Fiche lecture histoire IVAN Jablonka PDF

Title Fiche lecture histoire IVAN Jablonka
Course Histoire de l'Europe au XXe siècle : La démocratie libérale en Europe au XXe siècle, un modèle ?
Institution Institut d'Études Politiques de Paris
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Summary

fiche de lecture du livre + analyse ...


Description

Fiche&de&lecture&–&ARRIETA,&Daniella& « Je n’ai pas la naïveté de croire que l’histoire de mes grands-parents est exceptionnelle, et que mes grands-parents sont soit des héros soit des martyrs, c’est bien le contraire. L’histoire de mes grands-parents est plutôt banale (…) et j’ai essayé de montrer comment leur itinéraire, leurs parcours, fait écho au parcours de milliers d’autres personnes » nous dit Ivan Jablonka, dans la présentation de son ouvrage Histoire des grands parents que je n’ai pas eu à l’occasion du 15ème rendez-vous de l’Histoire, qui s’est déroulé à Blois du 18 au 21 octobre 2012. Pour cette fiche de lecture j’ai choisi de parler sur un ouvrage historique assez particulier. L’histoire des grands parents que je n’ai pas eus : une enquête, écrit par Ivan Jablonka et publié en 2012, est un essai de biographie familiale qui mêle l’intime à l’histoire, la littérature à la méthodologie scientifique, le pathos au travail d’archives. Tout en approfondissant le travail méthodologique de la discipline historique pour la confronter à la question de la subjectivité, de l’anachronisme, du travail d’écriture et de la fiction. En effet, tout le long de son œuvre nous témoignons comment l’auteur passe du collectif à l’individuel, ce qui lui permet, en tant qu’historien, de conférer aux phénomènes sociaux, politiques et culturels qu’il étudie leurs véritables enjeux existentiels. D’une part, un élément qui va permettre à cette ouvrage de se distinguer de n’importe quel autre c’est l’incroyable réussite de la part de notre auteur à croiser trois courants de recherche historiographique différents, comme c’est le cas de la « microhistoire » , « l’histoire des vies ordinaires » et finalement « l’ego-histoire » . Ainsi, Ivan Jablonka « redistribue les cartes d’un jeu qui met aux prises, depuis toujours, les disciples de Clio, muse de l’histoire et la littérature »1. Mais d’autre part, c’est important de prendre en compte que, si bien l’auteur retranscrit l’histoire de sa famille, il le fait en partant de deux personnes qu’il ne connait pas. En effet dans sa quatrième découverture il nous dit « je suis parti, en historien, sur les traces des grands-parents que je n’ai pas eus. Leur vie s’achève longtemps avant que la mienne ne commence : Matès et Idesa Jablonka sont autant mes proches que de parfaits étrangers ». Ainsi, lors de commencer son enquête, Jablonka subsistait de très peu de matériel : il n'avait que trois lettres en yiddish de diverses correspondances de ses grands-parents, un passeport, quelques photos éparpillées, deux cartes envoyées du camp d’internement de Drancy, et leurs noms, gravés sur le mur du Mémorial de la Shoah à Paris, avec le nom de 76 000 autres personnes. Avant même de rentrer dans l’analyse du livre, nous allons tout d’abord parler plus sur la figure d’Ivan Jablonka. Petit-fils de sans-papiers juifs polonais, Ivan Jablonka est né à Paris en 1973. Ancien élève de l’École normale supérieure, Ivan Jablonka est professeur