Dissertation IPL - Séance 8 - Le millefeuille territorial - S6 L3 PDF

Title Dissertation IPL - Séance 8 - Le millefeuille territorial - S6 L3
Course Institutions et politiques locales
Institution Université de Lille
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Dissertation en plan détaillé que nous devions rendre à la séance 8 sur le sujet "Le millefeuille territorial n'est-il une tarte à la crème reformatrice ?". Expression écrite très métaphorique et rigoureuse. Très bonne note obtenue à ce devoir....


Description

Rémy BRETTON L3 Sciences Politiques

INSTITUTIONS ET POLITIQUES LOCALES DISSERTATION Le « millefeuille territorial » n’est-il qu’une « tarte à la crème » réformatrice ?

INTRODUCTION Comme le disait Pierre Mauroy dans son discours de politique générale du 8 juillet 1981, faisant de la décentralisation une de ses priorités majeures en tant que premier ministre réformateur à l’occasion du vote de confiance des députés : « il faut enraciner l'unité de la République dans la diversité et l'autonomie de ses collectivités ». Les lois Defferre, du 2 mars 1982 suivront en effet, accordant aux collectivités territoriales françaises une plus grande autonomie. La décentralisation, en tant que processus et en temps que concept dans la bouche des réformateurs, a ainsi fait l’objet, -ne serait-ce que de l’exemple et de l’aveu de Mauroy lui-même mais pas uniquement- de nombreuses réformes permettant l’organisation, la réorganisation, voire la ré-ré-organisation (et plus si affinités) des liens, règles et compétences qui régissent les rapports des -et entre les- structures étatiques nationales et locales de l’État, résultant in fine sur un fameux «millefeuille territorial », objet textuel encore non-identifié par nous mais dont les hommes et femmes politiques contemporain.ne.s ne manquent pas de se feindre, et que le journal le Figaro, par la plume d’Anne-Laure Froment notamment, ira même jusqu’à qualifier précisément de « serpent de mer de la politique française »1. Un gros poisson, donc. Par définition, un millefeuille désigne une pièce de patisserie « formée de couches alternées de pâte feuilletée et de crème pâtissière »2, c’est à dire un gateau non homogène, et à étages différenciés. En outre, le domaine du «territorial », fait référence à « ce qui a rapport à une subdivision administrative du territoire »3, et qui de fait la constitue. Ainsi, nous pouvons donc en déduire que, derrière l’expression de « millefeuille territorial », se cache l’idée d’une surabondance de couches administratives et d’entités locales toutes compétentes, et parfois empiétant sur les compétences des autres couches, voire entrant parfois en concurrence les unes avec les autres. Dans un langage plus patissier : trop de crème tuerait la crème, la rendant parfois indigeste. Quant à l’idée juxtaposée d’une éventuelle « tarte à la crème réformatrice », si la métaphore active si rapidement notre cerveau reptilien à penser à la plaisanterie mondaine de grande renomée, illustrée historiquement par les entartages récurrents d’une certaine personnalité de la pensée parisienne droitière, c’est peut-être pour la raison -du moins c’est le choix interprétatif que nous en ferons- que l’image ne désigne en définitive rien d’autre qu’une vaste blague, un mensonge éhonté, un pretexte (à rire pour l’expression courante, et dans le cas présent à « agir » politiquement, à « réformer » -puisque c’est dans un tel contexte que l’expression s’y prête-). 1

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A l’occasion cette fois-ci, du discours de politique générale de Manuel Valls, proposant de « réduire de moitié le nombre de régions dans l'Hexagone» et «d'engager le débat sur l'avenir des conseils départementaux». Le Figaro, 9/04/2017. Selon la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNTL) http://www.cnrtl.fr/definition/millefeuille CNTL, op.cit

