Fiche de lecture Race et histoire de C. Levi-Strauss PDF

Title Fiche de lecture Race et histoire de C. Levi-Strauss
Author Dalenda Grosjean
Course Découverte de l'anthropologie: textes
Institution Université Toulouse-Jean-Jaurès
Pages 5
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Summary

Fiche de lecture de "Race et histoire" de C. Lévi-Strauss. Réalisé dans le cadre de l'UE découverte de l'anthropologie ...


Description

Fiche de lecture :

Race et histoire est un essai de Claude Lévi-Strauss ayant la particularité d’avoir était commandé en 1952 par l’Unesco à l’occasion de la parution de plusieurs brochures consacrées aux problèmes du racisme - depuis, réédité en 1987 par Gallimard dans la collection Folio/Essais. - Il marquera l’histoire considéré comme un manifeste théorique antiraciste. L’auteur est un anthropologue, ethnologue naît en 1908 à Bruxelles et mort en 2009, à Paris. Claude Lévi-Strauss est connu pour avoir complétement renouvelé l’ethnologie en lui appliquant l’analyse structurale à partir du modèle linguistique, fondant ainsi le structuralisme qui fût dans les années 60 un vaste mouvement scientifique, philosophique et littéraire. Il est auteur de nombreux ouvrages comme Les structures élémentaires de la parenté (1949), Tristes Tropiques (1955), Anthropologie structurales (1958). L’ouvrage Race et histoire (1952) de Lévi-Strauss est composé de dix chapitres assez court, dont le problème général est posé dans le premier chapitre intitulé : « Race et cultures ». Il s’agit de comprendre la diversité des cultures dans le monde. Ainsi, Lévi-Strauss commence par dire qu’il serait déplacé de parler de la contribution des races humaines à la civilisation mondiale - car ce serait au final, contraire au combat anti-raciste – la question est de savoir si la diversité des cultures est un avantage ou un inconvénient pour l’humanité et de comprendre en quoi consiste cette diversité. Pour répondre Claude Lévi-Strauss opte par une méthode anthropologique et note que l’anthropologie a « son péché originel 1» qui se trouve dans la confusion entre la notion biologique de race et la notion sociologique des cultures. Il précise donc, que ce qui fait l’originalité des cultures et des peuples tient de sa constance géographique, historique, sociologique et non pas de leur anatomie ou physiologie. Il rappelle ainsi qu’il n’existe pas de race humaine au sens biologique et évoque la figure de Joseph Arthur de Gobineau (18161882) qui a écrit Essai sur l’inégalité des races humaines2 (1855). Dans cette thèse racialiste, J. Arthur de Gobineau écrit que : si les races – divisées en trois grandes races primitives (blanc, noir, jaune) - étaient égales entres elles, leur métissage les avaient amené à se dégénérer. Par-là, il défendrait une doctrine raciste visant la pureté des races. Ce même essai sera le créateur d’un des mythes contemporains : l’aryen, faisant de Gobineau l’un des pères du racisme. Mais alors, Claude Lévi-Strauss écrit : « s’il n’existe pas d’aptitudes raciales innées, comment expliquer que la civilisation développée par l’homme blanc ai fait les immenses progrès que l’on sait, tandis que celles des peuples de couleur sont restées en arrière, les unes à mi-chemin, les autres frappées d’un retard qui se chiffre par milliers ou dizaine de

1 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « race et culture », p.10, Gallimard Folio/essais, 1987 2 Jospeh Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines, Paris, Firmin-Didot frères, 1953-1955, mis en disponibilité par l’Université du Québec à Chicoutimi : archive

milliers d’années ?» 3. Dans cette interrogative, Claude Lévi-Strauss inverse les rôles et se joue de l’argumentaire raciste pour pouvoir par la suite, mieux retourner la question.