d’histoire à l’université Paris 13 (Sorbonne Paris Cité), rédacteur en chef de laviedesidees.fr et codirecteur de la collection « La République des Idées » au Seuil. À travers ses diverses publications, on s’aperçoit qu’un thème qui revient assez souvent dans ses œuvres c’est la question des enfances. Ceci est visible notamment à travers d’œuvres comme « Ni père ni mère. Histoire des enfants de l’Assistance publique (1874-1939) » 2, « Les Enfants de la République. L’intégration des jeunes de 1789 a nous jours »3 ou encore, dans l’ouvrage même que nous sommes en train d’étudier. Ainsi, il a étudié plusieurs formes d’abandon et de violences faites aux enfants : l’abandon proprement dit, mais aussi la négligence éducative, la misère enfantine, la répression les déplacements forcés, la stigmatisation, la discrimination, etc. En effet, nous trouvons deux raisons par lesquelles il attribue autant d’importance à ce sujet. La première raison revient beaucoup lors de plusieurs interviews où il affirme que sa prédilection pour ce sujet et pour l’histoire tout court, est lié en partie à son histoire familiale. Ceci ne veut pas dire qu’il aye été abandonné ou maltraité par ses parents, mais son père, lui, n’a pas connu ses parents car ces derniers ont été déportés à Auschwitz en 1943 et assassinés. Donc, rapidement on s’aperçoit qu’il y a un lien direct entre son travail de thèse sur l’Assistance publique et le destin de son père : c’est l’abandon. Pourquoi ? Parce que d’une certaine manière son père et sa tante sont des enfants abandonnées. A ce propos il dit : « J’ai de l’amitié pour les enfants ballottés, déracinés, rejetés, blessés, parce qu’ils ressemblent à mon père et qu’ils me renvoient, ironiquement, la double image du petit garçon dévoré d’angoisse que je fus et de l’enfant chéri qui n’a jamais manqué de rien ». 4 Mais, une autre raison pour laquelle il est attaché à l’enfance c’est simplement parce qu’elle a pour lui une valeur heuristique. C’est-à-dire que l’historien, comme tout chercheur en sciences sociales, doit savoir rester un enfant. Ivan Jablonka nous dit « Je pense qu’il est bon de cultiver un regard étonné, émerveillé (…) Pour commencer à comprendre les choses, il faut détruire le caractère d’évidence qu’elles ont acquis. Il faut les regarder avec d’autres yeux que les nôtres (…) Je crois que l’historien doit pratiquer la naïveté épistémologique, ce que Carlo Ginzburg appelle, après d’autres, l’estrangement ».  C’est pour cela qu’il a tenu à ouvrir son essai de biographie familiale, Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, sur une lettre d’enfant à la fois naïve, écrite sur un papier à lettres un peu mièvre, bourrée de fautes d’orthographe, et terriblement funèbre. Mais au-delà de ces traits particuliers en ce qui concerne le fond de ses écrits, c’est intéressant de remarquer, qu’Ivan Jablonka se préoccupe autant par le contenu de ses travaux http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/02/09/histoire-des-grands-parents-que-je-n-ai-pas-eus-d-ivanjablonka_1640799_3260.html 2 Ni père ni mère. Histoire des enfants de l’Assistance publique (1874-1939), Paris, Seuil, 2006 3 « Les Enfants de la République. L’intégration des jeunes de 1789 a nous jours » 4 Extrait de son discours de remercîment au moment de recevoir, le prix du Sénat du Livre d'histoire 2012

