Introduction à la phonétique PDF

Title Introduction à la phonétique
Course Introduction aux langues étrangères et régionales
Institution Université Paul-Valéry-Montpellier
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Notes de cours en licence sciences du langage d'introduction aux langues étrangères avec M. Lefebvre...


Description

Le langage en tant que système symbolique Séance du 28 sept. 2020, Amphi 2 (Madeleine Voga)

Important : Ce cours est à associer à l’exemplier correspondant, également sur Moodle (pour l’année 2020-21). Autrement dit, lorsque vous voyez cela signifie qu’il faut se reporter sur l’exemple correspondant (dans l’exemplier).

Plan du cours 1. L’approche anthropologique du langage (Sapir) ou le relativisme linguistique (hypothèse de Sapir-Whorf, 1953) 2. Les deux buts essentiels du langage (Sapir 1921, 2001) 3. Le langage en tant que système de symboles. 4. L’analyse des formes du langage. 4.1 Les procédés grammaticaux 5. La typologie des langues selon Sapir 6. Bibliographie et appuis bibliographiques (y compris sitographie) Le but de ce cours consiste à vous faire réfléchir sur la nature du langage en vous exposant dans un premier temps, la théorie de Edward Sapir, théorie beaucoup moins connue que celle de Saussure mais très importante, en particulier en l’égard des problèmes liés à la représentation, autrement dit au langage en tant que système symbolique.

1. L’approche anthropologique du langage (Sapir) ou le relativisme linguistique (hypothèse de SapirWhorf, 1953) 1.1 Introduction L’œuvre de Sapir doit être considérée comme l’une des contributions les plus importantes à l’élaboration de la connaissance du langage. A une période postérieure au Cours de Linguistique Générale (C.L.G.) de Saussure mais de manière indépendante, l’œuvre de Sapir marque une rupture épistémologique avec la linguistique antérieure, de la même importance que celle du CLG. Il a posé les fondements d’une analyse synchronique du système langagier tout à fait brillante, mais avec moins de rigueur et de précision que Saussure. Les travaux de Sapir ne peuvent pas être compris sans référence à l’œuvre de F. Boas, qui est le père du relativisme culturel, même s’il n’a lui-même jamais utilisé cette expression, et même s’il était lui-même absolument contre la présentation de grandes théories générales et plutôt adepte du travail minutieux de terrain. Il est d’ailleurs considéré comme le père de la méthode monographique en anthropologie. L’idée de 1

l’observation prolongée et systématique, sans préjugé, d’une entité culturelle déterminée, contribue à la transformation d’une ethnographie de voyageurs qui « ne font que passer » en une ethnographie de séjour de longue durée qui a complètement transformé l’appréhension des cultures particulières. Le relativisme culturel ne fait pas l’objet de ce cours, pour une brève description des travaux de Boas, se reporter au livre de Denys Cuche (1996), La notion de culture dans les Sciences Sociales, éditions La Découverte. Sapir, né en 1884, était un élève de Boas, qui était un grand spécialiste des langues indiennes d’Amérique du Nord. Dans son Handbook of American Indian Languages Boas a jeté les bases d’une grammaire comparée des langues amérindiennes. Cette démarche ne pouvait être que synchronique, en raison de l’absence totale de tradition écrite (langues orales). Elle a permis de mettre en évidence la complexité et l’extrême variété des langues indiennes, du Mexique à l’Alaska. Sous l’influence de Boas, Sapir fait des longs séjours parmi les tribus indiennes du continent Nord-Américain. Dans ces travaux il a effectué une classification des différents procédés grammaticaux utilisés par ces langues. C’est dans ce domaine que c’est exercé l’influence de Whorf, qui a fourni à Sapir des analyses extrêmement pertinentes des systèmes morphologiques et grammaticaux de nombreuses langues amérindiennes, notamment du hopi, de l’aztèque et du shawnee. Sur la base de ses écrits sur la variabilité des langues ainsi que sur les relations entre comportement, pensée et langage, Sapir a été à l’origine de l’hypothèse du relativisme linguistique, que nous appelons parfois ‘hypothèse Sapir-Whorf ’. L’hypothèse de Sapir-Whorf pose que : « tous les observateurs ne sont pas conduits à tirer, d’une même évidence physique, la même image de l’univers, à moins que l’arrière-plan linguistique de leur pensée soit similaire ou ne puisse être rendu similaire, d’une manière ou d’une autre ». Le langage est donc avant tout une classification et une réorganisation opérées sur le flux ininterrompu de l’expérience sensible, classification et réorganisation qui ont pour résultat une ordonnance particulière du monde. La métaphore qui revient avec insistance est celle du découpage, de la segmentation (du monde, de l’expérience). Chaque langue est un vaste système de structures, différent de celui des autres langues, dans lequel sont ordonnées culturellement les formes et les catégories par lesquels l’individu non seulement communique mais aussi perçoit et analyse la nature, aperçoit (ou pas) tel ou tel type de relation ou de phénomènes, raisonne, et par lesquelles il construit sa connaissance du monde. On pourrait exprimer l’idée centrale du relativisme linguistique de la manière suivante : le langage est le produit d’une culture donnée, d’une pensée unique et d’une expérience du monde unique. Appuis bibliographiques : ➔ cf. chapitre relatif à Sapir dans Bronckart, J.P. (1977). Théories du langage. Une introduction critique, Mardaga. ➔ Cuche, D. (1996). La notion de culture dans les Sciences Sociales, éditions La Découverte. Cet ouvrage vous sera particulièrement utile pour comprendre le ‘relativisme culturel’ de Boas, qui était le maître de Sapir. 2

