Devoir histoire de l\'art moderne PDF

Title Devoir histoire de l\'art moderne
Course Histoire de l'art moderne et contemporain
Institution Université Toulouse-Jean-Jaurès
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Commentaire d'oeuvre...


Description

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Aurore ISSARTEL

Histoire de l’art moderne

N°étudiant 21703674

HA00201V

Commentaire d’œuvre : Adoration des Bergers, de Domenico Ghirlandaio

1482-1485, Tempera sur bois, 167 cm x 167 cm, Florence, église de la Sainte-Trinité, chapelle Sassetti

Université Toulouse II Jean Jaurès Année 2018-2019

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La Renaissance apparaît en Italie avant de se répandre dans toute l’Europe, caractérisée, entre autres, par le développement des idées humanistes et par un renouvellement des arts. En peinture, des mouvements artistiques vont se développer au Quattrocento (XVème siècle italien) un peu partout en Italie, on parlera alors d’école vénitienne, ou encore d’école florentine, selon leur ville d’origine. Nous allons ainsi nous intéresser à l’œuvre du florentin Domenico Ghirlandaio (1449-1494) intitulée « Adoration des Bergers », et réalisée entre 1482 et 1485. Il s’agit d’un retable d’1,67m par 1,67m, situé dans la Chapelle Sasseti de l’Église de la Sainte-Trinité de Florence. La technique utilisée est la tempera sur bois, et le commanditaire est le banquier Francesco Sassetti, acolyte des Médicis. Aussi, peut-on se demander en quoi cette œuvre est-elle caractéristique de la peinture religieuse florentine de la seconde moitié du Quattrocento. Après avoir proposé une description succincte et évoqué le sujet et l’iconographie, nous livrerons une analyse plastique et stylistique de l’œuvre, avant de la replacer dans son contexte en nous appuyant sur des comparaisons. Ce retable est une peinture d’histoire à sujet religieux, en effet, il met en scène un épisode de la Bible : l’Adoration des bergers. Au premier plan, au centre, l’enfant Jésus, dont la tête est entourée d’un nimbe crucifère, repose sur un petit tas de paille recouvert d’un pan de manteau. Celui-ci appartient à sa mère, la Vierge Marie, elle aussi nimbée, et agenouillée en position de prière à droite de son fils. Derrière lui, il y a un sarcophage sur lequel on a sculpté une couronne d’épines et une phrase en latin. Derrière Marie et s’appuyant sur ce sarcophage, on reconnaît Joseph, le regard tourné vers le ciel et portant la main à son front. A gauche de la composition, on a trois hommes, un debout portant un agneau, deux autres agenouillés devant lui : l’un porte un panier et est dans la même position que Marie, et le second semble parler au premier en désignant le nouveau-né. Entre ces trois hommes et Joseph, il a un âne et un bœuf. Tous ces personnages sont à l’abri d’une modeste cabane, soutenue par des piliers antiques à chapiteaux corinthiens. Sur le sol se trouve, au centre, des briques sur l’une desquelles repose un oiseau (une tourterelle), et à gauche on a une selle usée et une gourde. Au second plan, on aperçoit une route avec un cortège de personnages à cheval ou à pied, semblant courir ou bien danser, qui passe sous un arc de triomphe sur lequel est également gravée une phrase en latin. Surplombant cette procession, un troupeau de mouton est en train de paître. Au troisième plan, on a une ville entourée d’une muraille et bordée d’une rivière, et à l’arrière plan, à droite, on remarque une seconde ville. Dans le ciel en haut à gauche il y a un personne qui vole ; il s’agit d’un ange.