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Fiche&de&lecture&–&ARRIETA,&Daniella& mais aussi par la forme, ce qui évidement contribue à une réflexion sur la façon dont on peut aujourd’hui, écrire en tant qu’historien. En effet, pour lui l’histoire est « une littérature contemporaine »5 et c’est exactement ce qu’il prouve à travers de son essai de biographie familière. « Je suis parti en historien sur les traces des grands-parents que je n’ai pas eus » 6 : telle est la première phrase de l’ouvrage d’Ivan Jablonka. Cette « biographie familiale », se présente comme l’enquête d’un explorateur qui s’est imbibé dans de nombreux archives, qui a dû coudoyer diverses langues étrangères, qui a voyagé dans plusieurs pays, qui a rencontré et interrogé de nombreuses personnes, en poursuivant une quête absolue : retrouver les traces de ses deux grands-parents. Tout au long de l’ouvrage, le lecteur accompagne l’auteur dans ses voyages, ses rencontres, ses découvertes, ses hypothèses, depuis le pèlerinage aux sources de Parczew, jusqu’à Auschwitz, en passant par l’Argentine, la Russie, l’Israël et bien sûr Paris et d’autres régions de France. Ivan visite Parczew à son tour accompagné d’Audrey et Bernadetta pour l’aider dans ses recherches. Il faut savoir qu’au début du XXème siècle, de nombreux Juifs vivent à Parczew, une “bourgade” polonaise, dont les familles Jablonka et KorenbaumFeder sont originaires. L'auteur s’intéresse à chacun des membres de ces familles. Il va constituer une espèce d’arbre généalogique à travers lequel il va nous présenter toutes les figures importantes, en allant des arrières grands-parents à ses grands-parents en passant par ses oncles et cousins. Ainsi, dans les premiers chapitres, il évoque la vie des gens dans ce « shtetl » polonais ; pays qui venait d’obtenir son indépendance de la Russie en 1918. Ivan fait un tour du centre-ville historique de Parczew et nous décrit peu à peu ce “bled-fantôme”. La vie semblait normale là-bas, Parczew était une ville comme n’importe quelle ville alentour jusqu’à ce que les crises économiques et la montée de l’antisémitisme bouleversent le pays. ll insiste sur les expropriations, les exclusions des marchés publics et les discriminations subies par les juifs pendant cette époque « Voici l’ambiance où mes grands-parents grandissent : bigoterie de l’un, antisémitisme de l’autre ». Parczew est une ville riche en histoire, il suffit de mettre les pieds dans ce “patelin” pour comprendre à quell point les Nazis ont brillamment gagné la guerre contre les juifs . Dans les premiers chapitres, l’auteur nous parle de l’enfance de Matès Jablonka et Idesa Korenbaum-Feder. A chaque visite et à chaque rencontre, il parvient à connaître des traits assez précis sur la personnalité de ses grands-parents ainsi que sur leur profession et habitudes, ce qui lui permet de brosser un portrait de plus en plus détaillé de ces derniers. Il insiste sur la beauté d’Idesa et sur la serviabilité et charisme de Mates. Cependant, à un très jeune âge, ils se passionnent tous les deux pour la politique, ce qui leur mène à militer au sein du parti communiste polonais (KPP, 1918) et à lutter contre le nationalisme et le sionisme. Ainsi le couple se constitue autour de la vie de militant et des risques encourus par cette dernière comme c’est le cas des emprisonnements. Matès et Idesa ont devenus des révolutionnaires professionnels, le parti devenant leur propre vie. Pour beaucoup des gens comme eux, le communisme devient un idéal, “une planche de salut”. Mais rapidement, être communiste devint une transgression suprême, le recours à la clandestinité est indispensable. Après avoir été condamnés à la detention en 1934 et 1935, Matès et Idesa, face à la montée du nationalisme polonais et de l’antisémitisme, vont être amenés à considerer l’exil. Mais ils ne sont pas les seuls. En effet, à partir des années 1920, la vie devient de plus en plus difficile pour les juifs, situation que l’auteur illustre à travers le parcours de la fratrie Jablonka : « les uns s’installent en Argentine, d’autres en Russie, d’autres en Israël ». Cependant, Matès et Idesa n'ont pas eu beaucoup de choix en ce qui concerne leur destination et ils ont décidé de s’enfuir vers la patrie des droits de l’homme pour y recommencer une nouvelle vie : la France. Matès part le premier en 1937 et sa femme le rejoint un an plus tard. Malheureusement, leur situation ne s’est pas du tout amélioré. Certes ils retrouvent des amis et font connaissances de plusieurs réseaux très actifs de solidarité comme le Secours Populaire, ou les Ligues des Droits de l’Homme, mais ils doivent faire face à des nombreuses difficultés dues à la langue, au chômage, à la précarité et surtout, à l’administration française. Malgré leurs efforts pour obtenir une naturalisation, ils se voient constamment refusés l’autorisation de séjour. Ainsi, ils restent des « clandestins » qui subsistent à peine grâce des petits boulots entamés par Matès. En dépit de leur manque de stabilité, ils fondent une famille avec la naissance d’une petite fille, nommée Suzanne, en janvier 1939. Même s’ils auraient désiré de quitter la France vers une meilleure vie ailleurs (en Argentine par exemple avec Smije et Reizl), ils n’avaient pas les moyens pour le faire. Si bien la France est restée pour longtemps une terre d’accueil et de liberté, la deuxième guerre mondiale a changé tout cela Comme beaucoup de Juifs, Matès s’est engagé dans la « Légion étrangère » pour défendre la France ; ce dernier voit cette action comme une opportunité d’obtenir sa naturalisation et de cette façon garantir à sa famille de rester à Paris. Après sa participation à la défense du front de l’Aisne, Matès rentre à Paris pour quelques jours car Idesa va accoucher. Sa famille s'agrandit avec la naissance d’un petit garçon : le père de l’auteur, Marcel, né en avril 1940. Mais à partir de là, leur situation ne fit que s’empirée car 5 6