Le chapitre deux y apporte un élément de réponse. Pour comprendre pourquoi les cultures diffèrent entres-elles, Lévi-Strauss parle de dresser leur « inventaire ». Cependant, cela reste une opération difficile du fait de l’éloignement géographique et temporelles qui les séparent. De même, il faut pouvoir distinguer les sociétés différentes mais qui ont une origine commune de celles qui ne se sont jamais rencontrées. Il écrit : « on en vient à se demander si les sociétés humaines ne se définissent pas en égard à leurs relations mutuelles […]il existe aussi au sein de chaque société, dans tous les groupes qui la constituent, castes, classes, milieux professionnels ou confessionnels, etc., développent certaines différences auxquelles chacun d’eux attache une extrême importance. […] »4. Il y le désir de vouloir s’opposer, se distinguer, d’être soi. Ainsi, les cultures dictent parfois des règles pour ne pas demeurer en reste par rapport à la culture voisine et c’est ce qui peut aboutir à l’ethnocentrisme, étudié dans le troisième chapitre. L’ethnocentrisme « consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles : morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. »5 Pour l’ethnocentriste la diversité culturelle et une contradiction dans les termes : il n’y a qu’une culture, et c’est la sienne ! L’humanité est, pour une tribu, là où s’arrête ses frontières. Les autres sont rejeté hors de la culture humaine. Or, comme le dit Lévi-Strauss : « en refusant l’humanité à ceux qui apparaissent comme les plus “sauvage“ ou “barbares“, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c’est avant tout l’homme qui croit à la barbarie. »6 L’égalité est de prime à bord difficile à perçevoir au vu des diversités physiques et culturelles des hommes. Pourtant, certains systèmes philosophiques, politiques et religieux ont proclamé au contraire, une égalité naturelle entre les hommes. Or cette disposition de l’esprit peut paraître un peu décevante et absurde car « elle néglige une diversité de fait qui s’impose à l’observation »7. Par exemple, Lévi-Strauss note que les grandes déclarations des droits de l’homme sont abstraire car l’homme réalise sa nature dans ses spécificités culturelles. Mais l’être humain cherche à trouver des compromis entre l’égalité et la diversité, l’exemple de ce que Lévi-Strauss appelle le “faux évolutionnisme“ le montre bien ; je cite : « Il s’agit d’une tentative pour supprimer la diversité des cultures tout en feignant de la reconnaître pleinement. Car, si l’on traite les différents états où se trouvent les sociétés humaines, tant anciennes que lointaines, comme des stades ou des étapes d’un développement unique qui, partant du même point, doit les faires converger vers le même but, on voit bien que la diversité n’est plus qu’apparente. L’humanité devient une et identique à elle-même8 […] ». 3 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « race et culture », p.12, Gallimard Folio/essais, 1987 4 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « diversité des cultures », p.15-16, Gallimard Folio/essais, 1987 5 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « ethnocentrisme », p.19, l.14-17, Gallimard Folio/essais, 1987 6 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « ethnocentrisme », p.22, l.7-12, Gallimard Folio/essais, 1987 7 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « ethnocentrisme », p.22, l.22, Gallimard Folio/essais, 1987 8 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « ethnocentrisme », p.23-24, l.24-33, Gallimard Folio/essais, 1987

Pour Lévi-Strauss, on confond encore biologie et sociologie. Il ne faut donc pas comprendre ce qui se passe au niveau culturel, de manière analogique a ce qui se passe au niveau biologique.