Dans son contexte, justement, le sujet semble aborder les réformes des collectivtés territoriales dans son exhaustivité, considérant résultats ancrés dans le réel des réformes dans leurs successions, cadre structurel de la République et de ses territoires pré et post réformes (millefeuille territorial en tant que tel), et cadre de pensée et intérêts des acteurs/trices politiques qui s’en servent. C’est tout l’intérêt d’un tel sujet. Chronologiquement, et à la lumière des différents actes, lois et décrêts de décentralisation, de déconcentration, on peut borner notre questionnement depuis les premières lois Defferre (1982) jusqu’à notre période contemporaine. Il ne faut toutefois pas manquer de pouvoir appréhender le cadre cognitif des réformes et les motivations des réformateurs, et de fait, laisser une marge antérieure. De même, exception peut-être faite considérant la structure centralisatrice de la République Française trouve-t-elle ces sources dans les règles institutionnels et découpage administratifs des révolutionnaires de 1789. Nous nous demanderons ainsi si ce millefeuille trop « complexe » et « inefficace »4, et par conséquence sujet à réformes de simplifications de « regroupement » ou de « fusion », n’est aux yeux des réformateurs qu’un argument politique pour se démarquer, voire simplement donner l’illusion de « faire ». Autrement dit : dénoncer une pièce de patisserie imparfaite n’est-il que pretexte à faire (encore plus) de gloubiboulga ? Nous verrons tout d’abord que le millefeuille territorial a été, du moins dans le temps politique moyen (depuis 82) une pretexte permanent à une « simplification », non neutre, que les dynamiques et structures territoriales peuvent en apparence justifier mais qui dans les faits n’existe jamais. (I) Néanmoins, cette simplification non-neutre n’est pas issue de nulle part, et est sujette à intéressement politique et symobolique. (II)

I- RÉFORMER POUR RÉFORMER ? LE MILLEFEUILLE TERRITORIAL COMME PRÉTEXTE PERMANENT À LA SIMPLIFICATION A) L’ORGANISATION TERRITORIALE EN FRANCE ET APPAREMMENT COMPLEXE, ET DONC SUJETTE À RÉFORME →L’expression de « mille-feuille territorial » se rapporte à l’organisation territoriale en couche, et désigne l’enchevêtrement des compétences apparu avec la décentralisation comme nous l’avons dit. → De fait, on pense, en tant que strates de ce mille-feuille notamment à la commune, au département et à la région, organisés par la clause générale de compétences a été étendue aux trois niveaux de collectivités territoriales depuis la loi de décentralisation de 1982.Sans oublier les syndicats intercommunaux. Celles-ci ont des rôles et des compétences respectives. Les voici en l’état par ordre de proximité5 : La commune : Elle met en œuvre des actions sanitaires et sociales (gestion des crèches, des foyers de personnes âgées), d’enseignement (création et implantation, gestion et financement des écoles pré-élémentaires et élémentaires, de culture (manifestations culturelles, création et entretien des bibliothèques, musées, écoles de musique, salles de spectacle), et relatif aux domaines des loisirs et des sports (aménagement et gestion des équipements sportifs, subvention des activités sportives, aménagements touristiques). Elles ont également une relative autonomie de décision et de conception dans l’élaboration de la norme réglementaire en urbanisme (plans locaux d’urbanisme, zones d’aménagement concerté). 4 5

Cf.article du Figaro, op.cit. Cf. http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/competencescollectivites-territoriales/

Le département (dernière réforme en date loi NOTRE, 2015) : Il est en charge de : -L’action sociale relative à l’ensemble de son territoire (50 % de son budget, dont notamment l’enfance, les personnes âgées, les personnes souffrant de handicap, notamment avec l’aide sociale à l’enfance, les politiques d’hébergement et d’insertion sociale, prestation de compensation du handicap, gestion de maisons de retraite et la gestion du RSA). - L’éducation par la construction, l’entretien et l’équipement des collèges et la gestion de 100 000 agents techniciens, ouvriers et de service (TOS). -L’aménagement du territoire et l’action culturelle. La régionl (dernière réforme en date loi NOTRE, 2015 et loi du 27 février 2002 concernant les compétences de formation, de protection du patrimoine et de gestion des lycées) : Elle s’occupe notamment de : La gestion des transports régionaux(réseau des TER), et participation au financement des infrastructures, la prévention et de gestion des déchets, la gestion des services non urbains de transport, la formation professionnelle continue et d’apprentissage, la protection du patrimoine, le développement des ports maritimes et des aérodromes et enfin la construction, entretien et fonctionnement des lycées d’enseignement général et des lycées et établissements d’enseignement agricole. Dans les domaines de la production et distribution d’eau, de l’électrification, de la gestion scolaire, du ramassage scolaire, de l’assainissement ou de la gestion des ordures ménagères, des syndicats communaux peuvent exister. Ils sont constitués par un ensemble de communes associées souhaitant réaliser un projet ensemble. → Problème: Le millefeuille consacré par la décentralisation puis par les différentes lois successives associées (ACTE 1, ACTE 2, Loi Balladur de 2010, MAPTAM (Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles) de 2014 et loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) de 2015) s'avère toujours et encore assez complexe. → Malgré des successives réformes, il est donc toujours question de simplifier les rapports et compétences de ces couches territoriales. A croire que réformer n’aurait jusqu’ici...servi à rien ?