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L’Adoration des bergers est un épisode relaté dans l’Évangile de Luc (chapitre 2, versets 8 à 20), dans lequel, les bergers des environ de Bethléem se rendent auprès du fils de Dieu après que les anges leur aient annoncé sa naissance. En effet, alors que Marie est presque au terme de sa grossesse, l’empereur Auguste ordonne à chacun de se faire recenser dans sa ville d’origine et Joseph, qui vit en Galilée, à Nazareth, est originaire de Bethléem en Galilée ; le couple se lance alors dans un long périple. La Vierge Marie est reconnaissable à sa robe rouge et son traditionnel manteau bleu. Joseph semble faire le signe de croix ou se marquer du tav 1. Les trois personnages sont des bergers et l’agneau porté parce celui qui se tient debout (ainsi que le troupeau au second plan) est un symbole de la destinée de l’enfant pour deux raisons : il est voué à être le « berger » des chrétiens, et il est surnommé l’ « Agneau de Dieu » incarnant le sacrifice parfait et ultime pour le péché des hommes. La couronne épineuse sur le sarcophage ramène elle aussi à la persécution du Christ. Le berger le plus à droite est un autoportrait du peintre, le premier qu’il réalise. Le bœuf aurait réchauffé le nourrisson de son souffle, et l’âne est celui sur lequel Marie a effectué son trajet depuis la Galilée. Autres éléments symbolisant ce voyage : la selle et la gourde représentées derrière Marie. La tourterelle est un oiseau prophétique, symbole de renaissance, de chaleur, de fidélité conjugale et est associée aux énergies féminines et créatrices. Cette œuvre représente l’adoration des bergers mais aussi la prochaine Adoration des mages, à qui la naissance du divin enfant est annoncée dans un deuxième temps (épisode symbolisé par la présence de l’ange dans le ciel) ; ce sont eux en effet qui constituent le cortège en route vers l’étable. L’inscription sur l’arc de triomphe fait référence à la prise de Jérusalem par Pompée en 63 av. JC et celle sur le sarcophage, à la mort de ce dernier. Ces éléments antiques, ajouté aux piliers (qui contrastent avec la modestie de l’étable) peuvent renvoyer à la victoire de la parole chrétienne sur l’antiquité païenne mais aussi à la redécouverte de l’Antiquité par les humanistes. La ville qui s’étale au troisième plan est Rome, et celle à l’arrière-plan est Jérusalem, reconnaissable à la rotonde du Saint-Sépulcre ; par cette démarche Ghirlandaio élève Florence au même rang que Rome et Jérusalem. Mais il n’est pas le seul à agir de la sorte : à Sienne, le peintre Bartolo di Fredi réalise une « Adoration des mages » (1385-1388, tempera sur panneau, 195x163 cm, Sienne, Pinacothèque nationale) dans laquelle il représente Sienne (reconnaissable à son Duomo strié de marbre blanc et noir) en ultime étape du cortège, après Jérusalem et Rome.

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Tav : dernière lettre de l’alphabet hébreu en forme de croix, la langue rituelle et liturgique de la religion juive (Joseph, tout comme Marie étaient juifs) ; pour les premiers chrétiens, être marqué du tav équivalait à être signé de la croix. 3/5

Concernant l’analyse plastique et stylistique de ce retable, on a un plan d’ensemble, avec Jésus au centre entouré de personnages ; on note une certaine symétrie entre la Vierge Marie et le berger au panier, tout deux en position de prière, posant leur regard sur l’enfant. La rigidité des lignes droites des constructions architecturales vient contraster avec les courbes du paysage, avec ses vallées, sa rivière et ses chemins sinueux. Autre contraste, celui entre l’attitude pieuse et l’expression solennelle des personnages du premier plan, qui se recueillent avec tendresse autour du nouveau-né, et le dynamisme du cortège en train de le rejoindre. Ce dynamisme est renforcé par les couleurs vives des vêtements des mages, en effet, exceptées quelques touches sur les vêtements de Marie et Joseph, les autres éléments de la composition sont de couleurs plus ternes, avec des gris, des marrons, des verts foncés. Les deux villes et les éléments antiques ressortent par leur couleur claire. En ce qui concerne la lumière, une lumière artificielle vient éclairer l’intérieur de l’étable, en particulier Marie et le petit Jésus. La lumière naturelle provient de l’arrière plan, derrière les collines et attire le regard sur les deux villes sacrées. Le peintre utilise la perspective atmosphérique (ou aérienne), créant l'illusion de la profondeur en estompant les couleurs avec la distance, jouant sur des contrastes entre les plans du tableau. Une grande importance est portée au dessin, aux détails, notamment aux expressions du visage, donnant à cette œuvre un aspect naturaliste. Enfin, la touche est lisse, les coups de pinceaux ne sont pas visibles. Domenico Bigordi, dit Ghirlandaio (« fabricant de guirlandes ») commence sa carrière artistique en entrant à l’atelier d’Alesso Baldovinetti où il subit l’influence d’un ancien élève de ce dernier : Andrea del Verrocchio (1434-1488). On note ainsi une certaine ressemblance entre la « Vierge à l’enfant » de Ghirlandaio (vers 1480, tempera sur bois, Londres, National Gallery) et celle de Verrocchio (1475, Tempera sur bois, 84,5×64 cm, Musée Städel, Francfort-sur-le-Main) au niveau de la structure du visage de la vierge, de l’arrangement de son voile et de l’attitude de l’Enfant Jésus. L’œuvre de Ghirlandaio est aussi imprégnée du réalisme de la peinture flamande, notamment à partir de 1472 avec l’arrivée à Florence du « Triptyque Portinari » d’Hugo Van der Goes (1475, huile sur bois, 253×586 cm, Florence, Galerie des Offices). On peut ainsi évoquer certaines similarités entre l’ « Adoration des Bergers » de Ghirlandaio et celle de Van der Goes (vers 1480, Peinture à l'huile, 97x245 cm, Berlin, Gemäldegalerie), avec deux personnages à la tête du cortège chez Ghirlandaio qui rappellent les deux prophètes de l’Ancien Testament représentés au premier plan chez Van der Goes. Ghirlandaio acquiert une grande réputation de fresquiste notamment à partir de 1481-1482, date à laquelle il réalise « La Vocation des Apôtres » de la chapelle Sixtine (fresque, 349-570, Vatican, Chapelle