L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Seuil, 2014. Ivan JABLONKA, Historie des grand parents que je n’ai jamais eu,p9&

Fiche&de&lecture&–&ARRIETA,&Daniella& très vite est arrivé en France « la tourmente des années noires de l’Occupation ». Matès et Idesa se voient exposés à nouveau à l’angoisse, à la fuite et aux privations. Malgré leurs efforts, ils sont arrêtés le 25 février 1943 et enfermés à Drancy. En ce qui concerne leurs enfants, ils ont arrivé à les sauvés et les laissant à leur voisin Polonais, qui était un dentiste non juif qui les amena à son tour chez une cousine d’Idesa, Annette mariée à un Français qui s’appelle Constant. Ce dernier écrit à sa sœur pour leur trouver une famille d'accueil. Finalement, deux retraités acceptent : M. et Mme Courtoux. C’est ainsi que Marcel et Suzanne partent en Bretagne. Ivan arrive à connaître beaucoup sur leur séjour chez les Courtoux grâce à Mme. Hardy, la nièce de ce derniers et grâce à Mireille, la petite-fille. Mais une fois la guerre terminée, Marcel et Suzanne sont confiés à un orphelinat. L’auteur consacre le dernier chapitre à l’ultime étape de la vie de ses grands-parents. Comme il ne possède pas assez d’informations sur leur destin tragique il élabore des hypothèses sur leur vie dans les camps de concentration, surtout pour essayer de savoir si Matès et Idesa ont été gazés immédiatement. Dans la lettre d’Annette à Simje et Reizl, elle affirme que le couple luimême a souffert le destin de « des milliers d’autres juifs ». Ivan Jablonka a mis environ cinq ans à faire ce livre. Naturellement, il y avait des choses qui étaient déjà en place, comme certaines anecdotes familiales ou des conversations qu’il avait eu avec son père. Mais le plus complexe a sans doute été de trouver des archives, en France, en Pologne et ailleurs. La partie archivistique de son enquête a duré au moins trois ans et il y a des choses qu’il a n’a trouvées que très tard lors de ses voyages en Argentine par exemple, alors qu’il avait déjà commencé à rédiger. Si bien l’ouvrage de Ivan Jablonka est une réflexion à la fois privée et publique sur le destin de sa famille, il constitue au même temps un essai sur l’écriture de l’histoire. Le sous-titre de son œuvre7 est alors capital et mérite réflexion. En effet, cette œuvre présente une double caractéristique, ou plutôt dévoile une double histoire : c’est « un livre sur leur histoire » (celles de ses grands-parents), et il corrige : « ou plutôt un livre d’histoire sur eux ». Et c’est ce qui en fait toute la richesse et l’intérêt : l’histoire singulière de deux familles, et surtout du couple, est constamment prolongée, étoffée et éclairée par de nombreuses références à d’autres personnes, d’autres vies, d’autres paroles. L’auteur montre bien comment les éléments particuliers traduisent et dessinent l’universel. Ainsi, l’œuvre ne cesse en effet d’alterner entre une histoire et l’autre, l’auteur les mêlant pour en montrer la correspondance. L’histoire n’est pas seulement la démonstration d’un fait. C’est également la fabrication d’un objet, un ensemble de processus qui s’allient à une méthode rigoureuse pour construire un objet historique qui, sans l’intervention de l’historien, n’aurait pas d’existence. Aussi, Jablonka mêle à la présentation des faits, comme nous l’avons vu, la démonstration d’une subjectivité qui est celle de l’auteur. Cette transparence revendiquée par l’historien conduit à repenser la méthodologie historique et ses rapports avec la subjectivité. Le « je » n’est plus un élément perturbateur chez Jablonka, au contraire, il se fait garant, par sa présence et par son exhibition, de la vérité même du fait historique raconté. Le fait et l’historien sont ainsi indissociables et ne font plus qu’un. Il justifie ceci en nous disons : « J’ai refusé le « comme si » de la narration impersonnelle, du passé qui parle tout seul, qui sort tout armé de la cuisse de l’historien. Je rêve d’une histoire où le « je » serait la caution de la recherche la plus objective, et non son principe corrupteur » 8. Donc, l’utilisation du singulier apparait, non comme un « je » narcissique, mais plutôt comme un « je » de multiples inquiétudes. Jablonka est conscient de la banalité tragique de l’histoire de ses grands-parents. Son objectif n’est pas de les montrer comme des personnes exceptionnelles. En revanche, il a essayé de montrer comment leur itinéraire, leurs parcours, fait écho au parcours de milliers d’autres personnes. En effet, c’est là que l’historien fait son travail ou que le sociologue fait des sciences sociales ; il s’agit tout simplement de la capacité de généraliser, de monter en généralité, d’avoir conscience que l'on n’est pas dans un cas unique. Loin de susciter la méfiance du lecteur, la parole subjective de l’historien apparaît dans ce cas, comme un garant de la véracité des faits. Ce qui nous emmène au deuxième élément caractéristique de la méthodologie de Ivan Jablonka : l’exigence de distance et de réflexivité. En effet, n’importe quelle recherche, en histoire comme ailleurs, exige de la distance. Cependant, ceci n’a pas était un gros défi pour l’auteur car d’après lui, la distance sur son sujet, c’est la mort qui se l’a imposé. Ni lui ni son père ont connu Matès et Idesa Jablonka. Il va jusqu’à dire qu’il y a « une fossé » qui le sépare de ses grands-parents : « Ils aspiraient de tout leur être à la révolution prolétarienne ; le mur de Berlin est tombé quand j’avais quinze ans. Ces admirateurs yiddishophones de la grande Union des soviets comprendraient-ils que j’aille parfois parler, en anglais, dans une université américaine ? Cette distance sociale, politique, linguistique, j’ai du! la surmonter. Cette déchirure, cette béance ouverte par la mort et le temps, j’ai dû la recoudre » 9. Il a tenté de réduire cette distance en obéissant à ce que Marrou appel « l’honnêteté scientifique », intérêt mythologique qui exige à l’historien de faire assister à ses lecteurs à la genèse de son œuvre pour leurs permettre de comprendre pourquoi et comment il a choisi son sujet, ce qu’il y cherchait, ce qu’il y a trouvé. D’où tout au long de son œuvre on a l’impression, en tant que lecteur, de 7