B) LES REFORMES DE SIMPLIFICATION NE PEUVENT RIEN CONTRE UNE ADAPTATION NECESSAIRE ET PERMANENTE Si la complexité de l’organisation territoriale française est continuellement modifiée (et donc complexifiée encore) c’est car elle découle de l’impératif de trouver des niveaux de régulation intermédiaires pour répondre elle-même à la complexité croissante des enjeux sociétaux. → Ex : collecte et traitement des déchets. Avant c’était la commune mais les exigences du tri sélectif en fond un enjeu régional. → En réalité « simplifier », n’a pas de sens, car la complexité administrative est un processus d’adaptation des structures territoriales par rapport aux demandes et aux besoins des individus administré.e.s Comme

le

souligne

Michel

Casteigts6 :

6 Casteigts, Michel. « Réforme(s) territoriale(s) : de la complexité comme solution à la simplification comme problème », Espaces et sociétés, vol. 142, no. 2, 2010, pp.

« Sauf à prétendre à nouveau « changer la société par décret », aucun projet de simplification administrative ne modifiera la complexité croissante de la société ; il risquera par contre de dégrader l’adaptation des réponses politiques aux demandes sociales. » Transition : Si l’organisation territoriale est sujette à réforme, du fait de sa « complexité », et que celles-ci ne sont jamais simplificatrices par essence, alors on est en droit de se questionner sur leur utilité.

II- RÉFORMER POUR MIEUX SAUTER : LA SIMPLIFICATION COMME PROBLÈME POUR JUSTIFIER DES SOLUTIONS COMPLEXIFIÉES. A) LA « SIMPLIFICATION » EST UNE IDEOLOGIE, ET UNE ADDICTION RÉFORMATRICE QUI TROUVE DES PRÉCEDENTS HISTORIQUES ET DES MYTHES FONDATEURS → On a aujourd’hui une rhétorique récurrente voire surannée de simplifications administratives et territoriales. De simplification, en tant que concept même (les politiques sociales ont le droit aux mêmes discours). Si la décentralisation a été une réforme qui permettait l’adaptation aux besoins des individus, en revanche, elle n’a jamais été simplificatrice. Or, c’est sur la décentralisation de 82 comme référence que se base les idéaux des réformateurs. Comme le souligne Michel Casteigts7: « La décentralisation quant à elle ne s’est jamais voulue processus de simplification mais a profondément bouleversé à la fois les structures et les modes de fonctionnement. » Si l’appel à la simplification est récurrent, c’est que l’idée de simplification, n’est pas neutre. Les champs lexicaux de « fusion », et de « regroupement », trouvent des justifications financières. Hertzog, Robert, notamment, souligne, au sujet de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales son rapport avec les finances publiques, dans le cas des fusions des collectivités territoriales. Une des bases de cette loi est de pouvoir assainir le système financier local.8 L’esprit de la « simplification », est à lier avec le paradigme économique dominant. Il s’exprime dans la gestion des collectivité territoriales par le management 9, et trouve des racines cognitives avec la montée en puissance du New Public Management10 dès les années 1970, qui euphémise les différences de conception entre gestion publique et gestion privée, pour faire de l ‘ « efficace », du « pragmatique ».