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Sixtine). Le peintre est aussi un grand portraitiste et va s’amuser à parsemer ses scènes religieuses de portraits de ses contemporains. L’ « Adoration des Bergers » est réalisée pendant sa période de maturité, néanmoins son style va évoluer, et l’une de ses dernières œuvres, « La Nativité » (1492, Tempera sur bois, 85×63 cm, Cambridge, Fitzwilliam Museum) montre un changement dans sa représentation du sujet. En effet le style est beaucoup plus épuré, avec moins de personnages, des couleurs plus vives et plus claires, l’absence d’éléments antiques et une plus grande importance accordée à la perspective atmosphérique. Le choix du thème de l’Adoration n’est pas anodin et est récurrent chez les artistes florentins. En effet à Florence, les Rois mages ont un grand succès, à tel point que cet épisode fait de l’ombre à la scène réelle de l’Annonciation : celle faite aux bergers. Cette popularité peut s’expliquer par le fait qu’ils sont à la fois rois et mages itinérants, renvoyant à la classe commerçante de la ville très active et très puissante. Le 6 janvier (jour de l’épiphanie), se déroule la Festa de’Magi durant laquelle une immense procession traverse la ville, avec à sa tête les trois Rois mages, pour honorer l’Enfant dont la crèche2 est située au couvent San Marco (cette fête a une telle ampleur qu’une confrérie est crée pour gérer son organisation). Ghirlandaio s’est donc très probablement inspiré de cette fête pour son retable. Ghirlandaio est un contemporain de Laurent de Médicis, et les Médicis (célèbres banquiers et mécènes florentins), ainsi que leurs proches, furent des commanditaires importants pour le peintre. Pour conclure, cette œuvre s’intègre à merveille dans le mouvement artistique florentin de la seconde moitié du Quattrocento, avec cette importance accordée à la qualité du dessin (à la différence de l’école vénitienne par exemple, qui s’attarde davantage sur les couleurs), mais aussi son ancrage dans le courant humaniste, par ces références à l’Antiquité et par l’influence de l’art flamand qui illustre le développement des échanges, autant économiques qu’intellectuels, du XVème siècle en Europe. Et si aujourd'hui Domenico Ghirlandaio n’est pas aussi reconnu que son apprenti Michel-Ange, Vasari n’a pas tari d’éloges à son sujet et le défini comme « l’un des plus grands et plus illustres maîtres de son époque »3. Bibliographie : • CADOGAN (J-K), Domenico Ghirlandaio, artiste et artisan, Paris, Flammarion, 2002. 2 3

Du latin cripia qui signifie mangeoire et qui renvoi à celle dans laquelle Marie dépose son fils à sa naissance. Giorgio Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, 1550. 5/5

• CAZENAVE (M.) (dir.), Encyclopédie des symboles, Paris, Librairie générale franaise (La Pochothèque. Encyclopédies d'aujourd'hui), 1996. • DE LA COSTE-MESSELIÈRE (M-G.), GHIRLANDAIO DOMENICO DI TOMMASO BIGORDI dit (1449-1494), Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 juin 2018. URL : https://wwwuniversalis--edu-com.nomade.univ-tlse2.fr/encyclopedie/ghirlandaio/. • DUCLOS-GRENET (P.), Des mages à Florence au Quattrocento. Autour de la fête de l’Épiphanie de 1443, Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 18.2 | 2014, mis en ligne le 19 décembre 2014, consulté le 10 juin 2018. URL : https://journals.openedition.org/cem/13519. • Évangile de Luc, AELF [En ligne], consulté le 12 juin 2018, URL : https://www.aelf.org/bible/Lc/1. •GIANESELLI (M.) sous la direction de SENECHAL (P.), Dans le sillage de Domenico Ghirlandaio (1449-1494) : peintres et commanditaires à Florence, Lille, Atelier national de reproduction des th èses, 2012. • GOMBRICH (E.H), Histoire de l’art, Paris, Phaidon, 2006. • LAPRAY (X.), POMPÉE ET L'ORIENT (repères chronologiques), Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté

le

12

juin

2018.

URL

:

https://www-universalis--edu-com.nomade.univ-

tlse2.fr/encyclopedie/pompee-et-l-orient-reperes-chronologiques/.

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