Comment alors comprendre le fait que l’on parle de cultures archaïques ou cultures primitives ? C’est à cette question que répond le quatrième chapitre. Pour Lévi-Strauss, il est possible de répartir les cultures entre trois catégories : les cultures contemporaines, mais éloignée dans l’espace ; celles proches dans l’espace, mais éloignées dans le temps et enfin celles qui sont éloignées à la fois dans l’espace et dans le temps et sur lesquelles nous ne pouvons rien savoir. Pour les deux premières dit Lévi-Strauss, on pourrait se laisser tenter par ce faux évolutionnisme. Par exemple, dire que les sociétés contemporaines qui ne connaissent pas l’électricité sont au même niveau que les anciennes sociétés européennes … Or, comme l’écrit Lévi-Strauss : « En vérité, il n’existe pas de peuples enfants ; tous sont adultes, même ceux qui n’ont pas tenu le journal de leur enfance et de leur adolescence »9. Il est possible que les sociétés humaines aient usé du temps de manière inégale. Toujours en usant de sa méthode anthropologique, Lévi-Strauss se demande alors, si nous pouvons peut-être distinguer une histoire où des cultures progressives et acquisitives auraient usé efficacement de leur temps, face à une histoire où des cultures sont tout aussi talentueuses mais incapable de synthétiser leur découvertes. Cela nous amène à l’idée de progrès pensé dans le chapitre cinq. Lévi-Strauss nous rappelle avant tout que le progrès humain ne se fait pas de manière linéaire. Par exemple : l’âge de Fer ne succède pas de manière stricte à l’âge de Bronze. Le progrès fonctionne par saut et ces sauts vont dans plusieurs sens ; c’est pourquoi le progrès humain doit être conçu différemment, il ne suit pas une seule et unique direction. Lévi-Strauss use d’une image assez représentative : « l’humanité en progrès ne ressemble guère à un personnage gravissant un escalier, ajoutant par chacun de ses mouvements une marche nouvelle à toutes celles dont la conquête est déjà acquise ; elle évoque plutôt le joueur dont la chance est repartie sur plusieurs dés et qui, chaque fois qui les jette, les voit s’éparpiller sur le tapis, amenant autant de comptes différents »10. L’histoire peut être progressive quand les conditions le permettent, à condition d’avoir le bon jeu si je reprends l’image du joueur. Pour synthétiser l’image de Lévi-Strauss : si chaque culture est un joueur, on peut alors penser que chaque histoire d’une culture peut-être statique si le jeu que le joueur possède est insuffisant, mais à contrario cumulative si son jeu est bon et si la culture peut accumuler du progrès au fur et à mesure du temps. Mais, penser une culture comme statique ou cumulative dépend du point de vue duquel on se place, note Lévi-Strauss. Il précise ainsi que nous jugeons cumulative une culture qui reviendrait à se développer de manière analogique à la nôtre. A l’inverse, les cultures que nous considérons comme stationnaires le sont car leur ligne de développement n’ont pas de sens à nos yeux. Lévi-Strauss écrit alors : « L’historicité, ou, pour parler 9 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « cultures archaïques et primitives », p.32, l.24-27, Gallimard Folio/essais, 1987 10 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « l’idée de progrès », p.38, l.23-30, Gallimard Folio/essais, 1987

