : la création. Elle explique d’ailleurs dans «% Le Matin% » :%«% Je crée et j’utilise la source original 3  sur 6 

de la féminité, mon vagin. Je ne cherche pas à interpeller quiconque ou à attirer le regard.%»# L’art performance semble être une réponse possible aux questionnements survenus au XXe sur l’essence de l’art et la place de l’artiste dans son travail. L’art performance met en valeur le processus de création plutôt que l’oeuvre matérielle exposée dans des musées et veut rappeler que l’art n’a pas d’existence, au même titre que la production, sans l’existence de l’artiste lui-même. # Pour continuer avec le XXe siècle, les grandes avants-gardes poursuivent le projet d’un artiste libre de tout pouvoir. De tout ce siècle, John Cage est peut-être le théoricien de l’art le plus engagé dans les pratiques artistiques trans-esthétique. Il est notamment connu grâce à sa prestation «% 4,33’% » ou «% Quatre minutes trente-trois secondes de silence% » créée en 1952. C’est une partition de musique avant-gardiste qui est en fait constituée des sons de l’environnement, que les auditeurs entendent lorsqu’elle est interprétée. Cela bouleverse les conceptions classiques de la musique, car il n’y a plus de barrières entre le bruit, le son et le silence. Chacun a sa place. Être musicien pour Cage, c’est donc se tenir à l’écoute du monde. L’artiste propose une autre vision du monde et adopte la posture du philosophe en interrogeant la place qu’occupe l’individu dans le monde. # ! Malgré une envie des artistes de se libérer et de dénoncer le pouvoir, il est toujours présent. Nous pouvons parler ici de deux dépendances dont l’artiste doit faire face.# La première est la censure dûe aux systèmes totalitaires, elle est la limitation arbitraire et souvent politique ou religieuse de la liberté d’expression. Peu importe l’époque et la société, des limites sont imposées à la production et à l’exposition d’oeuvres artistiques. # Au temps de la seconde Guerre Mondiale, la censure va s’installer dans tous les domaines artistiques puisqu’à ce moment, le gouvernement exclue les Juifs et toute personne considérée comme politiquement ou artistiquement suspecte des organisations culturelles. L’ensemble des arts et de la propagande va même être regroupé dans la chambre de culture du Reich et nul ne peut publier ou composer s’il n’est pas membre de cette chambre.# Aujourd’hui encore, par exemple en Iran les productions culturelles et artistiques doivent obtenir une autorisation préalable de la part des dirigeants. Les représentations de la nudité, de la sexualité et du corps féminin sont encore interdites.# La seconde est le régime économique. Comme le disait Beaumarchais « Pour pouvoir créer, encore faut-il au préalable dîner ». En effet, l’artiste dépend de l’économie, il doit manger, il doit être payé, et il s’inscrit nécessairement au sein du pouvoir. De plus être le principal commanditaire d’une oeuvre artistique c’est le plus sûr moyen de ne pas avoir besoin d’exercer de pouvoir de censure. Les artistes ne seront pas censurés en travaillant pour le pouvoir. Un artiste n’existe que s’il bénéficie d’un statut qui lui garantira une fonction socio-économique. Il aura un droit patrimonial qui le rétribuera à son travail pour l’exercice de son métier d’artiste. Un artiste doit pouvoir jouir du produit de son travail. # Cependant, la pauvreté chez les artistes peut être considérée dans certains cas comme une manière de ne pas se corrompre à répondre à une demande, une attente particulière venant d’une figure de pouvoir. C’est-à-dire que l’artiste préfère souvent se tenir à distance du pouvoir pour éviter de compromettre son art, au risque de souffrir de pauvreté. #

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! Nous pouvons affirmer que l’artiste et son art dépendent nécessairement du pouvoir. Il peut produire cet art pour servir, mais également pour dénoncer le pouvoir, mais au final il n’existe jamais vraiment d’artistes libres de toute autorités puisque sa création est bloquée par des logiques socio-économiques. # Une solution que l’on pourrait proposer pour que l’artiste puisse pratiquer librement et indépendamment du pouvoir serait aujourd’hui de pratiquer en tant qu’amateur et non en tant que «% professionnel% ». En effet, il ne serait pas touché par la censure, ni par l’économie puisque l’amateur a une autre fonction au sein de la société. Il n’est pas artiste de métier, il ne dépend pas de l’art pour vivre, mais il exerce son art comme une passion à l’abri du pouvoir, en pratiquant sans en tirer profit. Il n’aurait ainsi aucun engagement professionnel, ni d’obligations socio-économiques. Mais est-ce véritablement une solution satisfaisante ? Car l’amateur travaille pour lui-même, son œuvre risque de rester dans l’ombre, inconnue du grand public. Or, on a vu que l’artiste avait une fonction sociale, voire même politique. Il mérite bien par conséquent un statut à part entière lui permettant de promouvoir son œuvre tout en étant rémunéré pour cette fonction. L’art est bel et bien un métier, mais il est trop souvent négligé par les politiques qui privilégient toujours la logique de la productivité et du rendement. Apparemment, pour le bien commun. # Le problème actuellement en France, l’art agonise, car les financements manquent pour' pouvoir passer un nombre suffisant de commandes. De plus, l’art contemporain a pris des formes de plus en plus étrangères au grand public, ce qui a pu motiver avec le temps les dirigeants à limiter les financements.' Dès le XIXe siècle, l’art du passé a pris le pas sur l’art du présent : c'est l’ère du musée. L’artiste a bien alors sa place au sein de la société : une fois mort.

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BIBLIOGRAPHIE -



DERRIEN, De lʼusage des forces : visions alchimiques, magiques et occultes dans lʼart contemporain et les cultures visuelles, Cours de L2 arts plastiques, 2017-2018.



France culture, Aux origines de la création «!L’économie de la création!», Octobre 2018, en ligne : https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/ entendez-vous-leco-du-lundi-15-octobre-2018 (Consultée le 29.12.18).



HALL Nicole, Esthétique dans l’art, Cours de L1 arts plastiques, 2016-2017.



Hoare, L’art et le pouvoir, Cours de L3 arts plastiques, 2018-2019.



KRIS Ernst et KURZ Otto, "L'artiste en magicien", L'image de l'artiste. Légende, mythe et magie (1934), Paris, Éditions Riages, 1979. !



PLATON, La République, Éditions Flammarion, 2016, 810 p.

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