2. Les deux buts essentiels du langage (Sapir 1921, 2001) Le premier but du langage, qui est absolument évident et banal, consiste à assurer la communication des idées, désirs et émotions à l’intérieur du groupe. Ceci ne doit pas nous faire perdre de vue que le groupe dispose d’autres modes de communication (non verbaux) et que la parole assume d’autres rôles qui ne semblent pas liés à la communication. Par ex. lorsqu’une mère parle à son bébé, le but n’est pas tellement la communication, mais plutôt une fonction affective. Selon l’expression de Sapir, « le langage est avant tout une actualisation vocale de la tendance à voir la réalité de façon symbolique ». Ceci signifie que, outre sa fonction de communication, le langage assume une fonction de représentation, qui est une fonction symbolique. < cf. exemplier, ex. 1 pour la définition du symbole> La représentation consiste à créer des substituts ou représentants de la réalité que connait le sujet, substituts dont l’organisation constitue ce que l’on appelle généralement ‘la pensée’. En ce qui concerne la fonction de symbolisme linguistique, Sapir soutient que les possibilités de transfert du symbolisme linguistique sont « pratiquement illimitées » et donne l’exemple de l’alphabet morse, « dans lequel les lettres normales sont représentées par une série déterminée de coups plus ou moins longs. Ici le mors se substitue au langage écrit plutôt que directement au langage parlé. La lettre du code télégraphique morse est donc le symbole de l’alphabet écrit, qui est lui-même un symbole, il s’agit donc d’un symbole de symbole … On peut à la rigueur concevoir, même si ce n’est pas très vraisemblable, que certains opérateurs de morse ont pu s’accoutumer à penser directement en lettres frappées, tout au moins en ce qui concerne la partie consciente du phénomène. (Sapir, 2001, p. 29) < cf. exemplier, ex. 2 >

3. Le langage en tant que système de symboles Alors que le langage est le moyen que nous avons pour communiquer, il demeure néanmoins que le contenu à transmettre est incommunicable. Comment peut-on communiquer nos sentiments liés à une grande joie, à l’état amoureux, ou à une grande tristesse ? L’analyse de Sapir vise à étudier comment est rendue possible cette transformation de l’expérience individuelle et unique en unité langagière commune aux membres du groupe. Pour que la communication soit efficace, les symboles doivent correspondre à des catégories ou ensembles qui regroupent plusieurs produits de l’expérience individuelle à propos d’une même réalité. Notre connaissance individuelle doit donc s’insérer « dans une des catégories qui est tacitement reconnue par la collectivité ». Les mots ne désignent pas les exemplaires de la réalité en tant que tels ; L’expérience qu’a le locuteur de ces exemplaires doit être « élaguée et généralisée » de manière à s’insérer dans une espèce d’enveloppe conceptuelle, qui est transmise au récepteur qui la reçoit et y fait correspondre sa propre expérience individuelle. 3

4. L’analyse des formes du langage L’analyse des formes du langage est très importante dans la théorie de Sapir, car il démontre l’indépendance totale des formes par rapport aux fonctions qu’elles assument. C’est ainsi qu’en français, l’idée de négation peut être exprimée par un préfixe, par une préposition, par une locution adverbiale (ne pas) ; autre exemple, le pluriel peut être traduit par une modification de l’article (la - les), un suffixe ou une alternance vocalique (cheval - chevaux). Autre exemple : < cf. exemplier, ex. 4 > Dans les langues pro-drop (pronoun dropping, par ex. espagnol, grec) on ne met pratiquement jamais le sujet du verbe. On s’y retrouve grâce aux marques flexionnelles (i.e., de la flexion verbale) : la terminaison de la 1ère personne, de la 2ème personne, du singulier/pluriel. Pour revenir aux formes du langage : Toute langue est susceptible de pouvoir exprimer toutes les fonctions sémantiques et la complexité comme la richesse des formes n’est pas moins grande dans les idiomes dits primitifs (à l’époque de Sapir) que dans les langues dites évoluées (toujours à l’époque de Sapir).