125-130. 7 op.cit 8 Hertzog, Robert. « La réforme des collectivités territoriales : une ambition financière », Revue française d'administration publique, vol. 141, no. 1, 2012, pp. 121-137. 9Laoukili, Abdelaâli. « Les collectivités territoriales à l'épreuve du management », Connexions , vol. 91, no. 1, 2009, pp. 103-121. 10 Cf.Chappoz, Yves, et Pierre-Charles Pupion. « Le New Public Management », Gestion et management public, vol. volume 1/2, no. 2, 2012, pp. 1-3.

B) NOS RÉFORMATEURS SONT DES SHADOKS QUI USENT ET SE GAVENT DE TARTE À LA CRÊME

→ Comme dit le proverbe Shadok, « Plus ça rate, plus ça a de chances de fonctionner ». Sauf que les reformateurs ne cherchent pas en premier lieu à ce que ça fonctionne, puisque comme nous l’avons montrer, une réforme qui simplifierait (trop) réellement n’est pas possible (elle serait-non adaptée aux besoins des populations). → Néanmoins, l’appel récurrent à la « simplification » permet tout de même de produire et de pondre des réformes, qui en appelleront d’autres, car elles n’auront pas assez simplifié l’organisation territoriale. On voit ici toute la puissance du discursif, qui donne des justifications directes et indirectes à l’action, « dire » devient « faire ». Mais « dire » est déjà « faire »11, car, dans notre cas, c’est continuer à répéter les schémas cognitifs standards des nécessités de réformer l’organisation territoriale. En définitive, les réformes territoriales outre de servir à adapter le millefeuille aux demandes et besoins des individus, et d’introduire des logiques de rationalisation et de moindre coûts dans les collectivités, elle servent à occuper les hommes et femmes politiques qui réforment, et parfois même, à inscrire leur nom dans l’histoire des réformes des collectivités territoriales françaises (on pensera notamment à Raffarin, à Balladur, ou à Mauroy).

CONCLUSION En conclusion, comme nous l’avons vu, le millefeuille-territorial est objet de réformes que justifient sa complexité. Pourtant, celle-ci ne peut être empêchée, sinon au risque de se déconnecter des attentes et besoins des populations. Néanmoins, les réformateurs perdurent, depuis les années 80, à vouloir réformer l’organisation territoriale au motif de la « simplifier ». En réalité, cette simplification s’inscrit volontiers dans une certaine dépendance au sentier réformatrice, très orientée politiquement. Pour résumer, nous avons là, en ce qui concerne le « millefeuille-territorial », affaire à un véritable cercle vicieux des problèmes publiques. En effet, le problème publique de la complexité du millefeuille ouvre la voie à des réformes de « simplifications », lesquelles ne simplifient jamais assez, d’où construction d’un nouveau problème publique, et l’ouverture d’une nouvelle fenêtre d’opportunité. Depuis 30 ans, les réformes des collectivités territoriales semblent ne déboucher sur aucun chamboulement général des structures comme l’ont été les lois Defferre. Cet état de fait peut être illustré par les expertises toujours plus foisonnantes après chaque réforme concluant unanimement que la simplification n’a pas été suffisante. A titre d’exemple, l’article de Jean-Luc Pissaloux,, et de Didier Supplisson, sur loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, ou de Genièvre Fernay12 sont tout à fait évocateurs.13 Le millefeuille-territorial est donc bien un faux prétexte toujours renouvelé, ou une « tarte à la crème réformatrice ». 11 Cf. Delbecque, Nicole. « Chapitre 7. Quand dire c'est faire : la pragmatique », Linguistique cognitive. Comprendre comment fonctionne le langage, sous la direction de Delbecque Nicole. De Boeck Supérieur, 2006, pp. 191-223. 12Fernier, Geneviève. « La réforme des collectivités territoriales : des objectifs aux dispositions effectives de la loi », Pour, vol. 209-210, no. 2, 2011, pp. 39-48. 13« La réforme inachevée des collectivité territoriales », Revue française d'administration publique , vol. 137-138, no. 1, 2011, pp. 229-237....


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