Compte rendu de lecture - Urba final PDF

Title Compte rendu de lecture - Urba final
Course Urbanisation et mondialisation : un regard géographique
Institution Institut d'Études Politiques de Paris
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Essai sur le livre "Les murs invisibles"...


Description

Urbanisation et Mondialisation : compte rendu de lecture

LÀ OÙ LES MURS SE DRESSENT À partir de l’ouvrage : « Les Murs Invisibles », Guy di Méo

Un commentaire critique d’ouvrage par Ginevra Bersani

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SciencesPo Paris, année universitaire 2017/2018 80, 58% des femmes Françaises évitent des zones de leur ville à cause du harcèlement 73, 33% des femmes Françaises changent de moyen de transport (taxi au lieu du métro) à cause du harcèlement 85, 71% des femmes Françaises changent de trajet pour rentrer ou aller quelque part à cause du harcèlement 37, 14% des femmes Françaises veulent ou doivent changer de logement 76% des femmes Françaises ont déjà été suivies par un homme ou un groupe d’hommes en manière à se sentir en insécurité dans leur ville

L’espace urbain : théâtre de la discrimination Impressionnant, n’est-ce pas ? Ces chiffres publiés en 2015 par le Cornell International Survey on street harassment 1 ne sont pas en contradiction avec ceux publiés par l’INSEE2 dans la même année qui révèlent par ailleurs que 13, 2% des femmes ont déclaré avoir été insultées au moins une fois dans l’espace public et que les femmes vivant en ville (24%) sont davantage victimes d’insultes que les autres. Aujourd’hui en France, être une femme dans l’espace urbain n’est pas chose aisée ou pour le moins agréable si l’on se tient à ces chiffres. C’est la thèse de l’auteur et géographe social Guy di Méo qui, dans son ouvrage Les Murs Invisibles3, s’attache à démontrer que si beaucoup d’avancées allant dans le sens d’une égalité homme femme en France ont été réalisées, les inégalités urbaines persistent et s’expriment dans le rapport que les femmes entretiennent avec la ville à travers des « Murs Invisibles ». Ces murs invisibles, que di Méo définit comme étant des « limites non matérialisées, non formulées ni forcément représentées en tant que telles, que les individus dressent autour d’eux et des espaces qu’ils fréquentent, mentalement et physiquement, lors de leurs déplacements urbains »4, se dresseraient pour tout citoyen mais concerneraient a priori plus fortement les citadines.

La ville à la fois espace de libération et d’oppression L’auteur part de ce constat généralisé pour se demander dans quelle mesure la ville englobe une dimension libératrice ou au contraire oppressante sur les

1 Cornell International Survey on street harassment, May 2015. Enquête menée par Hollaback ! et l’Université de Cornell. Available here : https://www.ihollaback.org/cornell-international-survey-on-street-harassment/#fr

2 Lettre de l’Observatoire National des Violences Faites aux Femmes – N°8, Novembre 2015. (Par la Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes contre les Violences et la Lutte contre la traite des êtres humains) .Disponible ici : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/IMG/pdf/Lettre_ONVF_8__Violences_faites_aux_femmes_principales_donnees_-_nov15.pdf 3 Di Meo Guy (2011). Les Murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Paris, Armand Colin, coll. « Recherches ». 4 Op. Cit.,, p. 317 2

femmes. Le cadre de son étude étant sa ville natale, Bordeaux, il a mené, à l’aide de son élève Catherine Hoorelbecke, 57 entretiens auprès de Bordelaises aux origines et horizons variés. L’étude est menée de manière scientifique dans le livre : l’auteur ne livre pas son positionnement politique ou intellectuel et ne semble pas être biaisé dans sa démarche. L’échantillon est diversifié. Malgré ces précautions, le lecteur peut tout de même deviner l’orientation des pensées de l’auteur sur ce sujet. L’ouvrage peut être divisé en quatre grandes parties qui suivent un cheminement logique menant à la réponse plus ou moins définitive à la question du livre. Dans un premier temps, di Méo s’attache à expliquer sa méthode d’entretien en détail, de la constitution de l’échantillon à la logique de questionnement. Il se livre également à la définition des « termes du sujet » abordés : le genre, l’espace urbain (de Bordeaux notamment) et la mobilité dans la ville. Dans la seconde partie, l’auteur cherche à lister les « pratiques urbaines » des femmes étant très mobiles dans la ville (les femmes-sujet) et des femmes qui sont au contraire plutôt reléguées dans leur intérieur (les femmes-objet). A partir d’exemples concrets, il étudie les critères qui font qu’une femme appartienne à l’une ou à l’autre catégorie. L’auteur ne tire pour autant pas de conclusions sur ces constats car « la seule conclusion à tirer de ces faits est celle de l’extrême variété des situations et la remise en cause systématique d’un soi-disant particularisme de sexe en la matière”. En revanche, il observe clairement que l’intense mobilité d’une femme dans l’espace urbain ne signifie pas forcément que pour cette dernière des murs invisibles n’existent pas. Bien au contraire, certaines femmes franchissent ces murs volontairement et en toute conscience pour se réapproprier la ville. Di Méo rend compte dans la troisième partie d’une trentaine d’entretiens avec les femmes qui ont trouvé un équilibre entre leur extérieur et leur intérieur et qui investissent les deux de manière plus ou moins égale. C’est la catégorie la plus nombreuse de Bordelaises. Dans la dernière partie, l’auteur s’intéresse principalement aux jugements que les Bordelaises portent sur les espaces de la ville pour pouvoir modéliser les caractéristiques d’une ville « idéale » permettant une mobilité totale aux femmes. Ainsi il relève par exemple que la propreté, les espaces verts et la beauté architecturale sont des critères fondamentaux par exemple.