4.1 Les six procédés grammaticaux Le système langagier est donc universel dans les fonctions internes qu’il peut assumer ainsi que dans la variabilité des moyens dont il dispose pour les exprimer. Les langues se différencient cependant par leur préférence pour tel ou tel type de forme particulière, appelés procédés grammaticaux. Sapir en distingue six types principaux : l’ordre de mots, la composition, l’affixation, la modification interne de la racine (ou alternance vocalique), le redoublement et les différences d’accentuation. a) L’ordre de mots (syntaxe) est le procédé grammatical le plus simple et le plus général, dans la mesure où la position respective des différents mots de l’énoncé est rarement gratuite, même s’il peut y avoir plus ou moins de liberté en fonction de la langue considérée. Soit les énoncés : < cf. exemplier, ex. 5a et 5b, regarder très attentivement et essayer de comprendre l’exemple 5b -5e > En (5a : anglais), le fait que Mary est en première position en fait le sujet du verbe, alors que John est en deuxième position, ce qui en fait l’objet. En (5b : grec) il y a une liberté plus grande au niveau syntaxique, due au fait que le sujet et l’objet du verbe sont dénotés non seulement par leur position syntaxique (dans cette phrase), mais aussi par l’article qui montre le cas de déclinaison. Ainsi, Maria qui est en nominatif est le sujet et Yiannis qui est en accusatif est l’objet. On pourrait reformuler cette même phrase en 5c, 5d et 5e, toutes ces phrases signifient la même chose. Conclusion pour l’ordre des mots /syntaxe : en anglais nous devons utiliser un ordre figé, alors qu’en grec la 4

syntaxe est moins contraignante. Question : est-ce que la syntaxe devrait être selon vous plus contraignante en français ou en grec ? Pourquoi ? b) Le procédé de composition, consiste à réunir en un seul mot deux ou plusieurs racines. Il est très fréquent en anglais, en allemand, en chinois, en grec, quoique les modalités de la composition peuvent considérablement varier d’une langue à l’autre. Du point de vue de la forme, les composés du français ne sont pas soudés du point de vue de la graphie, sauf ceux, la plupart d’origine savante, construits à partir des termes venant du grec et du latin, repérables à une jonction vocalique entre le premier et le second terme, -o- si le premier vient du grec, et -i- s’il est d’origine latine : < cf. exemplier, ex. 6a, 6b, 6c > Mais on trouve des composés soudés à partir de mots français : < cf. exemplier, ex. 7 > Entre le grec et le français (pour ne prendre que ces deux exemples), la composition ne se fait pas du tout de la même manière. Considérons par exemple une formation comme (8a) versus une formation comme (8b) ou encore (8c) : en grec les éléments ont tendance à fusionner entre eux, comme par ex. dans αγριογούρουνο, où le morphème -ο- qui se trouve au milieu du mot et que l’on appelle infixe sert de lien entre le premier constituant (άγρι-, ντοματ-) et le second constituant (-γούρουνο, -σαλάτα) du composé. Le grec est une langue fusionnelle, où les éléments ont tendance à se combiner entre eux pour former des unités plus grandes, et cela peut induire des modifications à l’intérieur du mot ainsi formé. La composition est un procédé très fréquent et très productif en grec moderne, comme c’était le cas pour le grec ancien. c) L’affixation est un autre procédé très utilisé ; il consiste à rajouter à la racine des préfixes (ex. 9, 9a, 9b), ou des suffixes (10). d) À ces trois procédés principaux, s’ajoutent l’alternance vocalique (ex. 11) très fréquente en anglais, et dans les langues sémitiques. On sait que les jeunes enfants en train de faire l’acquisition de l’anglais comme langue maternelle, font souvent la surgénéralisation de l’alternance vocalique, en disant par ex. . Cet exemple ne fait que démontrer la prégnance de ce procédé pour cette langue. e) le redoublement de la racine ou d’une partie de celle-ci, c'est-à-dire répétition de la première consonne du thème avec un ε (epsilon), ex. les verbes qui commencent avec une seule consonne (ex. 12). f) enfin, procédé très fréquent dans les langues de type isolant, comme le chinois, les variations du ton ou de l’accent, par ex. lorsque l’on dit /mai/ avec intonation montante cela signifie « acheter », mais lorsque l’on dit la même suite de phonèmes avec intonation descendante cela signifie « vendre ». 5