« Une enquête »

8http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/evenementiel/livre_histoire/texte_Jablonka.pdf 9

Ibid

Fiche&de&lecture&–&ARRIETA,&Daniella& faire partie de son enquête : de la France à la Pologne, tandis que l’historien fouille les archives de la sureté de Paris, rencontre un témoin, questionne son père ou visite les lieux dans lesquels ont vécu ses grands-parents pendant la guerre, le lecteur suit Jablonka et ne le quitte pas. L’écriture de l’histoire apparaît avant tout ici comme une transmission qui assume les subjectivités de l’émetteur aussi bien que du récepteur, et qui les intègre au sein même du récit. Mais plus encore, il s’agit d’un livre de transmission qui relie le passé au présent, qui nous relie, nous lecteurs, à cette époque qui nous échappe et de laquelle nous nous sentons dès lors concernés. Ainsi, l’auteur partage avec nous ses intuitions, ses certitudes, hésitations, réussites et même échecs. Le but de cet exercice, d’après Jablonka, c’est de montrer « que les archives auxquelles j’ai eu recours ne sont pas un acquis, une trouvaille dans le grenier d’une maison de campagne, mais le fruit d’un raisonnement ». En fin, cette approche est une façon, comme le dit Jablonka « d’inviter le lecteur dans les coulisses, dans l’« atelier de l’histoire ». Il nous invite à juger la cohérence de son propos et de ses interprétations, et parfois même à nous ’interroge : « M.O.E. Ces trois caractères commandent secrètement toute la vie de mon père, à la fois le miracle de sa survie et la blessure qui le fera saigner jusqu’à la mort : sa mère l’abandonne pour qu’il lui survive, son amour culmine dans le rejet, la négation. Car je me pose la question et je vous pose la question, comme Hélène Berr : que faut-il pour que vous laissiez vos enfants en bas âge dans un pays étranger, au moment de le quitter pour être livrés à la haine d’un État qui a promis de vous détruire ? »10 Cependa...


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