Analyse critique des apports de l’ouvrage Ce livre est le premier ouvrage d’urbanisme que j’ai lu. Il m’a donné envie d’en savoir plus et constitue à mon sens une excellente entrée en la matière de l’urbanisme de genre, pour plusieurs raisons. : Tout d’abord, la démarche scientifique donne un aspect technique à l’existence des murs invisibles auxquels le lecteur s’attend. Dès le début, l’auteur part du constat que les femmes sont moins mobiles que les hommes dans la ville de Bordeaux, et

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cherche à comprendre pourquoi uniquement à partir des entretiens, en évitant les digressions théoriques ou les assertions. Il y a également la première partie du livre, qui constitue un vrai atout explicatif car en détaillant précisément la méthode des entretiens réalisés, le lecteur peut saisir quels point importants et récurrents ont été étudiés par le chercheur lors de chaque entretien avant l’analyse des interviews. Le développement qui en découle s’appuie uniquement sur les réponses recueillies. Le lecteur remarque ainsi facilement l’attention donnée à tous les aspects de la vie de l’interviewée qui, bien que ne concernant pas forcément sa mobilité urbaine, expliquent son comportement sur des aspects sociologiques. Mis à part la condition socio professionnelle, des aspects comme l’histoire personnelle, les engagements et les opinions deviennent ainsi des facteurs explicatifs de la mobilité urbaine. Enfin, la série de cartes géographiques annexes à la fin de l’ouvrage est un vrai atout pour comprendre les points abordés dans les interviews. La démarche de l’auteur d’allier une visualisation géographique des thèses démontrées permet au lecteur nonBordelais de visualiser les lieux et comprendre mieux les espaces plus ou moins investis par les femmes de la ville. Toutefois, l’ouvrage a également quelques limites que l’on peut souligner : Tout d’abord, il est impossible de dégager une réponse scientifiquement précise à la problématique du livre, à savoir l’existence ou non de murs invisibles pour les femmes bordelaises. L’auteur synthétise en disant que « la seule conclusion à tirer de ces faits est celle de l’extrême variété des situations et la remise en cause systématique d’un soi-disant particularisme de sexe en la matière ». On soulignera également que l’échantillon de 57 femmes apporte une valeur qualitative à l’enquête, mais qu’une étude sur un nombre de sondées plus large aurait été utile pour valider les assertions de l’auteur au niveau quantitatif. Concernant les interviews, il me semble pertinent de noter que si les témoignages des sondées sont abordées de façon très complète et intéressante, elle a le désavantage de ne pas dégager d’axes clair et de faire perdre parfois le « fil du discours » ou la vision d’ensemble. Enfin, et ceci n’est pas une critique mais plutôt une ouverture, à plusieurs reprises dans le livre l’auteur évoque de manière hypothétique les réactions que les hommes Bordelais pourraient avoir aux mêmes questions été posées dans le livre à leurs concitadines. Il serait intéressant de réaliser cette étude comparative pour savoir si les murs invisibles qui s’érigent dans la ville ne sont qu’un fait de genre.

Conclusion Je n’ai pas regretté d’avoir choisi cette monographie urbaine pour cette analyse, car l’urbanisme de genre est une matière qui semble malheureusement avoir de plus en plus de raisons de se développer. Les inégalités spatiales, les chiffres sur le harcèlement et la mobilité restreinte des femmes dans la ville en sont la démonstration.

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Il est intéressant donc de savoir comment l’espace urbain se découple et se rend parfois inaccessible aux femmes à travers ces « murs invisibles ». Abordée dans ce livre à Bordeaux, je crois que cette étude pourrait donner les mêmes résultats dans à peu près chaque ville moyenne ou grande de France. Il existe ainsi de nombreux autres ouvrages dont le sujet de recherche proche, mais appliqué à un autre espace géographique. Enfin, la valeur de ce livre réside avant tout dans son approche qualitative : n’ayant pas l’ambition de s’ériger en statistique scientifiquement exacte, la valeur sociologique des témoignages expliquant le dressement de murs invisibles est grande. C’est pourquoi je pense que de telles études factuelles et abordées sans dogme constituent un excellent moyen de comprendre l’urbanisme sur des thématiques précises, telles que le genre. J’espère qu’elles permettront de mettre en exergue des problèmes et servir d’appui aux pouvoirs publiques afin de rendre l’espace urbain plus égalitaire. 7. 879 caractères

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