Comme le note Sapir, (1921/2001, p. 32) « ceux d’entre nous qui ont étudié le français ou l’allemand, ou mieux le latin ou le grec, savent quelles formes variées la pensée peut emprunter ». Les divergences de forme entre le latin et l’anglais sont comparativement minimes en comparaison de ce que nous savons d’autres systèmes linguistiques. Ce que Sapir veut montrer par là est la variabilité linguistique très importante des langues naturelles. Conclusion : Une langue sert à se représenter le monde et influe sur notre pensée (pour ne pas dire définit notre pensée). Chaque langue correspond à une manière de voir le monde. Ou, pour utiliser les termes de Martinet « le langage n’est pas un calque de la réalité » (1980 : 11) Martinet, A. (1980). Eléments de linguistique générale, Armand Colin, Nouvelle édition remaniée et mise à jour, ouvrage consultable et téléchargeable sur le lien suivant, dont la lecture (au moins des pages 11 et 12) est plus que recommandée : http://livre.fun/LIVREF/F8/F008067.pdf

5. La typologie des langues selon Sapir (Le langage, 2001, p. 170-171, pour le tableau complet de la classification) Selon Sapir, le choix des procédés, leur dosage, de même que les fonctions précises qui leur sont attribuées, définissent des types de langues différents : il propose trois critères distincts de classification (typologie) : - le degré relatif de synthèse ou de complexité des mots de la langue - le degré de fusion ou de cohésion entre les différentes parties d’un mot - enfin, la mesure dans laquelle les concepts relationnels fondamentaux du langage sont directement exprimés comme tels. C’est la typologie construite sur le premier de ces critères (synthèse – complexité) qui a été le plus fréquemment reprise dans la littérature linguistique ; de ce point de vue, on distingue quatre types de langues : isolantes, faiblement synthétiques, synthétiques et polysynthétiques. Dans les langues de type isolant, les mots sont non analysables, ils ne peuvent être modifiés par des changements internes ou par l’adjonction d’affixe et par conséquent les concepts de nombre, genre, temps etc. sont traduits par des morphèmes séparés. Le chinois est la langue la plus caractéristique de ce type. Le type faiblement synthétique caractérise plusieurs langues européennes telles que l’anglais, le français, l’italien, l’espagnol, etc. Dans ces systèmes, les racines subissent diverses modifications, généralement sous forme de suffixation, mais la complexité formelle des mots reste faible. Le groupe synthétique comprend les langues sémitiques (hébreu, arabe) ainsi que les langues anciennes du groupe indo-européen (sanskrit, latin, grec). Celles-ci se caractérisent par la complexité des systèmes de détermination (genre, nombre, cas) et des formes verbales (aspects, modes, temps). Cette complexité se traduit 6

par des nombreuses flexions, préfixations et suffixations. Dans ces langues, la richesse formelle des mots est compensée par la souplesse de l’organisation interne et notamment par la liberté avec laquelle les mots peuvent se combiner (ordre de mots). Enfin, le dernier groupe de langues, le groupe polysynthétique présente une complexité formelle de l’expression des concepts dans le mot, à laquelle s’ajoute la possibilité d’unir divers concepts concrets, diverses racines, en une seule unité. L’esquimau est une langue de ce type extrême. En conclusion sur cette typologie basée sur la morphologie des langues, on peut constater que les moyens dont disposent les langues des différents groupes ne sont pas du tout les mêmes.

Références Bronckart, J.P. (1977). Théories du langage. Une introduction critique, Mardaga éditeur. Cuche, D. (1996). La notion de culture dans les Sciences Sociales, éditions La Découverte. Pour un recensement de la 5ème édition de cet ouvrage, un ‘grand classique’, vous pouvez consulter le site suivant : https://journals.openedition.org/remi/8623 Pour ce qui nous intéresse dans le cadre de ce cours, n’importe quelle édition de l’ouvrage, dont la BU possède plusieurs exemplaires, ira très bien….

Sapir, E. (2001). Le langage. Introduction à l’étude de la parole, Payot & Rivages, 284p. [1ère édition 1921 ; fr. 1953] http://classiques.uqac.ca/classiques/Sapir_edward/langage/langage.html

Martinet, A. (1980). Eléments de linguistique générale, Armand Colin, Nouvelle édition remaniée et mise à jour. http://livre.fun/LIVREF/F8/F008067.pdf

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