exactement, l’événementialité d’une culture ou d’un processus culturels sont ainsi fonction, non de leurs propriétés intrinsèques, mais de la situation où nous nous trouvons par rapport à eux, du nombre et de la diversité de nos intérêts qui sont gagés sur eux »11. Claude LéviStrauss nous montre que nous sommes toujours conditionnés par un système de valeurs avec lequel nous jugeons les autres cultures. Sa réflexion nous amène à penser la place de la civilisation occidentale. Cette dernière est plutôt favorisée et nous empruntons ses habitudes et ses techniques. Or, comme le dit Lévi-Strauss cette adhésion au mode de vie occidental « résulte moins d’une décision libre que d’une absence de choix »12. Il nous rappelle ainsi que la civilisation occidentale a imposé ses choix et ses techniques au cours de l’histoire, qui ne sont que des perfectionnements des découvertes archaïques. Cependant, certains répondent que ses découvertes passées sont le fruit du hasard. Mais alors comment penser vraiment le rôle du hasard, dans le progrès humain ? Le chapitre huit, intitulé « Hasard et civilisation » tente de répondre à cette question en la considérant comme naïve. Claude Lévi-Strauss nous fait part de son point de vue avec un simple exemple : il est illusoire de penser que le feu à était découvert par hasard, car les découvertes résultent d’inventions, d’essais, d’erreurs et de réussites qui se transmettent de génération en génération. Ce sont donc, des combinaisons de petites découvertes qui font de grandes révolutions techniques. De cette manière, chaque culture et chaque génération apportent sa petite pierre au grand édifice du progrès de l’humanité. De là, on peut noter deux grandes révolutions dans l’histoire humaine : la révolution néolithique et la révolution industrielle. S’il est difficile de savoir où a débuté la première, on devine que dans le futur, nous serons bien en peine de savoir où a débuté la seconde. Car, outre le fait que celle-ci aurait très bien pu apparaitre ailleurs qu’en Europe, à l’échelle des millénaires quelques dizaines d’années ne veulent rien dire en ce qui concerne la question de la priorité d’une culture sur une autre. Au niveau technique, aucun peuple n’est donc stationnaire, toute histoire est cumulative, mais avec des différences de degrés et des probabilités, selon des situations historiques et géographiques données. Quel est donc le secret des cultures les plus cumulatives ? Il est, pour Lévi-Strauss et comme l’indique le chapitre neuf dans « la collaboration des cultures ». On retrouve ici, l’idée de probabilité : chaque culture a une chance plus au moins grande d’être proche dans le temps et dans l’espace avec d’autres cultures, c’est-à-dire d’avoir la possibilité d’interférer avec elle et d’échanger. Or, ce sont précisément ces échanges qui permettent à chaque culture de s’enrichir mutuellement et de progresser. Les cultures cumulatives ne sont pas des cultures isolées « mais de cultures combinant, volontairement ou involontairement, leurs jeux respectifs »13. À l’inverse, les cultures isolées auront moins tendance à être cumulative. 11 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « histoire stationnaire et cumulative », p.43, l.4-9, Gallimard Folio/essais, 1987 12 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « place de la civilisation occidentale », p.53, l.20, Gallimard, Folio/essais, 1987 13 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « la collaboration des cultures », p.69, l.19-20, Gallimard, Folio/essais, 1987

L’Europe - à la Renaissance, notamment - a eu cette chance inouïe d’être au carrefour de plusieurs cultures différentes, à la fois anciennes et contemporaines. Ce mélange a pu produire une civilisation extrêmement cumulative. L’histoire cumulative est donc le fait d’une culture et non de la nature. Elle résulte d’une manière d’être ensemble, tout en préservant son originalité culturelle. Mais voilà que pour la dixième et dernier chapitre, intitulé « le double sens du progrès » Lévi-Strauss nous amène « devant un étrange paradoxe »14. Pour progresser, il faut qu’il y est une collaboration des cultures différentes, chacune apportant quelque chose. Or ces choses mis en commun produit une homogénéisation et empêche de ce fait, toute futures collaborations puisqu’il n’y aura plus rien à partager. Les probabilités des cumulations diminues donc, au fur et à mesure que l’histoire devient cumulative. On pourrait penser qu’il y aurait un seuil critique de l’ homogénéisation des cultures qui ne faudrait pas dépasser. L’humanité est prise dans un processus contradictoire entre diversification et unification. Pour finir, Lévi-Strauss notera l’importance de « préserver la diversité des cultures dans un monde menacé par la monotonie et l’uniformité »15. En 1971, Claude Lévi-Strauss prononcera à l’UNESCO un autre texte intitulé Race et culture, (1971) qui fera grande polémique. Il défend l’idée que les cultures devraient être davantage fermées si elles veulent vraiment préserver leur originalité. Sa thèse à fait scandale et pourtant, Lévi-Strauss semble ne pas vraiment se contredire et l’on retrouve cette thèse en filigrane à la fin de Race et histoire, (1952). Si Lévi-Strauss se contredisait, il ne défendrait pas l’idée que les cultures doivent continuer à échanger afin de produire du progrès. Ce que Lévi-Strauss vise plutôt est une uniformisation du monde, l’universalisme des cultures qui s’imposerait aux autres. Il défendrait donc - en pensant le subtile équilibre entre fermetures et ouvertures des cultures - une véritablement réciprocité culturelle par et dans laquelle, aucune culture n’écraserait l’autre.

14 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « le double sens du progrès », p.79, l.1, Gallimard, Folio/essais, 1987 15 Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, chap : « le double sens du progrès », p.84, l.27-28, Gallimard, Folio/essais, 1987...


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